[POINT DE VUE] Discours de Briand sur la laïcité : aujourd’hui face à l’islam ?

Une écriture dans notre Constitution de la nécessité d'une neutralité religieuse dans l'espace public s'impose.
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Alors que le 18 février dernier une proposition de loi afin d’interdire le port du voile islamique dans le sport en France a été adoptée au Sénat et que le débat sur le port du voile à l’université et durant l’accompagnement scolaire resurgit, je me suis demandé pour quelle raison on n’évoque pas l’interdiction générale de cet attribut contraire à l’esprit de la laïcité. J'ai donc recherché une perspective historique en relisant avec attention le remarquable discours d'Aristide Briand, rapporteur de la loi 1905 de séparation des Églises et de l'État. Que contient-il qui puisse confirmer la nécessité, aujourd'hui, de renforcer la définition de notre laïcité dans la Constitution ?

1. Ce discours historique décrit de manière très précise et complète les difficultés des rapports entre les gouvernants et la papauté, depuis Clovis jusqu'à la Troisième République, en passant par les guerres de Religion, l'édit de Nantes et sa révocation, le gallicanisme, la Révolution et le statut civil du clergé, les concordats de 1801 et 1813, la création du Consistoire israélite en 1808, l'œuvre laïque de Jules Ferry, les lois 1901 et 1904 (loi Combes) remettant en cause l'enseignement religieux et les congrégations.

Le terme de laïcité y est plusieurs fois employé, notamment pour expliquer la séparation du pouvoir temporel avec celui spirituel, confusion dont les rois ont longtemps usé afin d'asseoir leur pouvoir divin.

2. Le terme de laïcité n'a pour autant pas été utilisé dans le texte même de la loi. Le législateur de l'époque n'a pas voulu figer la notion de laïcité dans une définition exhaustive, ressentant intuitivement la nécessité de laisser la porte ouverte à une évolution future.

3. L'application de cette loi a par ailleurs été restreinte dans nos colonies à majorité musulmane, comme l'Algérie, Madagascar et le Haut-Sénégal. Le législateur avait bien compris qu'elle n'y était pas applicable en l'état, à la fois parce que l'islam est une religion théocratique a l'opposé de la laïcité, et aussi parce que notre administration coloniale préférait la tenir administrativement dans sa main, plutôt que de lui laisser la bride sur le cou et prendre trop de pouvoir.

4. À aucun moment la question de l'islam n'est abordée, ni dans le rapport, ni dans la loi. Seules sont concernées les religions catholique, protestante et israélite. Le législateur ne pouvait imaginer qu'un jour une immigration massive musulmane poserait le problème de son « adaptation » à notre laïcité et à notre culture, et au maintien de l'ordre social.

5. On peut tirer de ce qui précède que c'est à notre génération qu'il revient, non pas de suppléer à l'insuffisance de la loi, mais d'enrichir la définition de la laïcité à imposer aujourd’hui à tous et donc aux musulmans en France, sans toucher à la loi elle-même, ce qui raviverait les querelles entre cléricaux et anticléricaux et entraînerait des revendications confessionnelles nouvelles. C'est un travail que n'a pas accompli la commission Stasi en 2002, qui s'est contentée d'une interprétation trop limitative de la neutralité de la fonction publique. Si Aristide Briand revenait aujourd’hui, nul doute qu’il militerait, par exemple, pour une interdiction du voile islamique dans l’espace public, car sa conception libérale l’amènerait à penser que nulle religion ne peut envahir un espace qui appartient à tous.

Seule une écriture dans notre Constitution de la nécessité d'une neutralité et discrétion religieuse dans l'espace public, collectif (au travail) et politique s'impose devant l'avancée d'un islam conquérant.

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Philippe Franceschi
Consultant en sécurité

Vos commentaires

51 commentaires

  1. Je voudrais renchérir en apportant deux arguments, le premier pour faire la différence entre les bonnes sœurs et curés d’une part, de l’autre les voilés et kamis, l’autre pour préciser le sens du voile en islam.
    – en 1905, il a été repoussé l’interdiction de l’habit religieux dans l’espace public, celui des sœurs, des curés. En effet ces personnes ont des vœux qui les excluent de la vie familiale, contrairement aux voilées et porteurs kamis ou autre habit religieux.
    – Le verset du coran qui appelle au port du voile, le verset 59 sourate 33 :
    « Ô prophète dit à tes épouses et à tes filles, ainsi qu’aux femmes des croyants, de jeter sur elles leurs grands voiles. Elles en seront mieux reconnues et ne seront point offensées. »
    D’abord il s’agit d’une consigne du 7ème siècle, nous sommes au 21ème, comme quoi la contextualisation que nous reprochent les musulmans de ne pas faire sur d’autres sujets, ils ne la font pas… Certains vont même vous dire sans vergogne qu’il s’agit d’une consigne intemporelle.
    Le « seront mieux reconnues » : hors de la maison, sur l’espace public, comme pieuses musulmanes. C’est aussi un moyen de contrôle de l’esprit religieux de la famille. On le sait, l’islam demande de la démonstration…
    Le « ne seront point offensées » : le non-port du voile peut donc induire à offenser les femmes ne le portant pas… et on peut se demander, jusqu’à quel point.

  2. Agiter la laïcité comme un hochet face à l’islam conquérant… je ne voudrais pas paraitre défaitiste, mais je pense que ça ne va pas suffire ! C’est une guerre, que mène l’islamisme, rampante, silencieuse, mais qui grignote sans relâche des territoires, des institutions, tous les espaces matériels et immatériels que nous lâchons. Nous reculons, nous tolérons, nous cédons, nous subissons. Des quartiers entiers où on ne trouve plus que de la nourriture hallal, où femmes et filles ne sont plus libres de s’habiller selon nos mœurs, de sortir ou circuler en sécurité, nos libertés de pensée et d’expression brimées pour ne pas choquer… l’occupant ! C’est une guerre, et nous la perdons car nous refusons de la voir et de nous battre pour notre culture et notre continuité historique. Nous baissons la tête, nous désertons, au sens premier : St Denis, où reposent nos rois, ne nous appartient plus. Dans 25 ans, nous serons minoritaires dans les urnes. Ce n’est pas un naufrage, c’est un sabordage.

  3. Ne faut il pas remettre en question le principe de laïcité dont on se gargarise en permanence ? L’état de droit, qui en est la conséquence est un échec que l’on constate tous les jours. Une criminalité qui explose, une incivilité galopante, des crimes excusés, des criminels logés nouris dans des prisons qui sont devenues des « cube Med », des victimes abandonnées, des tribunaux surchargés, des peines non appliquées et des prisons pleines.
    L’état de droit ne marche pas car ça ne peut pas marcher. Il faudrait mettre un flic derrière chaque citoyen et un super flic derrière chaque flic et un juge derrière chaque super flic et un super juge derriière chaque juge. C’est idiot! ça ne peut pas marcher. La France et l’EUROPE ont construit leur prospérité sur les valeurs du Christianisme et le respect du créateur de l’univers. Une société qui ne croit plus en son CREATEUR qui lui donne la vie à chaque seconde se détruit elle même. Si nous voulons sauver notre civilisation, il faut revenir à ses fondamentaux et laisser tomber ces mirages que sont la laïcité et l’état de droit. Ce sont des culs de sac inventés par l’orgueil incommensurable le l’être humain. André Malraux nous l’a dit;  » le vingt-et-unième siecle sera spirituel ou ne sera pas. » Et qu’on ne nous parle pas d’une spiritualité laïque qui est le summum de l’orgueil .A Lerte

  4. La France a choisi la laïcité. Toute personne voulant adopter la nationalité française se doit dès lors d’adhérer à ce principe et surtout, le gouvernement se doit de tout mettre en oeuvre pour que ce principe soit obligatoire à tous. Vu que les revendications islamistes arrivent bien après la promulgation de la loi de 1905, c’est donc que les dirigeants ont trahi la République et qu’ils doivent soit rappeler les règles, soit laisser leur place à ceux qui veulent remettre de l’ordre.

  5. Les temps changent , la terre tourne . Nous devons nous adapter tout simplement en ayant le courage de maintenir Les religions dans les lieux appropriés ( mosquées , temples , églises ) pour s’exprimer et c’est tout et les lieux Publics doivent rester laiques .
    C’est étrange mais nous n’avons pas ce genre de difficultés avec les religions Asiatiques , Boudhisme , Confucius etc …

  6. Étendre la loi de 1905 pour contrer les coups de boutoirs islamiques, après avoir tant attendu pour le faire, ne nous fait-il pas replonger dans le le dilemme rencontré avec nos anciennes colonies à majorités musulmanes ? Un dilemme amplifié par le fait que contrairement aux batailles opposant des gens civilisés et pacifiques au début du XXème siècle, les réactionnaires d’aujourd’hui ne partagent pas vraiment notre sens de la dispute raisonnée. La laïcité ne réglera pas le problème de cette immigration de fonds de tiroirs, où les individus que l’on accueille ne sont ni les représentants les plus valeureux ni les mieux éduqués de leurs populations d’origine. Choisissons d’abord qui entre chez nous !

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