[Point de vue] Dix raisons pour lesquelles il faut conserver la chasse. Précieusement.

C’est une autre France, une France qui marche en bottes dans les forêts mais ne glisse pas : pas de ski, pas de patin à roulettes, pas de trottinette ni de skate.
chasse

1 – Tradition, quand tu nous tiens

Eh oui, c’est une des plus anciennes traditions françaises. Elle se confond avec le mode de vie occidental depuis les âges les plus reculés, de l’Empire romain au Moyen Âge, de la Renaissance à aujourd’hui. Elle n’a pas tué que le gibier. Le roi Carloman II est mort à 17 ans lors d’une partie de chasse, en 884. Les vies de nos rois et celle du premier d’entre eux, le roi Louis XIV, sont ponctuées de chasses passionnées dans les giboyeuses forêts françaises. Mais la chasse n’est pas seulement aristocratique, elle est aussi révolutionnaire. Les Français, et pas seulement les ruraux, ont acquis le droit de chasse au moment de la Révolution. C’était une réclamation forte, un symbole. On ne balaie pas d’un revers de main l’histoire de la chasse en France, chasse à courre (où seuls les chiens chassent), chasse au faucon, chasse à tir… La chasse, c’est la France.

2 – Et l’art, c’est important, l’art...

Faut-il nous couper de notre art et de ses racines ? La chasse a profondément imprégné notre patrimoine artistique. Les tapisseries, les armes de chasse gravées, extraordinaires, les tableaux, les musiques composées pour la chasse, les vêtements, les sculptures, les bronzes : les œuvres d’art françaises célébrant la chasse sont innombrables. Citons-en une seule, La Chasse au sanglier d’Eugène Delacroix. Foncez sur Google, au Louvre, au Musée de la chasse à Paris, vous en trouverez beaucoup d'autres. Que faut-il faire de ces trésors ? Les détruire ? Les cacher ? Les vendre ? Les oublier ? Quelle tristesse !

3 – La France des campagnes a ses loisirs

Le Français urbanisé oublieux (ou non, d’ailleurs) de ses racines pratique le squash en salle, grimpe sur de fausses parois, court. Le rural part à la chasse. C’est son sport à lui. Il bat les bois, accompagné d’un chien sale et mouillé, un fusil sur le dos. Il hume l’air humide et froid (car la chasse se pratique le plus souvent l’hiver), tire un perdreau ou lève son fusil pour contempler le spectacle de la nature. Ou encore, posté au pied d’un chêne, il attend que le rabatteur ait réveillé un sanglier ou un chevreuil. Il revient le soir piqué d’air vif, rouge, bredouille et fourbu, plein d’images de cette campagne que certains citadins méconnaissent, délaissent et qui, au fond, n’a jamais cessé de leur faire peur. Faut-il interdire à l’habitant des campagnes ce moment unique ?

4 – Le renard ou le perdreau

Le campagnard sait bien que le renard et le perdreau n’ont pas coutume d’aller par les bois bras dessus bras dessous. Certains citadins anti-chasse l’ont oublié. Le chasseur est nécessaire, indispensable même, pour réguler la nature. S’ils tirent les renards de temps à autre, c’est parce que ledit renard ne fait pas de détail et mange tout : perdreaux, faisans, lapins… L'animal ne respecte aucune consigne et chasse sans la moindre vergogne tout ce qui bouge. Il faut donc choisir entre les bois giboyeux et la fourrure rousse du goupil. Soit l’un, soit l’autre.

5 – Nos écologistes ont-ils vu le loup ?

Ont-ils vu ses dégâts, ces moutons égorgés par dizaines ? Le loup, c’est la solution, l’espoir ultime de l’écologiste anti-chasse. Il en est convaincu : le loup empêchera la croissance exponentielle du gros gibier, chevreuils et sangliers. Mais avant de courir derrière le gibier, notre ami loup s’offrira quelques dizaines ou centaines de moutons, voire de bovins. Entre l’élevage et le loup, il faut là aussi choisir. Les écologistes ont choisi le loup. Le promeneur effrayé par les chasseurs sera-t-il tout à fait rassuré par la présence des loups qui les auront remplacés dans les mêmes bois ? Tout est affaire de communication, mais le loup y est insensible...

6 – Ne pas jouer avec les peurs

Le promeneur a raison, toutefois, de considérer que la chasse est un sport dangereux. Malgré les formations, les efforts et le soin de tous, des accidents surviennent. Sud-Ouest raconte la grande peur de parents venus accompagner leurs enfants au stade effrayés par des chasseurs qui battaient un buisson à la poursuite d’un sanglier… La peur ne se raisonne pas et les anti-chasse savent « jouer avec les peurs » comme personne. Mais les drames existent. Même si le nombre d’accidents et d’incidents de chasse baisse, cette activité a fait huit morts lors de la dernière saison 2021-2022 (contre plus de 30, voilà vingt ans), dont deux non-chasseurs. Autant d'histoires épouvantables que nos anti soulignent et racontent à tout va. D’autres sports font pourtant bien davantage de victimes : les sports de montagne, aquatiques ou mécaniques, par exemple, sont très mortifères. Ce rapport de Santé publique France, organisme d’État dont on ne saurait douter, en donne le détail pour les années 2017 et 2018 (Décès traumatiques en pratique sportive en France métropolitaine en 2017 et 2018, page 13). Les armes, c'est dangereux, très dangereux même. Mais, curieusement, les nombreuses armes présentes dans nos banlieues inquiètent peu nos écologistes. Va savoir pourquoi... Elles ne sont pourtant pas destinées aux sangliers.

7 – Et la Sécurité routière ?

Ah, le charme du chevreuil broutant, l’air dégagé, quelque brindille dans un buisson ! Qui résiste à pareil tableau ? Mais voilà, personne ne rêve d’approcher le même animal à pleine vitesse sur la route. Quant au sanglier, il peut échanger sa vie contre la vôtre sans rien exiger de plus. Combien d’accidents de la route provoqués, en France, par nos grands animaux ? Combien de dégâts ? Combien de morts ? Dieu sait pourquoi, ces chiffres restent inaccessibles et mystérieux. C’est la lourde rançon de la multiplication de ces hôtes de nos forêts, rarissimes voilà trente ans, en pleine explosion aujourd’hui en France. Combien les chasseurs ont-ils sauvé de vies en tirant quelques-uns de ces obstacles solides ? Certains anti-chasse doivent peut-être aux chasseurs un voyage sans encombres et n’en auront jamais la moindre reconnaissance. Ingratitude.

8 – Les agriculteurs préfèrent les chasseurs aux sangliers

Si le chevreuil reste sympathique pour tous, le sanglier provoque dans les cultures de nos agriculteurs des dégâts qu’il faut avoir constaté de ses yeux. Évidemment, c'est plus rare à Paris, du côté de Bastille et de Nation. Le paysan, lui, n’a pas de pitié pour ces animaux qui attaquent en bande leur maïs, leurs prairies, leurs vignes et autres cultures, laissant le terrain presque aussi saccagé qu’après le passage d’une manifestation d’Extinction Rebellion. Ils décrochent le téléphone, appellent les chasseurs, réclament une battue et chiffrent les dégâts : les chasseurs cotisent notamment pour cela, ce sont eux qui paieront. Pas les écologistes. Le chasseur, qui paie les dégâts des sangliers, évite d’aller à la ruine. Il tire donc volontiers, à la demande des agriculteurs, le cochon qui ravage leurs champs. Mais il évite de trop tirer s’il veut chasser l’année suivante. La nature est bien faite. Une population de sangliers double chaque année, une population de chevreuil augmente de 30 %. Faites le calcul, ça va vite. Ça lui laisse un peu de marge.

9 – La ville a-t-elle le droit de réguler les mœurs des campagnes ?

L’ancien Premier ministre Édouard Philippe l’a appris à ses dépens avec les manifestations des gilets jaunes. Il n’est pas bon d’exaspérer la province. Car, oui, une partie des Français vit là même l'hiver et, contrairement aux sangliers, ces Français votent. Les chasseurs ruraux qui forment encore le gros des troupes s’étonnent que certains animaux parviennent à survivre dans des appartements citadins surchauffés, supportant encore de tirer leurs joggers par la laisse. Ils sont surpris que les mêmes citadins, parfois anti-chasse par amour des bêtes, imposent à leurs animaux des taux de pollution et de bruit auxquels eux-mêmes ne résisteraient pas. Le chasseur des campagnes plaint de tout cœur son concitoyen citadin anti-chasse qu’il croise l’été. Parfois, cet anti-chasse des villes gare sa grosse voiture au coin du bois et salit ses baskets neuves en hurlant des slogans, la voix faible, les lunettes de travers et le teint hâve. Le chasseur des campagnes a tendance à le prendre en pitié, ce qui montre qu’il a tout de même du cœur.

10 – Chacun ses rites

Le chasseur des campagnes goûte peu la traditionnelle manifestation dominicale qui mène à pied de Bastille à République pour défendre, chaque semaine, de nouveaux droits obscurs, si nombreux qu’ils lui échappent un peu. Lui ne casse rien sur les Champs-Élysées et ne réclame aucun droit neuf. Il aimerait simplement conserver ceux dont il profite depuis quelques siècles. Lui ne défile pas à Bastille car, le dimanche, il est à la messe. Ou à la chasse. Et parfois même aux deux ! C’est une autre France, une France qui marche en bottes dans les forêts mais ne glisse pas : pas de ski, pas de patin à roulettes, pas de trottinette ni de skate. C’est dur à admettre pour nos anti-chasse, mais ils sont aussi, un peu, la France.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

54 commentaires

  1. Bravo et merci monsieur, votre texte est rafraichissant de vérité et de réalisme revigorant. Pourquoi ne pas le faire lire et commenter dans les écoles pour permettre aux élèves de remettre leur pendule personnelle à l’heure.

  2. Quel beau billet M.Baudriller!. Un hymne à la chasse et une remise des choses à leur place. Vous décrivez ce qu’est vraiment la chasse en fait la vie, la vraie. C’est aussi celle de millions de personne qui vivent dans les territoires dits ruraux, disons nos campagnes c’est mieux et moins techno.La chasse fait partie de la vie de celle-ci. Tuer un sanglier, un lapin ou une poule ne choquent personne, ce sont des actes millénaires, la vie, la mort, la recherche de nourriture. Quoi de plus naturel? Je ne cache pas que je suis chasseur quand je suis chez moi dans la Nièvre. Je n’en parle pas aux bobos parisiens égarés dans cette campagne.En ville je me tais, de toute manière personne ne comprendrait. Alors longue vie à la chasse et aux chasseurs. Béni soit Saint-Hubert.

  3. Je trouve la sixième raison un peu biaisée, du fait que les sports extrêmes mettent en péril ceux qui les pratiquent, alors que ce dont les non-chasseurs ont peur, c’est d’être victimes d’un coup de fusil tiré par autrui lors d’une balade champêtre ou d’une récolte de champignons, activités qui présentent un taux de risque des plus minimes.
    Ceci dit, cet excellent argumentaire rééquilibre le débat.

  4. Superbe article.
    Les anti-chasse ?! La plupart mange de la viande en barquette, alors à d’autres ! La souffrance animale est dans la viande industrielle. La noblesse du chasseur tient dans la responsabilité de son acte. Il assume le processus de À à Z. Et c’est pas parce qu’on est chasseur qu’on a pas de cœur.
    Sans régulation, il n’y a plus de forêts (chevreuil mange pousses d’arbres), et les cultures sont souvent détruites (sanglier). Pour finir ce sont les chasseurs qui paient les dégâts sur les cultures (via les cotisations).

  5. Tres bien écrit et dit, merci Monsieur, le rural que je suis ne peut que partager votre analyse.
    Un petit rectificatif: une arme est rarement dangereuse,mais son utilisateur l’est parfois.

  6. Le but des pseudo-écolos n’est pas la condition animale, mais de tout faire pour transformer le citoyen en moutons et d’éradiquer toute violence (alors qu’elle est nécessaire à l’homme : si vis pacem, para bellum). Si Samuel Paty avait été violent et avait possédé une arme, il ne se serait pas laisser égorger sans « vendre chèrement sa peau ».

  7. Chacun a ses arguments, qui comme chacun sait, se ramassent à la pelle,
    comme les Feuilles mortes !… alors je dirais, 50 à 50 ….
    Néanmoins, Tuer par nécessité pour se nourrir, soit, mais nous ne sommes plus
    au temps des chasseurs cueilleur, alors tuer pour le plaisir, ça me gêne un peu
    aux entournures !…

  8. La chasse se justifiait dans les sociétés traditionnelles dans lesquelles on tuait uniquement pour se nourrir, protéger humains, animaux domestiques ou récoltes des prédateurs. On ne peut pas considérer comme un loisir le fait de tuer des animaux, comme c’était le cas pour rois, seigneurs dans les temps passés ou encore de nos jours par quelques grands de ce monde. Je ne suis pas pour autant pour l’interdiction de cette tradition, nécessaire par ailleurs pour réguler certaines espèces ou protéger les récoltes mais je ne vois pas en quoi un dimanche sans chasse pour permettre de profiter de la nature en sécurité empêcherait les chasseurs de se livrer à leur passion tout le reste du temps. Un certain nombre sont retraités, ne travaillent pas le samedi ou le lundi. La chasse pourrait aussi être restreinte une partie des congés scolaires. Par ailleurs dans cette affaire le gouvernement est surtout sensible au lobby des chasseurs et pour protéger la vie animale devrait bien plutôt se préoccuper de l’abattage rituel, des élevages industriels, de l’expérimentation animale, des abandons et maltraitances diverses, qui tuent infiniment plus d’animaux que les chasseurs !

  9. Bien sur que la chasse reste utile pour la régularisation des gibiers ! Ces sectaires Khmers verts commencent à nous fatiguer en voulant tout interdire !

  10. Bravo Monsieur, pour votre excellent article.
    Dans les années 70, la Suède, ce modèle indépassable à l’époque pour la Gôôôche braillarde à cheveux longs, a interdit la chasse à courre…
    Quelques années plus tard, elle louait des équipages français ou allemands, pour venir chasser le cervidé dans leurs forêts l’été, car ceux-ci pullulaient et s’attaquaient aux poteaux téléphoniques… Dans ces déplacements tout était payé et pris en charge par les compagnies de télécommunication suédoises: transports, nourriture, hébergements, etc., …
    Puis la chasse à courre fut de nouveau autorisée…
    La nature a besoin d’être administrée et gêrée par l’homme. Mais pas détruite par des saletés d’éoliennes qui polluent tant, à la fabrication, à l’usage, et au démantèlement, sans rien rapporter, sinon aux déconstructeurs lobbyistes…

  11. Quand certains se contentent de tirer la chasse tous les matins, d’autres nous réservent leurs plus beaux dithyrambes fumants, agrestes et bucoliques ! J’en ai les larmes aux yeux. A moins que ce soit la colique qui m’agresse…

  12. « Dix raisons pour lesquelles il faut conserver la chasse. Précieusement. » ..dont « 6 – Ne pas jouer avec les peurs »
    Eh bien, ayant failli être tuée à 10 mn près, dans ma buanderie par une balle « perdue », (pardon, qui aurait ricoché! Sur quoi, on n’en sait rien) ayant traversé une vitre de ma fenêtre!) lors d’une chasse au renard dans un petit bois à 1km (oui, oui!) de chez moi, et ayant en tout et pour tout eu l’assurance que le président de l’association de chasse de mon village a envoyé un mail à tous les chasseurs du coin, pour qu’ils fassent attention..
    Je puis vous dire que votre point 6 n’est pas un jeu, mais une réalité et que je ferais tout (et je fais tout, pour que la chasse n’existe plus, sauf en temps de pénurie pour ceux qui ont faim

    • Je vous approuve ! Expérience moins traumatisante, mais un peu liquéfiante tout de même pour une  » gamine » de 20 ans alors étudiante très très sérieuse ayant eu l’idée saugrenue d’aller passer seule Noel 1971 dans la maison de vacances de ses parents au pays basque, l’une des rares années dans le siècle où la neige y est tombée en abondance : en ouvrant les volets du matin, une armée de presque 10 chasseurs, canons pointés, quasiment à mes pieds dans le jardin ; et menaçants ! Ils ont prétendu que la clotûre du bas du terrain ( 7 000 m2 sur une colline) était mal fermée, et que de toute façon c’était leur droit de passer partout lors d’une traque….

  13. Je suis un rural et je souhaite que mes loisirs ne me soient pas imposés par des urbains qui ignorent tout de la campagne comme par exemple les dégâts considérables des sangliers ou ceux des chevreuils sur la sylviculture. De plus la connaissance des armes n’est pas inutile.

  14. Très bon et surtout efficace article. Les antis-chasse n’hésitent pas à affirmer n’importe quoi ; dernièrement, une « bécasse » des villes affirmait péremptoirement que 95% du gibier n’était pas mangé par les chasseurs, autrement dit jeté. Ignorance crasse, puisque seuls les animaux forcés à la chasse à courre ne sont pas mangés par l’homme, mais par les chiens de la meute.
    La difficulté du débat tient au fait que les opposants à la chasse, au-delà de leur incompétence, réagissent en fonction de critères irrationnels.
    Conseil de lecture ; l’excellent livre de Charles Stépanoff, « L’animal et la mort », Ed. La découverte, que tout chasseur et tout opposant à la chasse devrait lire.

  15. Le renard est bien trop souvent considéré a tort comme un nuisible alors qu il protège les cultures en chassant les campagnols qui rongent les racines des plantes en sous sol
    Le monde est de plus en plus urbain et de plus en plus déconnecté de la vie rurale et de la nature – la VRAIE ! Les gens se font leur idée mais qui est totalement à côté de la réalité. C est bien souvent le même probleme avec la corrida. La plupart des gens en parlent alors qu ils n’ont jamais vu un toro en vrai ni meme visité un élevage. Il est drôle de constater que ceux qui font cette démarche déclarent le plus souvent « Ah mais je ne savais pas que c’etait comme ca, je comprends mieux à présent…. »

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