[POINT DE VUE] Éducation : valse de ministres pour une même politique !

Capture d'écran ministère de l'Education nationale
Capture d'écran ministère de l'Education nationale

L'Éducation nationale bat un nouveau record : cinq ministres se sont succédé, en un an. Après Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castéra, Nicole Belloubet, Anne Genetet, voici le tour d'Élisabeth Borne pour prendre les rênes de la rue de Grenelle. François Bayrou, qui a placé l’égalité des chances au cœur de son projet, affirmant que cette mission est pour lui une « obsession », a-t-il fait le bon choix ?

On chercherait en vain, dans son discours de passation des pouvoirs, ce mardi 24 décembre matin, quelques éléments concrets sur l'action qu'elle entend mener. Dès le début, elle a esquivé le sujet, comme si elle n'avait aucune idée de ce qu'elle devrait faire. Elle a reconnu qu'en matière de résultats, « nous devons faire mieux », ce qui est un truisme, et s'est complu dans des formules convenues, définissant l'école comme le « lieu de formation perpétuelle de la République » et d'« émancipation par le savoir ». Beaucoup de belles paroles, de bonnes intentions, mais qui pourrait croire qu'elles seront suivies d'effet ?

« Je ne suis pas une spécialiste », a-t-elle reconnu. Elle n'a certainement pas été nommée à ce poste pour sa connaissance du système éducatif, même si, dans les années 1990, elle fut conseillère au ministère de l’Éducation nationale auprès de Lionel Jospin puis de Jack Lang, ce qui n'est guère rassurant, quand on se souvient de leur politique en matière éducative. Cette polytechnicienne est une bosseuse – on ne lui ôtera pas cette qualité –, mais elle présente tous les défauts de la technocratie qui fait tant de ravages dans notre société.

Peut-on compter sur elle pour remettre le savoir au centre du système éducatif ? Peut-on compter sur elle pour mettre en œuvre quelques mesures susceptibles de rendre l'enseignement plus exigeant ? Peut-on compter sur elle pour écarter les tentations wokistes ? Autant lui demander de rompre avec l'idéologie qui l'imprègne depuis qu'elle est entrée en politique. Un penchant pour l'égalitarisme, une complaisance pour le pédagogisme, une conception de l'école au service exclusif de l'économie, où il importe plus de former des exécutants dociles que des individus qui pensent par eux-mêmes. Un exemplaire de cette gauche caviar, qui a le cœur à gauche mais le portefeuille à droite.

La nouvelle locataire de la rue de Grenelle n'est guère appréciée par les syndicats de gauche, qui considèrent que sa nomination est une provocation et la traitent de madame 49.3. Ils ne lui feront pas de cadeau, demanderont des moyens supplémentaires, mais se satisferont volontiers qu'elle ne rompe pas avec les principes de la politique éducative de ses prédécesseurs. Pas de remise en cause du collège unique, pas de rupture avec le dogme de l'hétérogénéité des classes, pas de retour à la méritocratie, qui est pourtant le fondement de l'école républicaine. Et on leur offrira - cerise sur le gâteau - l'éducation à la sexualité à l'école qui est, comme vient de le déclarer Aurore Bergé, nouveau ministre délégué chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, sur RTL, « dès le plus jeune âge », une « nécessité absolue » et « une priorité ».

Le choix de placer Élisabeth Borne à la tête du ministère de l'Éducation nationale est sans doute un calcul politique ou un marchandage, mais il ne permettra pas de redresser l'enseignement. Il ne reste plus qu'à attendre la prochaine censure et le prochain ministre... Mais ne nous faisons aucune illusion : il n'y aura de changement de politique éducative, Rue de Grenelle, qu'avec un changement complet de logiciel.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

52 commentaires

  1. Le plus grand scandale de la V ème République, son pire échec qui a et aura de plus en plus des conséquences calamiteuses. Gauchisme, démagogie, wokisme, égalitarisme borné, syndicalisme, corporatisme, bureaucratie pléthorique, irresponsabilité, gabegie financière, incompétence, submersion migratoire : rien n’aura été épargné à l’Education Nationale. Peillon, Vallaud-Belkacem, Pap N’Diaye laisseront des cicatrices indélébiles sur ce grands corps martyrisé. Macron en renvoyant Blanquer est aussi coupable que Hollande dans le massacre. Aujourd’hui, on ne voit pas comment les choses pourraient changer avec Madame Borne et avec les encouragements d’Aurore Bergé.

  2. Tous ces tartufes me donnent la nausée . Ils sont coutumiers de la perfidies , de la forfaiture , et de simagrées . Il ne reste plus qu’au R.N d’être à l’affût , et de censurer cette tartuferie de semblant de gouverne-ment . Henry de Montherlant disait : » Quand la bêtise gouverne ,l’intelligence est un délit  » ….

  3. Il n’y a pas eu tant que ça du monde pour se bousculer au portillon. Le choix était rare tout comme la compétence de ce Gouvernement. Si on veut que la France respire de nouveau, il faut que le « chef » démissionne. C’est la seule solution.

  4. Avec Mme Borne, la « remontada » du niveau scolaire sera sans doute pour plus tard. Viser l’excellence pour les élèves restera la mission que se donne l’enseignement privé. La mission de l’instruction publique n’a pas de couleur politique, elle conditionne l’image et l’efficacité future de notre pays. Pour cela un ministre en charge de cette lourde tache devrait être nommé pour ses qualités avérées et pour durer.

  5.  » une conception de l’école au service exclusif de l’économie « . Mais comment peut on écrire cela, alors même que l’inadéquation entre les besoins des entreprises et les formations dispensées ne cesse de se creuser, ce qui est une des causes du chômage ! Comment peut on passer sous silence que les dépenses de l’Etat absorbent 56 % du PIB, ce qui est le signe non pas d’un système économique libéral mais d’un collectivisme assumé !

    • Non seulement les contenus et méthodes de l’enseignement sont inadéquats mais pire encore cette administration est une gigantesque usine à illusions qui fabrique en masse des individus qui se croiront munis de savoirs et de compétences qu’ils n’ont pas. Le bac, un diplôme de papier. Comme tant et tant d’autres choses.

  6. L’égalitarisme à la mode macronienne… Est-ce demander à un personnage aux potentialités de polytechniciens de devenir plombier ? L’égalitarisme tue les chances de chacun. Le plombier ne deviendra jamais un polytechnicien et réciproquement le polytechnicien ne se voit pas devenir plombier. Forcés ,ils seront mal dans leur peau, la qualité de leur rendu sera en proportions. Pour en venir à la nécessité d’un retour aux classes de niveau du passé, une éducation qui a permis ces trente glorieuses. Chacun restait performant dans sa spécialité. Aujourd’hui, hormis les exceptions, elles sont rares, les touche à tout ne font que du médiocre voire de l’insignifiant mâtiné de déconstructif. Macron en serait le premier de cordée paraît-il.

    • « L’égalitarisme tue les chances de chacun. » C’est surtout un poison pernicieux largement employé depuis Marx et Lénine, mais promulgué bien avant par nos saints révolutionnaires inspirés par les philosophes des lumières.

  7. Ce pouvoir des passations à répétition tourne à d’indigents castings, le ridicule en marche en quelque sorte.
    Les ministres pluri mensuels se battent pour des postes car la soupe est bonne. Pas de chance pour Xavier Bertrand qui n’a pas compris qu’au RN il y a plus de la moitié des électeurs qui ont quitté LR parce que chez LR, on ne change jamais une équipe qui perd. Sinon à part une mode bobo de détestation du RN, on se demande si il est pourvu d’une seule idée politique! Les bébés Macron ce n’est pas mieux, ah, si, leur carrière de courtisan déconnecté.

  8. Ce qui compte c’est la fin de mois. Depuis 1945 aucun ministre n’a dirigé le ministère de l’éducation qui tourne tout seul en toute autonomie. Comme ministre il nous faudrait un autoritaire restaurant des examens niveau 1960 afin de pouvoir orienter tôt les élèves.
    Avoir été conseiller de Lionel Jospin … est pour moi un répulsif puissant. Mon prof de philo le fut aussi. Il nous devait deux de cours par semaine et sur ces deux heures il avait entre entre 1/4 d’heure et 7/4 d’heure de retard payés bien sur par le ministère de l’agriculture. Un vrai syndicaliste fumiste que nous appelions Platon

    • « Depuis 1945 aucun ministre n’a dirigé le ministère de l’éducation qui tourne tout seul en toute autonomie. » Surtout depuis 1969, ou un incertain Edgar Faure, girouette assumée, a eu un éclair de génie : sous prétexte de cogestion, il a livré le ministère aux syndicats enseignants. Ils y sont encore.

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