[POINT DE VUE] Elon Musk, le bulldozer : et maintenant, haro sur Wikipédia !

elon_musk-dr

C’est la première fortune du monde, et ce n’est pas près de s’arrêter là. Elon Musk pourrait bien devenir le premier trillionnaire de l’Histoire, c’est-à-dire que sa fortune se chiffrerait en milliers de milliards de dollars. Derrière ce succès effarant et fulgurant, il y a une intelligence hors du commun, une capacité de travail qui ne l’est pas moins… et, surtout, l’habitude de couper dans les virages et de faire les choses comme on ne les a jamais faites. Pas étonnant, dans ces conditions, que Donald Trump, sitôt élu, ait confié à Musk le département d’optimisation de l’administration. On n’imagine pas ça, sous nos latitudes. Optimiser l’administration, vous n'y pensez pas…

Bref, Musk n’y va jamais par quatre chemins pour dire ce qu’il pense, et ça ne s’est pas arrangé avec la fortune, évidemment. Lui qui disait vouloir recruter « des QI supérieurs prêts à travailler plus de 80 heures par semaine » pour son futur département destiné à dégraisser le mammouth administratif américain a décidé, cette semaine, de s’attaquer à Wikipédia. Avec un sens du jeu de mots presque « trumpien », il a rebaptisé l’encyclopédie en ligne « Wokepedia » et a demandé aux 209 millions d’abonnés du réseau social X de la boycotter « jusqu’à ce qu’ils rétablissent l’équilibre dans leur autorité éditoriale ». Parmi les raisons qui ont provoqué la colère du milliardaire, il y a d’abord le fait que Wikipédia veuille, d’une manière caricaturale devenue presque ringarde, promouvoir « l’équité » au point d’y consacrer 31 des 177 millions de dollars récoltés par la fondation Wikimedia. Plus généralement, il y a le manque récurrent d’objectivité des articles de Wikipédia, qui est aujourd’hui le quatrième site le plus visité au monde et dont l’orientation politique de gauche est régulièrement pointée du doigt, en France comme à l’étranger. Sur son site anglophone, Wikipédia parle de « biais systémique », mais c’est surtout pour critiquer la… surreprésentation des mâles blancs qui ont fait des études supérieures.

Peut-être Musk est-il fâché que Wikipédia considère qu’il « facilite le retour et la propagation des discours complotistes » et que certaines de ses « déclarations » « relèvent de la désinformation [...] du sexisme et du racisme », comme le relève assez plaisamment Le Figaro. Il n’empêche qu’il met le doigt sur un problème structurel des « démocraties » occidentales : la gauche est surreprésentée dans les catégories qui prescrivent l’opinion et quand le peuple, jusqu’ici plutôt docile, s’en émeut, on l’insulte. Peut-être est-il temps que cela cesse, en effet, et que l’on s’assure d’un minimum d’exhaustivité dans la représentation des opinions.

Pourtant, derrière ce coup de gueule apparemment salvateur, il y a un sujet d’inquiétude qui devrait nous alerter collectivement. La bataille de l’opinion ne se gagne plus à hauteur d’homme et ne s’écrit plus avec du talent. Ce qu’il faut désormais, ce sont des caisses de résonance. Wikipédia en est une. X en est une autre. C’est d’un combat de mastodontes qu’il s’agit, un combat dans lequel la vérité a encore moins d’importance qu’auparavant. Tout se joue hors d’Europe, à coups de milliards, et avec des biais idéologiques (le wokisme d’un côté, le libertarisme de l’autre) qui ne sont pas les nôtres et n’ont rien à voir avec la tradition philosophique de l’Europe.

Donc, dans un premier temps, on peut applaudir Elon Musk, parce que son côté bulldozer a quelque chose de réjouissant : le wokisme tient encore tellement de leviers… Mais dans un second temps, méfions-nous de ce qui est en train de se passer, bien au-dessus de nos petites têtes de contribuables. Musk et les woke américains se moquent sans doute de notre existence. Ce qu’ils veulent, c’est le pouvoir de dicter la vérité. Et c’est cela qui devrait nous inquiéter.

Picture of Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

49 commentaires

  1. Wikipédia comme toutes les encyclopédies, depuis leur origine, est destinée au grand public. Elle est donc nécessairement le véhicule de la pensée correcte dominante chez les élites du moment dans une société donnée. Derrière le savoir se cache toujours une propagande. Il est possible de s’en servir mais en ne perdant jamais de vue ce conditionnement. Il est possible de la lire mais pas de la croire, surtout quand elle sort des sujets strictement techniques. Il n’existe aucune encyclopédie qui échappe à ces conditionnements. Ceci dit cela fait beaucoup de bien à la liberté de pensée que quelqu’un ose le rappeler haut et fort.

  2. Je vous trouve très suspicieux envers Elon Musk. Certes le pouvoir n’est pas son dernier moteur mais j’ai l’impression qu’il recherche plus la reconnaissance que le pouvoir lui-même. Et je n’ai pas l’impression qu’il veuille imposer « ses » idées. Il en a juste assez des bien-pensants qui, eux, veulent éliminer toute pensée contraire à leur idéologie.

  3. Et c’est quoi notre tradition ?
    La France est un pays très particulier, qui n’a aucune tradition de liberté d’expression (les humoristes y allaient en prison), mais convaincu d’être avant tout le pays de Voltaire et d’Hugo. De un, Voltaire n’a jamais critiqué autre chose que des hommes à terre, et Hugo a dû s’exiler. Ils célèbrent la démocratie, mais prennent tous des pseudos pour commenter sur les réseaux sociaux. Leurs libertaires sont communistes et partisans de mesures totalitaires. C’est le pays où les scandales font toujours pschitt, et n’égratignent que ceux que le pouvoir a décidé d’égratigner.
    Donc, on dit merci à Elon Musk et ça s’arrête là.

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois