[POINT DE VUE] Fin de l’autoroute Castres–Toulouse : à qui le tour ?

En fonction de cette jurisprudence, d'autres projets en cours risquent d'être interdits.
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Par une décision du 27 février 2025, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté du préfet de Haute-Garonne du 2 mars 2023 autorisant la société ASF à mettre en deux fois deux voies l’A 680 entre Castelmaurou et Verfeil. C’est, plus simplement dit, la fin de l’autoroute Castres-Toulouse, et cela, en réponse à l’action engagée par quinze associations et personnes morales ou physiques diverses.

Pour apprécier la légalité de la décision préfectorale qui a permis de réaliser, à ce jour les deux tiers des travaux nécessaires pour l’utilisation de l’ouvrage, le tribunal s’est fondé (n° 7 de son jugement) sur les dispositions du I de l’article L 411-1 du Code de l’environnement.

Cet article, fumeux dans sa rédaction, peut se résumer en quelques mots. Pour la conservation des sites « d’un intérêt scientifique particulier », tout est interdit ! À la lecture du texte, on se rend compte que le simple fait de se déplacer à pied peut être interdit, car si tout est dit sur les êtres vivants, pour les végétaux, on ne peut ni cueillir ni arracher et leur « mutilation » est également interdite ! Marcher sur les plantes au sol me paraît répondre à cette définition. C’est la nature sous cloche !

Pour déroger à ces interdictions absolues, l’article L 411-2 qui suit précise qu’il faut « une raison impérative d’intérêt public majeur », et même dans ce cas existent des restrictions. C’est ainsi que le tribunal s’est interrogé sur l’emploi, dans la région de Castres-Mazamet concernée par l’ouvrage, sur la natalité, la croissance démographique, le trafic routier et son développement, les effets sur le trafic routier sur la RN 126 existante, sur le nombre d’inscriptions au registre du commerce et autres critères, dont il a chaque fois apprécié et jugé l’importance et la pertinence au regard du projet autorisé et déclaré « d’utilité publique ». Par contre, à aucun moment n’est explicité ce qui, sur le tracé, relève d’un intérêt scientifique particulier.

Autrement dit, les élus locaux, nationaux, consulaires, commerçants, industriels et simples habitants du secteur Castres-Mazamet, vous ne servez à rien : vos avis et vos projets comptent pour rien, la vérité n’est détenue et proclamée que par les trois juges du tribunal administratif de Toulouse qui savent mieux que personne et vous le font savoir, peu importe le montant de l’addition financière.

Entrave au développement économique

La seconde observation sur cette décision concerne les projets en chantier ou en cours d’élaboration qui ont toutes les chances de se voir interdits en fonction de cette jurisprudence. Dans la seule région toulousaine, c’est la ligne TGV Bordeaux–Toulouse qui nous paraît sérieusement menacée.

De plus, il faut se souvenir que lorsque, par un heureux hasard, les tribunaux administratifs, les cours d’appel et le Conseil d’État ne se substituent pas aux élus et responsables, c’est l’État qui courageusement fait machine arrière, comme à Notre-Dame-des-Landes ou pour le barrage de Sivens (Tarn) qui reste sans eau et où les « zadistes écolos » ont laissé la nature dans un état lamentable, un dépotoir ! Il paraît qu’ils l’ont fait pour sauver l’environnement.

Dernière réflexion : si toute les dispositions légales ou réglementaires actuelles censées protéger la nature avaient existé dans les années 1945 et suivantes, il n’y aurait jamais eu de barrages hydroélectriques, de centrales atomiques, de canaux, d’autoroutes, de lignes de TGV, de stations de ski ou de bords de mer, pas d’aérodromes, pas de villes nouvelles. L’état de nature pour tous. C’est le rêve d’un monde associatif et contestataire qui profite sans complexe de tout ce que le siècle dernier nous a apporté en confort et sécurité et qui rêve d’interdire tout ce qui peut permettre le développement économique et humain.

Picture of Jean-Louis Esperce
Jean-Louis Esperce
Avocat honoraire. Ancien Bâtonnier.

Vos commentaires

7 commentaires

  1. On perd la tête dans ce pays, quand on construit une autoroute on peut faire des ponts pour que les animaux puissent passer d’un côté a l’autre, maintenant je vais a l’extrême et je pense aux végétariens et végans. Je ne peu pas prouver que les plantes souffres quand on les coupes mais prouver moi qu’elles ne souffres pas dans ce cas la.

  2. On croit rêver. Un seul petit juge, acoquiné avec des assos écologiques, fait plier le gouvernement et l’état. Du jamais vu. Encore une chance qu’une grande partie des infrastructures du pays ont été réalisées par le passé. Parce que si c’était à refaire, je pense qu’on en serait encore avec les charrettes et les boeufs dans des chemins boueux. Pour protéger les sauterelles! Lamentable. Mais que fait l’état? Ou est son autorité? Qui commande en France? Ou est l’intérêt du pays?

  3. Compte tenu de l’effet jurisprudentiel de la décision, il n’est pas incongru de penser maintenant que la décroissance ne demeure plus un terme de novlangue fumeux des khmers verts mais une réalité judiciaire qui va empêcher tout développement d’infrastructure. La décroissance, c’est la non-création de valeur ou l’empêchement de l’activité économique. La décroissance, c’est l’appauvrissement volontaire, la faillite et la ruine assumées.

  4. L’Article L 411-1 du Code de l’environnement n’est pas « fumeux » dans sa rédaction. Par contre l’interprétation ( et là c’est un problème : un juge ne devrait pas pouvoir interpréter la loi) par le tribunal administratif est elle fumeuse.
    L’article l 411.1 dit ceci:
    « Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : [cf les alinéa 1 à 5)
    Donc, il faut un ensemble de paramètres très précis pour empêcher les travaux.
    Or l’A69 a reçu l’aval du CNPN (la Commission Nnationale pour la Protection de la Nature) qui considère que les aménagements et mesures environnementales (Evitement, Réduction, Compensation) sont suffisantes.
    Donc le tribunal crache à la figure des scientifiques du CNPN. C’est assez hilarant pour des gens qui n’ont aucune compétence en science…
    Ensuite, près maintes péripéties, le Conseil d’Etat avait validé l’intégralité des procédures et octroyé le feu-vert pour les travaux.
    Donc un simple Tribunal administratif va à l’encontre du Conseil d’Etat… Là la justice devient ubuesque !!!
    Le projet se fera. Même si il n’était pas nécessaire.

    • ET SI l’article que vous citez était appliqué pour combattre l’implantation des éoliennes ! ? …

      Tous les paramètres au sujet de ce « projet d’autoroute » ne sont pas abordé dans toute son entièreté depuis bien longtemps car « des intérêts » particuliers sont devenus majeurs dans les péripéties « administratives » de ces quelques kilomètres de bitumes ! …

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