[POINT DE VUE] Israël, allié objectif des chrétiens du Liban ?

NETANYAHOU

France, Israël : même combat. Tel était en substance le message adressé par Benjamin Netanyahou au peuple français durant l’interview exclusive qu’il a accordée mercredi à CNews. « Je veux que les Français m’entendent : nous ne combattons pas seulement pour nous, nous combattons pour vous aussi (…) Il y a eu le Bataclan en France, il y a eu Toulouse et Nice. Ces gens-là vous tueraient tous s’ils le pouvaient, a lancé le premier ministre israélien face à Laurence Ferrari. Ils assassinent des chrétiens, des juifs, des arabes. C’est une guerre de civilisation. »

En effet, en affrontant vaillamment la figure de l'islamisme à Gaza ou au Liban, Israël défend la civilisation contre la barbarie. Il contribue à la défaite d'un totalitarisme qui sévit aussi sur notre territoire et porte les couleurs de l’Occident. Mais certains contestent cette analyse en évoquant le sort particulier des chrétiens d’Orient, injustement touchés par les actions militaires de l’armée israélienne. « L’État juif terroriste détruit le Liban, un pays libre où près de 20 confessions religieuses vivent en paix, a ainsi tweeté Zineb El Rhazoui, en pleine dérive antisioniste, le 6 octobre dernier. ‎Français, réveillez-vous ! Les propagandistes d’Israël en France vous mentent pour faire de notre pays l’instrument de sa guerre raciste et coloniale. »

Des chrétiens hostiles avant tout au Hezbollah

Sauf que, quand on donne la parole à ces minorités religieuses, et notamment chrétienne, les discours sont tout autres. Par exemple dans le village de Rmeich, au sud du Liban, les habitants semblent craindre davantage les exactions du Hezbollah que les bombes d'Israël. « Depuis un an, l'armée est absente, affirme à Franceinfo Vincent Gelot, responsable au Liban de l'ONG chrétienne L'œuvre d'Orient. Ce sont les villageois eux-mêmes qui ont protégé les villages, pour empêcher les miliciens du Hezbollah de rentrer dans les villages pour tirer leurs missiles depuis les toits des maisons. » Ces chrétiens refusent de prendre parti dans la guerre, se retrouvant ainsi accusés de collaboration avec Israël par les milices iraniennes. Une volonté délibérée de semer la discorde, estime la sœur Bernadette : « Nous avons peur des miliciens parce que pour eux, les chrétiens sont pro-Israël. C'est pourquoi maintenant, les régions chrétiennes n'ont pas peur d'Israël. Ils ont peur des réactions des chiites. »

La position est la même à Kfarwa, autre village chrétien du Liban. « On est contre cette guerre dans laquelle nous a entraînés le Hezbollah », y confie un habitant au Monde. Il faut dire que l’arrivée de plus d’un million de Libanais, majoritairement chiites, fuyant les bombardements israéliens contre le Hezbollah, commence à créer des tensions communautaires dans les régions chrétiennes. Le quartier d’Achrafié, à Beyrouth, a ainsi décidé de fermer ses portes. Les écoles n’accueillent plus de réfugiés. De nombreux restaurants ont tiré le rideau. « Nous ne voulons pas de réfugiés, ils peuvent être infiltrés par des combattants du Hezbollah, explique un chrétien du cru. Cette guerre est la leur, pas la nôtre. »

Beaucoup espèrent ouvertement que cette guerre qu’ils n’ont pas souhaitée sera l’opportunité de se libérer durablement de la milice chiite au Liban. L’actuel chef du parti chrétien des Forces Libanaises, Samir Geagea, est ainsi sorti du silence le 12 octobre et a appelé à l’élection d’un président de la République dont le siège est vacant depuis 2022, « seule option » selon lui pour parvenir à un cessez-le-feu entre le Hezbollah et Israël. Fidèle à sa ligne, il a ensuite haussé le ton face au Hezbollah, appelant à mettre fin à son « hégémonie ». Député d’une circonscription d’Achrafié et membre du parti Kataëb allié des Forces libanaises, Nadim Gemayel a même ajouté : « On n’a pas été capable de se libérer du Hezbollah qui a pris en otage le Liban. Les Israéliens s’en chargent aujourd’hui. »

Une opportunité à saisir

C’est un fait trop peu souligné dans la presse française : un nombre croissant de Libanais, au premier rang desquels les citoyens chrétiens, ne supportent plus la déliquescence de leur État au bénéfice des terroristes du Hezbollah. Ils dénoncent la situation de leur pays devenu une colonie de l’Iran. Mais la prodigieuse opération des bipeurs, conduite le 17 septembre dernier, a changé la donne. En quelques instants, cette attaque attribuée au Mossad a fait 3 000 blessés dans les rangs du Hezbollah, ouvrant de nouvelles perspectives. Et si l’élimination des cadres politiques et militaires de l’organisation chiite, de son chef Hassan Nasrallah, et de son dauphin Hachem Safieddine pouvait acter la fin de quarante années de politiques de terreur, de criminalité organisée et de déstabilisation politique régionale ?

Il reviendra au peuple libanais d’y répondre. À lui de trancher entre la reprise en main de son destin et la reconquête de sa souveraineté, ou la poursuite de son déclin sous domination du régime iranien.

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

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