[Point de vue] IVG dans la Constitution : la capitulation de (presque) tous les sénateurs

sénat

Par 267 voix pour et 50 contre, les sénateurs ont voté, mercredi 28 février, l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, ouvrant ainsi la voie à la révision constitutionnelle, le 4 mars prochain, par le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Après une intense campagne d’intimidation médiatique d’où les questions de fond furent les grandes absentes, le Sénat, pourtant réputé de centre droit, a donc entériné cette volonté présidentielle d’inscrire dans le marbre de la Constitution une pratique aucunement menacée. Qui sont les 50 sénateurs qui se sont élevés contre cette grossière et cynique instrumentalisation de la détresse des femmes et contre la constitutionnalisation du droit de vie ou de mort de la mère sur l’enfant qu’elle porte ?

À gauche de l’Hémicycle, Jean-Baptiste Lemoyne a dû se sentir bien isolé, l’ancien ministre des gouvernements d’Édouard Philippe et de Jean Castex, sénateur de l’Yonne et membre du Groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants ; il est le seul à avoir voté contre la loi.

Chez les Républicains, 41 ont voté contre, 72 pour. Parmi les premiers, on notera la présence de Laurence Garnier, de Valérie Boyer, de Bruno Retailleau, de Sylviane Noël. Chez les centristes, 7 ont voté contre (et 41 pour), dont Loïc Hervé et Hervé Marseille.

Enfin, chez les sénateurs ne figurant dans aucun groupe, c’est-à-dire les trois sénateurs du Rassemblement national, le sénateur de Haute-Corse et Stéphane Ravier de Reconquête, seul ce dernier a voté contre le texte de loi. Il fut également le seul de tout l’Hémicycle à avoir voté la motion de rejet de la loi. Selon lui, les sénateurs du RN n’ont pas voté non plus l’amendement d’Alain Milon (LR) soutenu par Bruno Retailleau qui visait à sanctuariser la clause de conscience des médecins et des personnels soignants à propos de l’IVG en établissant la liberté, pour eux, « de ne pas être tenus de la pratiquer ou d’y concourir ».

« Des femmes et des hommes et des parlementaires libres »

Lors des débats préalables au vote, Stéphane Ravier, qui n’a décidément jamais froid aux yeux, énumère les risques que font peser l’inscription de l’IVG dans la Constitution : « Vous ouvrez la voie à la reconnaissance par le juge constitutionnel de l’avortement jusqu’au terme de la grossesse, de l’avortement en raison du sexe ou sur des critères eugénistes. De même quelqu’un qui voudrait soutenir la vie à naître pourrait être pénalement sanctionnable face à cette valeur suprême qu’est devenu l’avortement. Tous ces risques en cascade alors qu’aucun parti ne remet en cause l’IVG suffisent à fonder mon opposition à ce texte. » À ses « chers collègues de droite », il lance : « Je fais appel à votre courage et vous invite à être des femmes et des hommes et des parlementaires libres. »

Une loi d’intimidation, un chantage sociétal, une arme de distraction massive : les sénateurs RN et presque tous les députés ont bien vu le piège tendu par Emmanuel Macron mais, crainte de l’hallali médiatique ou conviction profonde, il semblerait qu’ils y aient quand même succombé. Ainsi Sébastien Chenu affirmait, sur LCI : « Les trois sénateurs RN ont voté l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Je ferai de même lors du Congrès du 4 mars. Mais je pense que le gouvernement veut s’attaquer à des problèmes imaginaires car il ne réussit pas grand-chose. »

Emmanuel Macron a tenté, ici, de reprendre la méthode Hollande en polarisant le débat public sur une loi sociétale inutile et dangereuse afin de détourner l’attention de tous ses échecs et difficultés. Un tragique exemple du « en même temps » de la part d’un Président jamais avare d’incohérences : appelant, il y a quelques semaines, au réarmement démographique de la France au vu du nombre incroyablement bas des naissances - 678.000 naissances en 2023 contre 820.000 en 1982 –, il brandit également la menace fantasmée d’une pratique de l’IVG en danger. Rappelons tout de même qu’il y a eu 234.300 IVG en 2022, soit 32 IVG pour 100 naissances vivantes. Un nombre en augmentation par rapport aux années précédentes. À de rares exceptions près, il semble que la vieille ficelle ait encore fonctionné et que, comme l’écrit Christine Boutin, sur X, « la mort nous reviendra en boomerang par les violences. Notre humanité est en voie d’extinction. »

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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

68 commentaires

  1. Quelle folie, quelle ânerie. Nous avions une bonne loi qui n’était absolument pas en danger et la constitutionnalisation de l’avortement n’empêchera nullement un gouvernement futur de changer la constitution s’il le souhaite. Alors quelle protection apporte t’elle. ? En attendant que de temps perdu dans des discussions vaines par nos représentants. C’est vrai qu’en France nous n’avons pas de vrais problèmes !
    Et des problèmes bien plus graves à venir car ils ouvrent la boîte de Pandore avec cette constitutionnalisation. Où s’arrêtera cette liberté d’avortement ? Quid du droit de conscience des médecins ?…Et notre Président initiateur de cette folie s’inquiète en même temps de la baisse de la natalité en France ?

  2. Honteux, symptôme de la décomposition de notre société occidentale. Je ne suis pas contre l’avortement. La loi Veil suffisait à satisfaire cette pratique dans des conditions humaines. Avec cette inscription dans la Constitution, les parlementaires piétinent la clause de conscience du corps médical. Les médecins seront tenus de s’exécuter s’ils veulent éviter le risque de passage devant des tribunaux en cas d’opposition à la pratique de l’IVG. La porte ouverte à la dégradation de la qualité des soins médicaux, conscience professionnelles bafouée, moins exigeante puisque institutionnellement outragée.

  3. Félicitations à la poignée de courageux sénateurs qui ont osé braver ces délires sociétaux. Honte à la suppression de la clause de conscience des médecins qu’on oblige à trahir le serment d’Hippocrate ! Au programme désormais ; une loi sur l’euthanasie, et la boucle mortifère sera bouclée !

  4. Par peur d’être mis au ban de la société, les sénateurs du fait d’un vote public, on « courageusement » votés comme des moutons.

  5. Je pensais que la droite sénatoriale constituait le dernier rempart contre cette vague de folies sociétales. Ces sénateurs se sont couchés devant la pression médiatique en votant cette loi inutile dont Macron va tirer gloire.
    Honte aux sénateurs RN qui l’ont votée,
    encore une raison de préférer Reconquête au RN.

  6. J’ai toujours du mal à comprendre comment les partisans de la peine de mort sont généralement contre l’avortement et vice versa.

  7. Une telle « unanimité » dans l’inhumanité fait penser à un travail en réseau. De quelles loges font partie les sénateurs ?

  8. Ça vous étonne ? Vous êtes bien naïve. Les deux Assemblées sont très majoritairement masculine. Ça les arrange l’IVG ces messieurs. Pas de recherche en paternité, pas de responsabilité, plus de risque … la liberté pour les hommes !

    • Bien vu aussi: Ceux qui dégainent la « couture » du pantalon plus vite que leur ombre sont aussi ceux qui ont « conquis » le pouvoir, « quoi qu’il en coûte » ( ou plutôt: quels que soient les dégâts)

  9. Bien sûr que l’IVG est un terrible traumatisme pour les femmes, bien sûr que cela doit rester un ultime recours … d’accord avec tous ces arguments, mais parler de contraception, rembourser TOUTES les pilules, informer les jeunes, etc….pour éviter ce dernier recours ; certains voit la France envahie par l’islamisme, d’accord aussi avec cela ; mais songez à ce que sera la place de la femme avec ces gens-là et pensez aux victimes actuelles de ces tyrans en Afghanistan et partout dans le monde musulman ; alors si on peut verrouiller la loi Weil en l’inscrivant dans la constitution, approuvons !

    • Parce que vous pensez qu’un gouvernement futur ne pourra pas lui aussi changer la constitution ? Ce prétexte est absurde malheureusement…

    • Ne nous leurrons pas : Il n’y a pas de « jeunes filles légères » entre 16 et 25 ans ; il n’y a que des naives (qui s’en défendent ), qui se font piéger par le jeune (ou vieux ) prédateur atavique. Ensuite, après 25 ans: soit elles ont « tiré le bon numéro » ( intelligent, responsable et aimant), soit elles sont tombées sous la coupe d’un tyran qui continue solo son « ascension vers les sommets » dénués de toute spiritualité et toujours en toute mauvaise foi..

  10. Une fois encord les LR ont montré leur duplicité. A vouloir en permanence tenter de s’asseoir entre deux chaises, on finit par se retrouver le c…l par terre…

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