[POINT DE VUE] La France envahie par le miel chinois : la FNSEA accuse la grande distribution

©Kai Wenzel/Unsplash
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Lundi 20 mai était la Journée mondiale des abeilles, initiative dont ces charmants hyménoptères devraient être reconnaissants à l’ONU, car cette « Journée » est une résolution de l’Assemblée générale du grand machin prise le 20 décembre 2017 pour tenter d’enrayer leur déclin.

Dans sa résolution, prenant acte du sort funeste de nos pollinisateurs, l’ONU invitait donc « tous les États membres, les organismes des Nations unies, les autres organisations internationales et régionales, ainsi que la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, à célébrer la Journée mondiale des abeilles comme il se doit et dans le respect des priorités nationales, au moyen de mesures éducatives et d’activités destinées à faire prendre conscience de l’importance des abeilles et des autres pollinisateurs, des risques auxquels ils sont exposés et de leur contribution au développement durable ».

On peut alors imaginer que c’est dans cette optique – mesures éducatives, prise de conscience, etc. – que s’inscrit la requête adressée, ce jour, à la grande distribution par la FNSEA. Le puissant syndicat agricole lui demande en effet de retirer les miels asiatiques de leurs rayons car « les miels asiatiques sont suspectés de ne pas respecter les règles de l’UE ». Sans blague ?

 

Tromperie sur la marchandise

 

Les « importations massives de miel chinois vendu à très bas coût, quatre fois moins cher, en moyenne, que les miels européens, déstabilisent le marché dans son ensemble, font subir une distorsion de concurrence inacceptable aux apiculteurs français et trompent les consommateurs », écrit le syndicat, dans son communiqué. Et de réclamer « des engagements clairs de la part des différentes directions des enseignes de la grande distribution et de leurs acheteurs ».

C’est une enquête de l’Union européenne diligentée en 2023 qui a mis le feu aux poudres (au vrai sens du mot), révélant que les trois quarts (ou presque) des miels chinois étaient frelatés, notamment par ajout de sucre, histoire de faire chuter les coûts, dérogeant ainsi aux règles de l’Union dont 37 % des importations de miel proviennent... de Chine.

Il est vrai que les apiculteurs sont partout à la peine, concurrencés en France non seulement par la Chine mais aussi par l’Ukraine, dont il n’est pas sûr que le miel soit de meilleure facture. C’est pourquoi, en pleine crise agricole cet hiver, nous rappelle Le Télégramme, l'État français a débloqué une enveloppe de cinq millions d’euros pour les aider sous forme « d’avances […], d’aides conjoncturelles et de prise en charge de cotisations ». Mais si cela aide un temps les apiculteurs, ça ne suffira malheureusement pas à sauver les abeilles qui contribuent à la pollinisation de 80 % des espèces de plantes à fleurs, dont 90 % d’arbres fruitiers.

 

À qui la faute ?

 

D’ailleurs, on devrait plutôt dire « qui contribuaient » à la pollinisation, car les abeilles meurent en masse. Le site apiculture.net chiffre actuellement leur taux de mortalité à 30 %, en constante augmentation, rendant inévitable « une extinction totale des espèces d’abeilles d’ici quelques années ». Parmi les causes de cette mortalité, l’extension des zones urbaines, la pollution, la disparition des habitats naturels en raison des monocultures et, bien évidemment, les traitements phytosanitaires.

Un apiculteur dénonce, ainsi, « les utilisations abusives par "des moutons noirs" de produits phytosanitaires (fongicide, insecticide, herbicide) sur graines enrobées, dispersion au gré des vents, traitement préventif des blés, etc. » Tous éléments qui se conjuguent en « cocktails chimiques ». Ainsi, les abeilles se nourrissent de pollen pouvant contenir jusqu’à sept pesticides différents !

Bref, les abeilles meurent de tout ce qu’a largement encouragé la FNSEA, syndicat des « gros » de l’agriculture, céréaliers en tête…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

22 commentaires

  1. J’ai 50 ruches devant le fond de mon jardin, sous les frondaisons, abeilles nourries à MES fleurs, et un cousin jeune retraité de l’Educ.Nat. reconverti en apiculteur: c’est plus sûr !

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