[POINT DE VUE] La France vue sous d’autres yeux

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Être loin de la France pendant ces jours si graves m’incite à rentrer dans le débat franco-hexagonal avec les yeux de ceux qui voient, de l'extérieur, la France se déliter. Que penser de la France quand on n'y habite pas ? Français d’origine, mes ancêtres ont quitté Saint-Malo en 1793 pour s’établir à l’île de France (aujourd'hui île Maurice). Je suis né dans cette île indépendante qui, par son histoire, est toujours restée française de cœur et d’esprit pour une grande partie de sa population. Dès que les liaisons aériennes ont relié l'île Maurice et l'Europe, les voyages de cœur ont toujours eu pour destination la France, alors que la blonde et perfide Albion n’accueillait que les hommes d’affaires et les politiciens obligés d’aller passer sous les fourches Caudines de Londres, qui a colonisé Maurice de 1810 à 1968… Aller en France a toujours été un tourisme de cœur, un pèlerinage vers la mémoire culturelle de cette terre de nos ancêtres. On y retrouvait les accents et les identités de nos pères pour conserver au fond de nous-mêmes ces liens avec une mère patrie qui nous a beaucoup donné, pour les cultiver et enrichir notre nouvelle identité. Pour cela, il faut pouvoir admirer !

Quelques étapes s'imposaient. Voir la tour Eiffel pour saluer le génie français, passer avec respect devant le 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré, pour rendre hommage à tous ces grands hommes qui ont présidé ce jadis grand pays et aller manger une entrecôte-frites à la Coupole pour vivre cette gastronomie française et écouter le jargon parisien si cher à tous ces serveurs, fiers ambassadeurs du bien-manger et du bien-boire. C’était ça, la France qu’on venait visiter après une vingtaine d'heures d’avion. Pour les plus lettrés, c’était aussi venir saluer Napoléon aux Invalides, rendre hommage à Jean de La Fontaine, Victor Hugo, Charles de Gaulle, Chateaubriand ou encore Baudelaire, qui était venu à Maurice en 1841.

Déceptions

Que reste-t-il, aujourd’hui, de toutes ces attentes qui nourrissaient l’amour des étrangers francophiles et francophones pour cette France admirée parce qu’elle était grande, très grande ? Hélas, pas grand-chose… Passer avec respect au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré ? On n'y ressent plus rien, tant ce lieu est devenu commun du tout et n’importe quoi, certains de ses occupants étant plus obsédés à faire danser sur ses perrons qu’à y perpétuer la grandeur et le respect des lieux.

La tour Eiffel ? Un ami qui s’y était récemment rendu y a laissé son porte-monnaie subtilisé par un détrousseur de grand chemin alors qu’il refusait fermement la proposition de lui acheter du shit.
La Coupole ? Au lieu de m’entendre vanter les mérites d’une entrecôte bordelaise par quelqu’un qui savait de quoi il parlait avec passion, j’ai eu droit à un verbiage incolore et sans saveur d’un serveur étranger qui connaissait l’entrecôte comme moi les mathématiques spatiales.

Bien oubliés, les Montesquieu et les Pascal

Resterait donc Montesquieu et l’esprit des lois ou Pascal et les vertus de la raison ? Pensez-vous ! Battu en brèche après la dissolution de l’Assemblée et les élections législatives, le respect de la liberté individuelle du politicien qu’on qualifie d’extrême droite alors qu’il ne fait qu’aimer son pays autrement que Mélenchon, Macron, Delogu et autres Thomas Portes, a disparu dans les méandres glauques des bas-fonds de la magouille politique. Quant à Pascal et ses vertus de la raison il ne figure certainement pas dans le tiercé gagnant de l’actuelle assemblée (NPF, LR, Ensemble). Ajoutez à cette gabegie la grossièreté, l’inélégance et la malhonnêteté politique de certains députés et vous aurez la réponse à la question que les amoureux de la France à l’étranger se posent : comment continuer à admirer la France, la grande ?

Dans l’Afrique voisine, le désamour de ce continent pour la France tient aussi à cette capacité de n’aimer que ce qu’on admire. Certes, la géopolitique n'y est pas étrangère, mais les choses se seraient passées différemment si la France ne s’était pas délitée au point d’être aujourd’hui méconnaissable.

Jean-Pierre Lenoir
Jean-Pierre Lenoir
Journaliste et écrivain mauricien

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Plus de 15 ans que je vis à 10 000 km de la France. Je n’y retournerai jamais, puisqu’elle n’existe plus.

  2. Merci Monsieur de nous rappeler ce pourquoi nous étions une référence pour nombre d’étrangers. Je me souviens de mes jeunes années où, lorsque nous arrivions en visite, la quasi totalité de nos hôtes ouvraient de grands yeux admiratifs et nous gratifiaient de paroles amicales et un brin envieuses. Et si en plus vous veniez de Paris, vous vous sentiez presque une merveille. Pour moult raisons il y a longtemps que je ne fais plus de voyages extra-muros, mais je n’oserais plus m’y risquer, préférant conserver mes merveilleux souvenirs

  3. Merci Monsieur Lenoir pour votre analyse malheureusement plus que réaliste de ce qu’est devenue la France, je suis né au tout début des années cinquante et je ne fait qu’assister à son délitement, je ne sais pas ce que mes Grands-parents penseraient de ce qu’est devenue leur Nation, l’ayant défendu à deux reprises au péril de leur vie. C’est malheureusement bien triste…

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