[Point de vue] La HAS met la dernière pelletée sur le cercueil professionnel des soignants non vaccinés

vaccin

Les avis rendus par la Haute Autorité de santé, quelle que soit l’opinion finale que l’on peut en avoir, sont généralement bien contextualisés et sourcés, donnant ainsi des documents longs plutôt arides, quoique, bien sûr, des biais ne soient jamais à exclure d’emblée, ne serait-ce que par la sélection des sources étayant les conclusions.

L’avis du 21 juillet 2022 approuvant le principe d’interdiction professionnelle aux soignants non vaccinés fera date, en revanche, par la faiblesse de l’argumentaire qui se résume… à une page : celle-ci se réduit à quelques éléments de contexte (l’épidémie repart), puis à un tout petit argumentaire suivi d’une non moins petite conclusion.

Examinons l’argumentaire : il consiste à indiquer que la protection vaccinale contre l’infection symptomatique resterait élevée (quoiqu’entre 45 et 55 %), et ceci, en extrapolant les résultats de l’ancien variant aux nouveaux : un peu hasardeux, mais pourquoi pas… Mais c’est la conclusion qui laisse interdit : elle déduit de l’argumentaire ci-dessus que « l’obligation vaccinale des personnels […] concourt à une meilleure protection des personnes soignées ou accompagnées » : la HAS, sur l’argument de la protection personnelle du vacciné, déduit directement la baisse de contagiosité de celui-ci.

C’est, disons-le d’emblée, un non-sens scientifique : derrière la légèreté de ce raisonnement se cache en fait un syllogisme pernicieux, un sophisme :

- prémisse 1 : le vaccin diminue le nombre de cas Covid symptomatiques ;

- prémisse 2 : une population avec moins de cas symptomatiques est moins contagieuse.

Conclusion : le vaccin diminue la contagiosité du vacciné.

Il n’y a aucun mal, en science, à utiliser des syllogismes, mais pour une conclusion valide, les deux prémisses se doivent d’être infaillibles : si l’une des deux est fausse ou imparfaite, la conclusion s’effondre. Or, la prémisse 2 est tout sauf certaine : en effet, la connaissance des mécanismes de transmission est très imparfaite, rien ne permet en particulier d’affirmer que des porteurs sains (des vaccinés, par exemple...) ne soient pas en masse des vecteurs de transmission, d’autant plus contagieux qu’ils passent sous les radars des tests PCR.

Devant cette incertitude, la preuve scientifique serait la vérification directe de la conclusion, ce qui est parfaitement possible : si le vaccin réduit (en moyenne) la contagiosité, cela devrait se traduire, dans les pays bien vaccinés, par un effondrement des courbes épidémiques par rapport aux pays peu vaccinés. On dispose de toutes les données pour évaluer cette hypothèse : il est fort étonnant que cela ne soit fait, car c’est un juge de paix qui permettrait de trancher définitivement cette question de l’obligation vaccinale.

Cela n’est pas fait, mais pourtant… Lors des vagues Omicron de début d’année 2022, des tableaux de bord sur le site Johns Hopkins Coronavirus Resource Center (voir tableaux ci-dessous extraits de ce site : tableau 1 proportion de la population vaccinée, tableau 2 cas quotidiens de Covid en millions de personnes) indiquaient des courbes totalement contre-intuitives où les pays les plus vaccinés étaient majoritairement ceux qui connaissaient les pics épidémiques les plus élevés. Tout le monde peut expérimenter ces constats étonnants en allant sur le site.

 

Ces observations empiriques auraient pu pour le moins donner lieu à des études plus poussées de confirmation ou d’infirmation : rien de tel n’a eu lieu...

Cette légèreté scientifique dans l’analyse du risque causé par les soignants non vaccinés ne laisse de surprendre, compte tenu de l’enjeu, d’autant plus que la HAS se devait d’intégrer l’étude du rapport risque/bénéfice de l’interdiction, et pas seulement celle du risque. On peut, en effet, penser que les milliers de médecins et soignants interdits d’exercice apporteraient un « petit bénéfice » aux patients à travers les soins qu’ils prodigueraient, surtout en période de pénurie marquée de soignants : ce « versant » bénéfice n’est absolument pas abordé dans l’argumentaire HAS.

Dès lors, comment ne pas voir dans cet avis lapidaire une validation politique a posteriori ? Il faudra une armée de socio-anthopologues pour comprendre dans l’avenir pourquoi, sans doute par un effet massif d’intimidation socio-politico-médiatique, des institutions à valeur scientifique ont pu à ce point épouser les impératifs catégoriques politiques pour cheminer ainsi, main dans la main, dans une telle synchronicité. 400 ans après Galilée, la question de l’indépendance de l’esprit scientifique demeure…

Jean-Michel Pradel
Jean-Michel Pradel
Professionnel de santé publique

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