[Point de vue] La question corse, un Munich permanent

CORSE

Dans sa retentissante adresse à l’Assemblée de Corse, le 28 septembre dernier, le chef de l’État a enclenché la procédure d’une autonomie de l’île. Cette spectaculaire initiative aux conséquences incalculables appelle des observations sans détours.

On doit d’abord souligner que ce nouveau rebondissement de la question corse constitue en fait une énième victoire de la force sur le droit dans le bras de fer qui oppose tous les gouvernements aux séparatistes insulaires depuis 1981. Depuis lors, le syndrome de Munich ne cesse de hanter le pouvoir central. On n’arrête pas d’acheter la paix civile par des concessions politiques. Ce dernier épisode procède directement de la flambée de violences insulaires du printemps dernier, consécutive au meurtre, en prison, de l’assassin du préfet Érignac.

Égalité des citoyens

Il apparaît ensuite que cette exorbitante dérogation au droit commun obligeant à une révision de la Constitution porte atteinte au principe d’égalité des citoyens que consacre, justement, cette même Constitution que l’on manipule ainsi à la légère. Il serait étonnant que le Conseil constitutionnel ne s’en mêle pas. On peut également discuter de la réelle représentativité démocratique du Conseil exécutif au pouvoir local. Rappelons que l’Assemblée de Corse a certes été élue sur l’impressionnant score de 67,97 % des suffrages exprimés. Mais une abstention record de 41,09 % abaisse la performance à 40,04 % du corps électoral, sans compter 3,2 % de bulletins blancs et nuls. On est loin de l’onction populaire légitimant la prétention d’avoir reçu un mandat constituant du « peuple corse », appellation d’origine contrôlée.

En passant outre, on se livre à une sorte d’exercice illégal de la politique. Ce reproche s’applique aussi au chef de l’État lui-même qui n’ignore pas que la clé de l’incontournable révision de la Constitution n’appartient qu’au Parlement, devant se prononcer à une majorité des trois cinquièmes. Mais cette impuissance politique le couvre machiavéliquement de tous les côtés : un succès inespéré serait un triomphe, un échec probable n’incriminerait que le seul Parlement, bouc émissaire déjà désigné.

Retour au Moyen Âge

Quoi qu’il en soit, on ne voit pas comment on pourrait échapper aux dangers des deux bombes à retardement posées par le projet. En cas de succès de la procédure, l’inéluctable contagion à d’autres régions, déjà perceptible, conduirait au démantèlement de la France qui retournerait au Moyen Âge. Et en cas d’échec prévisible, nous n’échapperons pas à la violence des séparatistes se sentant grugés, à juste titre est-on tenté de dire, par le non-respect d’une promesse faite au sommet. Après des décennies de tribulations, la question corse n’a toujours pas reçu de réponse parce que l’idéologie a supplanté la démocratie.

La communauté insulaire étant seule juge de son destin, la simple logique aurait consisté à la consulter avant toute initiative institutionnelle. Mais, allez savoir pourquoi, on s’en est bien gardé, alors même qu’on lui a demandé son avis par référendum en 2003 sur la question moins importante du regroupement administratif des deux départements, en passant d’ailleurs outre à son rejet. On ne pourra sortir par le haut de la crise corse que par la consultation préalable par référendum de la communauté insulaire sur le choix de son avenir. Il faut lui donner à arbitrer entre un éloignement de la France à définir et la fidélité au serment de Bastia, prêté par ses anciens en 1938 et rappelé pour mémoire : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir français. »

Michel Franceschi
Michel Franceschi
Général de corps d'armée (2s) - Parachutiste des Troupes de Marine

Vos commentaires

18 commentaires

  1. Dans une grande réforme politique, l’absence de consultation des principaux intéressés est une vieille habitude française. Puis-je rappeler le mois d’Avril 1962 où le prince régnant n’a pas jugé opportun de consulter les français d’Algérie, toutes origines confondues, sur l’avenir de leur pays, ne demandant leur avis qu’aux seuls français métropolitains. Mais pour lui le français d’Algérie n’étaient pas des français, même quand ils se faisaient tuer à Monte Cassino.

  2. Parler du droit et de la force nous renvoie au 18 siècle lorsque la Corse qui s’était déclarée nation indépendante fut envahie par l’armée Française (exécutions, déportations.. ), cette même France qui refusa de restituer l’île à Gênes comme le prévoyait le traité de Versailles.
    Le serment de Bastia de 1938 à été prêté par des communistes dans un contexte d’Italie fachisante et n’était pas un referendum démocratique, ce qu’oublie de préciser l’auteur tant attaché à la représentativité, semble t’il ! GARDE A VOUS !

  3. Le seul objectif de Macron est la division, la communautarisation, la destruction des unités fortes et susceptibles de résister à l’européo-mondialisme prédateur . Et en plus, ce n’est qu’un inqualifiable communiquant qui ne sait que caresser les toutous dans le sens du poil! Par contre, pour justice, sécurité, protection, projets sérieux et exemplaires, là il n’y a plus personne. Pire: c’est un acteur de la dé-civilisation.

  4. L’autonomie pourquoi pas, mais être autonome c’est aussi assumer économiquement son avenir, si les Corses veulent continuer à vivre « cool », comme au 19eme siècle, mais avec le confort du 21eme, financé par le contribuable continental, là je ne suis pas d’accord, qu’ils se débrouillent, nous ne sommes pas des vaches à lait, s’ils demandaient l’indépendance et l’obtenaient, ou bien ils seraient deviendraient rapidement une ile mafieuse, ils en ont déjà quelques germes, ou alors ils feraient comme les iles des Comores, qui ont opté pour l’indépendance, qui se sont aperçus mais un peu tard, que c’était une bêtise (euphémisme).

  5. L’oiseau de malheur s’attaque à la Corse aussi …mais monsieur la poisse rate tout ce qu’il touche ..

  6. On ne nous parle pas de l’incidence de l’autonomie sur la répartition des budgets. Les corses financeraient ils eux mêmes leur administration?

  7. Le jacobinisme n’est qu’une camisole de force. En Europe de nombreuses régions bénéficient d’un statut spécial. D’ailleurs si la Corse était restée italienne elle serait aujourd’hui une province autonome à l’égal de la Sicile et la Sardaigne.

  8. Macron n’a strictement rien à faire des Corses et de leur indépendance, ce qu’il veut c’est démanteler la France. Il a réussi à le faire avec l’industrie et l’énergie en vendant nos fleurons à la découpe et en piègent les règles du jeu économiques, là il veut finir le boulot pour lequel il a été choisi par la grande finance : Faire éclater l’identité Française car c’est un obstacle à la mondialisation forcenée.

  9. Cela pourrait paraître un bien fondé , mais Macron ayant pris la parole avec le drapeau Corse derrière lui , c’est maintenant les Bretons qui de prennent à rêver d’autonomie d’autant que la polémique enfle depuis que E;BORNE a refusée de discourir avec le drapeau Breton derrière elle . A quand l’indépendance des Basques et pourquoi pas des Auvergnats tant qu’on y est

  10. Moi, je suis pour l’indépendance totale de la Corse, de Mayotte, de la Martinique et de la Guadeloupe. Avec arrêt des subventions et autres transferts d’argent public, c’est à dire de l’argent des contribuables très majoritairement métropolitains.
    Je suis contre l’indépendance des terres australes et antarctiques françaises, d’autant que leurs habitants ne nous font pas ch..r.

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