[POINT DE VUE] L’affaire Palmade ou l’absurdité du droit

CaptureX FranceInfo
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« Il a tué ma fille, elle était entière, j’ai compté ses doigts, elle m’a montré ses yeux. Elle est partie seule » : ces mots bouleversants ont été prononcés durant le procès de Pierre Palmade par la mère de Solin, tuée lors de l’accident causé par l’humoriste. Le 20 novembre dernier s’est tenu le procès tant attendu de l'humoriste, près de deux ans après l’accident qu’il a causé sous l’empire d’un cocktail de drogues. Un drame qui a fait trois blessés et causé la mort de Solin, la fille que portait une femme enceinte de 7 mois. À l’issue de ce procès, Pierre Palmade a donc été condamné à cinq ans de prison, dont deux ferme, par le tribunal correctionnel de Melun. Seule la qualification de « blessures involontaires, aggravées par la prise de drogues » a été retenue, et non celle d’« homicide involontaire » pour la mort de Solin, pourtant requise par le parquet.

« En France, des animaux domestiques et des œufs d'oiseaux mieux protégés que les fœtus »

L’avocat de la famille des victimes, Me Battikh, a dénoncé une « décision absurde », fondée sur une jurisprudence de la Cour de cassation de 2001 qui ne reconnaît pas l’existence juridique de l’enfant à naître. Au micro d’Apolline de Malherbe, au lendemain du procès, il appelait le législateur à combler ce vide juridique « qui conduit à des malheurs », témoignant de sa difficulté à expliquer à la mère que son enfant n’est, au regard du droit, « rien et peut-être moins que rien », tandis « qu’aujourd’hui en France, les animaux domestiques ont un statut juridique, les œufs de certains oiseaux sont mieux protégés que les fœtus, c’est scandaleux, on ne peut pas poursuivre avec ce no man’s land, ce vide juridique ».

Selon le procureur de Melun, « le débat doit avoir lieu au Parlement, pas au tribunal judiciaire de Melun ». Qu’en est-il, en réalité ?

Quelle marge de manœuvre, pour les juges ?

Il fut un temps où la jurisprudence pénale admettait la qualification d’homicide involontaire à l’enfant à naître (décision du 19 août 1997 de la Cour de cassation). Des arrêts du 30 juin 1999 et du 29 juin 2001, contestés et contestables, ont opéré un revirement de jurisprudence sur le fondement de l’article 221-6 du Code pénal qui sanctionne le fait de causer involontairement la mort « d’autrui ». La Cour de cassation ayant considéré qu’un enfant à naître ne pouvait être considéré comme « autrui ». Cette même Cour peut donc revenir sur cette jurisprudence peu convaincante, sachant que le pronom indéfini « autrui » désigne aussi bien la personne physique que la personne morale. Il est donc tout à fait possible qu’il puisse également désigner l’enfant à naître, doté d’un ADN unique.

L’élaboration d’une nouvelle loi protégeant les enfants à naître d’homicide involontaire soulèverait plusieurs difficultés : à partir de quel moment l'enfant dans le ventre de sa mère doit-il être considéré comme une personne ? Dans le cadre de l'affaire Palmade, l’avocat des victimes explique : « On sait aujourd’hui que cet enfant […] était viable au moment de l’accident. La viabilité, c’est 22 semaines et 500 g, d’après les critères de l’OMS. Mila en était à 27 semaines et à 1.080 g. »

Une loi pour protéger le fœtus : sur quels critères ?

Néanmoins, l’interruption médicale de grossesse peut être pratiquée à tout moment de la grossesse. Ainsi, la femme peut la demander soit lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave sa santé, soit lorsqu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une gravité particulière reconnue comme incurable au moment du diagnostic. On parle alors non plus d'IVG mais d'IMG (interruption médicale de grossesse). De surcroît, le délai de réflexion d’une semaine proposé à la femme enceinte a récemment été supprimé, étant considéré comme infantilisant et culpabilisant pour les femmes. Force est donc de constater que le critère de viabilité n’est pas considéré comme essentiel pour les parlementaires.

Le parlementaire peut-il considérer que la volonté de garder l’enfant suffit pour qualifier sa mort accidentelle d’homicide involontaire ? Cela ferait primer la volonté de la femme sur la viabilité du bébé à naître et remettrait en cause le délai imposé limitant le recours à l’IVG.

On le voit, la réponse juridique à cette question n'est pas chose aisée. Espérons, que, comme l'exprime la mère-victime de l'affaire Palmade, « la jurisprudence change et que Solin soit la clé de l’ouverture de ce changement », ne serait-ce que pour apporter une réponse à la douleur des victimes.

Patricia Mounayer
Patricia Mounayer
Avocate en contentieux des affaires aux barreaux de Beyrouth et Paris

Vos commentaires

45 commentaires

  1. Si je ne me trompe, les asiatiques comme la Chine entre autre considèrent que l’age d’une personne commence au moment que les gamètes se rencontrent. Donc le moment de la procréation car ces gamètes masculins sont déjà des êtres vivants. On comprend le refus d’homicide involontaire tant soit peut que prendre en main un objet a même de tuer alors qu’on en est incapable de le maitriser c’est déjà un homicide volontaire.

  2. Absurdité de la loi, mais qui arrange bien quelqu’un qui navigue dans le milieu de la drogue et des « élites » de la politique et du monde des artistes.

    Une petite astuce pour protéger l’un des leurs et tant pis pour la peine que ça donne à la famille, mais surtout tant pis pour l’exemple, combien d’autres accidents de gens sous l’emprise de la drogue auront lieu parce que la justice à trouvé des astuces et a été laxiste envers quelqu’un de très connu.

    Comment les juges peuvent-ils assumer la peine des victimes passée et pourront-ils assumer la peine des victimes futures ?

  3. Toutes ces arguties pseudo-juridiques n’ont qu’un but permettre de satisfaire les caprices feministes , leur évitant d’assurer leurs responsabilités physiologiques qui est de porter un enfant et qui devrait étre un honneur. Respecter la vie devrait être un principe autant moral que juridique ce qui n’interdit pas des exceptions médicales qui ont pour but justement de sauver la vie de la mére ( c’était d’ailleurs l’esprit de madame Veil) ou des exceptions liées au consequences d’un viol. Pour ce dernier cas il est quand même curieux de condamner l’enfant à mort et non le violeur.

  4. Quand on voit l’état de délabrement de l’Assemblée nationale, une proposition de loi visant à établir, enfin, la viabilité du fœtus ne risque pas de passer surtout avec les Sandrine Rousseau, Mathilde Panot et leurs 191 acolytes, Ps compris. Ces gens là veulent protéger, essentiellement, les femmes de la nativité. Ils préfèrent depuis longtemps laisser ce rôle aux femmes immigrées. Le grand remplacement, vous connaissez ?

  5. Ne vous y trompez pas, si un jour le foetus ou l’embryon sont reconnus comme étant des êtres humains vivants alors l’IVG passera comme le plus grand crime de l’humanité de l’histoire. Nos générations seront dépeintes dans l’avenir comme celles de la jouissance individuelle sans limite au mépris de la vie des autres. Les pires générations de l’histoire de l’humanité. Ce moment viendra au terme du grand mouvement conservateur qui s’amorce déjà pour s’opposer au wokisme. Certains verront sans doute son avènement. Condamner Palmade sur la mort de cet enfant à naître c’est condamner l’IVG. Si on soutien l’IVG alors Palmade n’a tué personne si on est contre alors là oui. Après, on peu toujours embrouiller les gens en disant qu’il y a foetus et foetus comme on le fait aujourd’hui avec le genre.

    • à Cyrano : Beaucoup d’hommes et de femmes sont contre l’IVG. Toutefois n’oublions pas que c’est la femme qui portera seule la décision si elle se fait avorter. Pourquoi ? Parce que la grossesse transforme autant le corps que l’esprit. Le plus inhumain commence donc par : La femme demande – Est-ce qu’on le garde ? L’homme répond – Si TU veux. Ce ‘TU’ tue tout autant qu’il marque la différence entre celle qui porte l’enfant de celui (ou peut-être pas) qui en a été conjointement le concepteur. Il y a des femmes qui cacheront leur grossesse pour éviter ce dilemme et iront jusqu’au bout en en acceptant toutes les conséquences comme celle d’élever un enfant, seule. Qui est plus coupable (s’il y a culpabilité) l’homme ou la femme? Il est à parier que quelle que soit la décision prise, la femme en restera probablement marquée à jamais de par sa nature, ce qui n’est pas le cas de l’homme. Cette distanciation des deux sexes aboutit souvent à l’IVG quand il y a un problème de reconnaissance. Si elle n’est pas une justification en soi, elle peut en être une des raisons, malheureusement.

      • Votre commentaire est parfaitement pertinent. La femme garde le petit ; le mâle , généralement, s’en fout..

  6. Ce drame met en lumière le mensonge du feotus qui n’est pas une personne. Et ce mensonge détruit notre société. Une société qui permet qu’on tue l’être le plus faible au monde dans le ventre de sa mère et qui s’en vante dans sa constitution ne doit pas s’étonner de la violence que cela génère.

  7. il semble raisonnable qu’il ait proportionnalité entre droits et devoirs. Dans cette logique, le foetus n’ayant guère accompli de devoirs (pas même l’ effort de respirer), n’a logiquement guère de droits (et son destin dépend, logiquement, de la volonté de ses parents et surtout de sa mère). Dans le cas de cette affaire Palmade, la principale victime à dédommager est la mère ayant mené 7 mois de grossesse. Son drame n’aurait guère été moindre , il me semble, si l’ enfant à naître avait quelques semaines de moins et n’ était pas encore « viable » hors de son utérus, et à peine pire si elle avait vu mourir son enfant « à terme » ( plus de 37 semaines d’aménorrhée).

  8. Le procureur de Melun botte en touche. Pour toute cette caste de la bien pensance, il s’agit d’un embryon, d’une chose, mais surtout pas d’un enfant à naître, ces malfaisants sont trop imbus d’eux mêmes, cette caste politique dans sont ensemble est vérolée par le politiquement correct, la malfaisance.

  9. De la chaleur protectrice du ventre d’une mère, elle est passée dans le froid d’un monde sans lumière. Des hommes et des femmes appelés juges ont dit qu’elle n’existait pas. Elle leur a répondu par un silence. Elle n’a pas eu le temps d’apprendre à parler, ni à marcher. Elle attendait une main tendue, elle a vu une porte, à peine ouverte, se refermer sur l’éternité. Elle n’a pu crier sa peur, empêchée qu’elle était. Une erreur. Ainsi va la destinée d’êtres qui ne seront jamais nés à la connaissance de leur propre délivrance. Elle s’appelait Solin.

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