[POINT DE VUE] L’armée dans les quartiers : encore une fausse bonne idée ?

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Voici que revient, pour la millième fois, le serpent de mer de l’armée dans les banlieues. Le député Karl Olive, proche de Macron, est cette fois l’auteur de cette suggestion usée jusqu’à la corde. L’armée serait envoyée dans les banlieues dites « sensibles », qui en réalité sont précisément l’inverse à bien des égards, pour y maintenir l’ordre. Voilà, c’est tout. Pas un mot sur la faisabilité, la pertinence ou même les modalités pratiques de cet emploi de la force armée sur le territoire national. On se souviendra peut-être qu’il y a quelques années, Éric Zemmour avait évoqué une prétendue opération « Ronces », dans les cartons des états-majors militaires. Il s’y serait agi de reprendre par la force le contrôle des territoires perdus en prenant pour modèle l’action de l’armée israélienne. Les autorités militaires avaient démenti.

La règle des 4 « i »

Les « vérificateurs » de TF1 rappellent que l’armée ne peut être requise par les pouvoirs publics sur le territoire national qu’en appui des forces de sécurité intérieure, selon la règle des 4 « i » : « Il peut être recouru aux armées lorsque les moyens de l’autorité civile sont estimés indisponibles, inadaptés, inexistants ou insuffisants », dit une instruction ministérielle de 2017. C’est le cas en Guyane, où les orpailleurs sont traqués par l’armée et la gendarmerie, malgré des règles d’engagement très favorables aux bandits. C’est aussi le cas en Nouvelle-Calédonie, depuis le début des émeutes ethniques. Mais pour lutter contre la « mexicanisation » fort justement pointée du doigt par Bruno Retailleau, que ferait l’armée ?

Ceux qui imaginent l’armée (de terre, en l’occurrence) comme une nouvelle BOPE [Batalhão de Operações Policiais Especiais/Bataillon des opérations spéciales de police, NDLR] brésilienne en seront pour leurs frais. Le cadre d’engagement serait certainement très strict. Et quelles missions pourrait-on confier à des militaires ? Des missions de bouclage ou de ratissage, en appui ou soutien des forces de police, probablement. L’armée ferait des opérations de police, mais en kaki, un petit peu comme en Algérie. Pas forcément le meilleur moyen d’apaiser nombre de banlieues surarmées et animées par la haine de l’uniforme (du policier au pompier). Mais, admettons. L’armée boucle le quartier et appuie la police qui, elle, arrête les dealers. Si les réseaux mafieux ne leur tirent pas dessus, tout se passe bien. Comme d'habitude. On les présente au juge et la suite, on la connaît... Il ne se passera donc rien de plus. Maintenant, autre hypothèse : on tire sur les militaires. Il se passe quoi, alors ?

L'armée, l'ultima ratio

Elle a bon dos, l’armée. On lui demande de remplacer l’Éducation nationale pour le dépistage de l’illettrisme (la journée du citoyen, ou JDC), de se substituer aux parents défaillants pour transmettre, sur volontariat (!), les « valeurs de la République » (le SNU, qui va peut-être passer à la trappe). C’est le dernier corps intermédiaire qui n’ait pas fait la preuve de son échec patent. La police n’en peut mais, la Justice est laxiste, les profs sont dépassés… Ce n’est pas une raison pour lui faire faire n’importe quoi. Depuis 1961, les politiques ont peur des militaires, et s’ingénient à émasculer leur intelligence en exagérant le devoir de réserve. Et maintenant, on en ferait l’ultima ratio sur le territoire national ? C’est presque drôle.

Non, décidément, cette idée mérite d'être travaillée et réfléchie avec sérieux avant d'être lancée, comme ça, à la cantonade. Maintenant, si on veut passer à l'état de siège, comme le prévoit l'article 36 de la Constitution, en cas de péril imminent, il faudra accepter de confier les pouvoirs de police aux autorités militaires... Pour cela, il faut imaginer un président comme Nayib Bukele au Salvador. Mais on est en France…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/11/2024 à 2:05.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

61 commentaires

  1. Et pourquoi pas? Sinon continuer à tergiverser, à pinailler pour savoir si ‘est bien ou pas? L’opération sentinelle, c’est pour le folklore, la parade? A ce train-là, on n’a pas le cul sorti des ronces.Il est vrai que pour certains complices profitant de la situation et consommateurs de substances illicites, il est urgent de ne rien faire. Demeurer au garde- à -vous, les doigts sur la couture du pantalon.

  2. Mais l’armée ( Terre Air Mer) n’a telle pas était créée pour défendre la France et ses habitants contre ses ennemis extérieurs et intérieur?
    Eh bien nous y sommes !
    La France a sur son territoire des etrangers (ou même à moitie) ennemis de ce pays.
    C’est son rôle et il faudra y venir.

  3. Je jugerai de l’efficacité de ce gouvernement lorsque l’armée quadrillera les zones de non droit pour y chercher les armes cachées, quand tous les éléments fichés S seront internés en camp de rétention, quand les mosquées wahhabites seront fermées et leurs imams en taule ou expulsés, quand les frontières seront non pas ouvertes, mais CONTRÔLÉES, quand la peine de mort sera rétablie, quand le droit du sol sera aboli et quand la Cour de Sûreté de l’État sera recréée. Tout le reste ne sera que posture et paroles verbales.

  4. Si l’armée doit intervenir dans tous ces quartiers difficiles , il faut reloger ailleurs les braves gens honnêtes et envoyer la Légion pour TOUT NETTOYER , de fond en comble , l’armée classique n’a pas le rôle du maintien de l’ordre ,

  5. Quand des flics se font tabasser , se servent d’un taser inéfficace , et laissent leur arme de service dans leur étui par peur d’une justice pro-délinquants, c’est la fin d’une dite démocratie qui s’annonce. Donc l’armée s’imposera d’elle même dans la chienlit régnante.

    • Lintervention de l’armée dans les banlieues est une lubie hypocrite des politiciens. 1) De nombreux engagés ne renouvellent pas leur contrat aprés avoir arpenté les halls de gares et d’aéroports des années. On les comprend. Ils ne se sont pas engagés pour ça. Donc déficit de recrutement.
      2) un militaire ne s’engage pas pour faire du maintient de l’ordre. Et avec quels moyens?. La grande hypocrisie réside dans le fait qu’ils n’auront pas le droit de riposter sauf cas de légitime défense et avec présence d’un OPJ. Sans autorisation d’ouvrir le feux contre les loubards, cela ne servira à rien. Il faudra pour cela que les politiciens votent des lois trés dures pour eux (electoralisme oblige) quand on en arrivera à cette nécessité. Sinon envoyer des militaires au casse-pipe ne présente donc aucun intérêt.

      • Vous verrez que si l’on continue comme ça certaines opérations anti trafiquants tourneront à la bataille de rue avec embuscades et pièges, avec armes automatiques, armes lourdes et explosifs. maniés par des combattants qui ne seront pas de simples loubards. (Cf films et littératures américaines et sud américaines sur ce sujet) Ce n’est peut être pas un cas général, mais il se produira et en ce cas, l’armée sera nécessaire. Autant se préparer. Ceci n’enlève rien aux compétences spécifiques de la Police et de la Gendarmerie. Notez seulement que tout juridisme, OPJ et autres procédures administratives n’auront plus aucun sens dans de tels combats, quand les flics se feront tirer comme des lapins à la 12.7 (de provenance ukrainienne par exemple)

  6. « L’armée dans les quartiers : encore une fausse bonne idée ? » Peut-être aujourd’hui, certainement, même. Mais lorsque toutes les Kalachnikov sortiront des caves, ce qui ne saurait tarder, il faudra bien tirer. Et alors, ce sera l’armée et personne d’autre qui pourra le faire. Quoi qu’en disent les Insoumis, la police ne sait pas tirer à balle réelle sur la foule, et c’est tant mieux. Alors l’armée dans les rues ? Oui, un jour certainement et ce sera la seule issue.

  7. Comment, mais nous sommes en guerre journellement, des personnes décapitées, des femmes de tous ages violées, des autos qui brûlent chaque jour ? et pour vous, Monsieur, ce n’est point la guerre ? Alors développé votre façon de voir.. Israël, Ukraine ?

  8. Les militaires des armées n’ont pas vocation à faire du maintien de l’ordre, ils n’ont pas été recrutés, formés et entrainés pour ça, mais pour tirer et tuer. Donc, si on veut des morts dans les banlieues, un pays à feu et à sang et la guerre civile, il faut le dire clairement.
    Appliquons d’abord le droit et les lois tels qu’ils existent, emprisonnons les délinquants y compris les petites peines et renvoyons dans leur pays les familles étrangères qui en font partie ainsi que ceux qui sont en prison, et l’ordre reviendra.
    Force doit rester à la loi, la France doit montrer qu’elle est un état de droit et se faire respecter.
    Tandis que la démagogie électoraliste n’obtiendra rien.

    • Le maintien de l’ ordre n’est pas le cœur de métier du soldat. Son métier est la guerre et le tir à tuer selon des règles d’engagement précises qui font parties de l’ordre initiale de l’opération. Nos politiciens de salon ne savent pas de quoi ils parlent. Les seules balles qu’ils ont entendues siffler sont pour les plus sportifs, les balles de tennis avant l’apéro au club-housse.

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