[Point de vue] Le ministre, le marvel et la géopolitique
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Notre ministre des Armées s’est indigné, ces derniers jours, au sujet du film Wakanda Forever, montrant des pillards en uniformes militaires français. Un membre de notre classe politique s’aperçoit enfin que certains États déploient des stratégies globales, usant de tous les moyens, même des plus frivoles. Mais sous le divertissement vu comme une arme, efficace en action psychologique pour discréditer ou exalter – visionner un tel film dans une salle de cinéma en Afrique est d’ailleurs une expérience -, la géopolitique n’est pas loin. Une discipline souvent négligée, parfois même ignorée, par les dirigeants français. Pourtant, pendant des siècles, les princes furent éduqués par l’étude de l’histoire et de la géographie, dont la réunion constitue l’essentiel de la géopolitique.
Les élites des pays anglo-saxons ne souffrent pas de la même amnésie. Ils cultivent le goût de cette noble matière qu’ils mettent au service de la puissance dans le jeu mondial. Et c'est là que paraît notre désolante faiblesse. La France a été longuement présente en Afrique de l’Ouest. Le nom qu’on y donne aux Blancs (« toubab ») est dérivé de l’arabe « médecin », les premiers Européens rencontrés par les populations locales étant surtout des médecins et des infirmiers militaires français qui donnaient des soins. Nous y avons dépensé des fortunes, perdu, au cours des dix dernières années, 58 soldats, la question de la conquête coloniale et de sa pertinence étant un autre sujet. Malgré ces sacrifices, les gouvernements locaux ne se privent pas d’enrôler la France dans leurs stratégies politiques oscillantes, la France qui en fait trop ou pas assez, ce qui permet de justifier auprès des peuples les échecs répétés des pouvoirs en place.
Or, nous arrivons avec un mélange paradoxal de dogmes bienveillants et de honte post-coloniale, sans tenir compte de l’histoire d’une région, peu écrite mais bien réelle. Les militaires ne l’ignorent pas quand ils se documentent avant leur déploiement, pour connaître au mieux le théâtre d’opérations. Sont-ils ensuite écoutés quand ils rendent compte de la situation sur le terrain ? Quand ils évoquent l’opposition séculaire entre peuples du désert, de tradition esclavagiste, et peuples du sud, longuement asservis ? Quand ils voient que, dans les zones désertiques, le trafic et la razzia sont les activités immémoriales et que l’enjeu essentiel y est le contrôle des itinéraires et des points de passage ? Il semble malheureusement que non, et les lointaines certitudes parisiennes ont trop souvent le dernier mot.
En se débarrassant des Français, leurs anciens maîtres, sous l’impulsion de leurs gouvernements, les habitants de cette région pensent faire une bonne affaire. Ils ne tarderont pas à s’apercevoir que la Chine ne vient que pour dévorer les ressources nécessaires à son économie gloutonne et que la Russie, dont l’expérience africaine remonte surtout aux conflits par procuration allumés pendant la guerre froide, ne vient que pour mener son grand jeu contre l’empire d’au-delà de l’océan. Les trois grandes puissances sont donc bien d’accord pour nous évincer. Elles y sont parvenues presque complètement. Grâce, entre autres choses, à leur intérêt obstiné pour la géopolitique, science de la longue durée et de l’impassible espace pour laquelle les élites françaises montrent souvent une étrange paresse intellectuelle. Décidément, le déclin nécessite toujours une part de consentement.
14 commentaires
Peut-on espérer autre chose de peuples versatiles spoliés par des gouvernants toujours prêts à s’offrir au plus offrants?
Tout cela est vrai, en tout cas pensé avec intelligence et sympathie. Mais notre intelligence et notre sympathie d’Européens et d’Occidentaux pour les autres peuples du monde, nous devons la garder pour nous. Car cette sympathie est très agressive pour d’autres cultures. Nous nous considérons comme sympas bien sûr, mais pas les autres. Et comme ils ne nous considèrent pas comme sympathiques, et qu’ils et sont devenus très présents chez nous, comme nous les avons envahi par nos idées sympathiques, ce sera la guerre chez nous. Mais nous en sommes responsables. Il ne faut pas baisser culotte. il faut renoncer à croire que nous sommes les meilleurs et les plus sympathiques. Laisser les autres être sympathiques entre eux. Ce qui nous permettra de rester sympathiques chez nous. C’est tout.
Longtemps notre meilleur africaniste Bernard Lugan a formé les officiers à la géopolitique locale, mais comme il accordait de l’importance aux luttes interethniques immémoriales, ça n’a pas duré.
Encore un petit coup de russophobie?
Ah ? Les Chinois seraient donc Russes, comme les producteurs de chez Marvel ?
Passons de l’Afrique à l’Europe, une certaine similitude. Quel est l’intérêt de Poutine dans ce conflit avec l’Ukraine, en réalité avec l’Europe qu’il estime décadente, de moins en moins soutenue par les U.S.A. aux dernières nouvelles, qui a d’autres chats à fouetter. Tenir. En tenant, il use les uns et les autres . L’Ukraine , faible en ressources humaines et en armement. L’Europe, qui épuise son potentiel en matériel de guerre et qui s’use à se maintenir la tête hors de l’eau en présence de sanctions contre-productives. Car si l’Europe puise dans ses réserves, la Russie préparée , habituée aux sanctions répétitives sait s’adapter rapidement et dispose de réserves humaines mobilisables. C’est un pays en mouvement progressif, qui est parti de très bas, du régime soviétique. Dans cet élan vers le haut , il est continuellement dans un esprit d’innovation de conquêtes. L’Europe dort sur ses lauriers, se préoccupe du sexe des mouches (le wokisme, le transgenre) et de sujet plus sérieux (immigration, drogue, insécurité). Par ailleurs, ce conflit, s’il perdure, conduira à la destruction massive de l’Ukraine. Sa reconstruction profitera aux très grandes entreprises mais surtout modernisera tout le pays qui se situera à la pointe de ce qui se fait. Pendant ce temps, l’Europe dormira puis se réveillera sur ses vieilleries, endolorie, faute de ressources, fort endettement, et de modernisation de son outil productif.
A culpabiliser les français, Macron travaille à ruiner les liens péniblement établis avec les africains par les précédents régimes. Non seulement il discrédite la France sur ce terrain africain mais qui plus est, il active l’animosité des « fortes » têtes réfugiées sur le territoire français. Nous sommes donc à la fois rejetés et agressés au plan humain . Quant à l’économie, comme la nature a horreur du vide, chinois , U.S. A et Russie s’empressent de combler. Macron n’a pas l’étoffe d’un gestionnaire. Tout ce qu’il touche est malmené. Sa gestion de l’énergie électrique en est la caricature. Sa prétention à s’immiscer dans le conflit Ukraine/Russie ne peut que se limiter à du faire-semblant. Il n’est pas crédible aux yeux des dirigeants sérieux. Son « en même temps » est dissuasif. Car il est capable de dire « blanc » de face et déclarer « noir « dans le dos. Nous en sommes devenus ses souffre-douleur. Son extrême silence sur les conditions attendus de la gestion de l’immigration nous prouve son défaut flagrant de vue en perspective. Il subit, caractéristique des faibles.
Un consentement total et pervers ….
» Les trois grandes puissances sont donc bien d’accord pour nous évincer » dites vous mais cela un seul visionnaire l’avait prédit il s’appelait de Gaulle et s’était battu toute sa vie pour l’éviter. Ses successeurs ont détruit ce travail en nous vassalisant aux USA.
Avez-vous oublié le 1er 14 juillet de Macron? Vous en souvenez-vous ? Il remisa au rencard son chef des armées. Comment voulez-vous qu’à travers le monde on nous respecte.
Faut-il rendre responsable la Médecine Militaire de la prolifération ,depuis notre passage, des peuples d’Afrique ?
Ah , oui, oui ! Totalement responsables, ces inconscients imbus d’eux-mêmes dans leur microcosme et de la gloire de leurs » grands anciens » !
Très bonne analyse ! Le nombrilisme parisien tue la réalité et l’efficacité de ses actions décalées pour laisser le champ libre au racisme et à la haine profonde de ceux que l’on veut aider … il en sera de même intra-muros avec ceux que l’on reçoit sans discernement en France et qui nous accuseront d’esclavagisme, de racisme et de crime contre l’humanité pour ce défausser de toutes responsabilités et d’incapacité à se prendre en charge: l’autre est et sera toujours le responsable; pas lui.
Depuis Giscard il n’y a plus de politique africaine de la France, sous Mitterand, son fils surnommé « papa m’a dit » a cumulé les bêtises, la suite a été un abandon complet de la politique française au désespoir de certains de nos diplomates en place qui n’étaient surtout pas écoutés à Paris.