[POINT DE VUE] Les épaules de Jordan Bardella

Capture d'écran
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C’était prévu, ça n’a pas déçu : le meeting de Jordan Bardella a été un triomphe. Dans le Lot-et-Garonne, sur ces terres agricoles rudes, que le pouvoir délaisse ordinairement, le jeune président du Rassemblement national a été ovationné. En grand communicant, il a fait un meeting sans faute, un peu mordant, un peu drôle, un peu sérieux, impeccable. Ensuite, la salle comble a suivi son leader pour une séance de dédicace qui promettait de durer des heures - on rappelle que son livre, interdit d’affichage par les syndicalistes d’extrême gauche, vient de sortir en librairie. Le contexte délétère, qui montre une Ve République de tous les arrangements et de toutes les impérities, sert bien le RN… et le programme du RN, jadis moqué pour son simplisme et son caractère approximatif, semble de plus en plus dense et sérieux, surtout comparé à la concurrence.

Parmi les dialogues saisis au vol par le réseau X, on trouvera cet échange sympathique, entre un agriculteur et le président du premier parti de France : « Quand tu partiras d’ici, tu auras perdu cinq ou six centimètres », commence le bonhomme, qui précise immédiatement que c’est parce que Bardella portera sur les épaules la confiance de tous les habitants de la région. Face à lui, le président du RN ne dit rien. Il hoche la tête. Il n’entre pas dans le débat. Lisse, sans prise, sans aspérité. Impeccable. Un peu mécanique, aussi. L’agriculteur a raison de dire ce qu’il dit : le peuple, le vrai, est au bout du rouleau et, bien souvent, n’a plus d’espoir qu’en Marine Le Pen, la seule qui semble les comprendre, la seule qui semble loin des jeux de pouvoir et du parisianisme, et en Jordan Bardella, si jeune, si parfait. C’est le gendre idéal. C’est l’associé parfait. C’est celui que le patron imagine à sa place dans dix ans.


Pourtant, il y a un petit problème, dans ce plan de com' parfait : ce gendre idéal n’a pas fondé de famille. Cet associé de rêve n’a jamais monté de business. Cet employé modèle n’a jamais travaillé dans une entreprise ni dans un service public. C’est un angle d’attaque qu’a très intelligemment exploité Léa Salamé, dans Quelle époque !, dont Jordan Bardella était l’invité ce samedi. La présentatrice, pour une fois assez peu malhonnête intellectuellement, a poussé la comparaison entre Bardella et Trump, une comparaison qui vient naturellement à l’esprit de la gauche, encore en stress post-traumatique ces jours-ci, après la défaite de Kamala Harris. Trump, a-t-elle dit, a gagné et perdu, monté des entreprises, fondé une famille ; bref, il a un vécu. Or, à 29 ans, Jordan Bardella n’a jamais travaillé. Il s’est engagé en politique pendant son adolescence et n’a fait que cela, depuis. La vie de Trump est un roman, qu’il porte sur son visage. La vie et le visage de Jordan Bardella semblent avoir été générés par une intelligence artificielle. Alors, se sent-il légitime ?

 

La question n’est pas celle de ses diplômes, un totem bien français mais qui ne cesse de prouver son absurdité : Bruno Le Maire, normalien, énarque, agrégé, diplomate, a endetté la France comme jamais. Non, la question est : qui est vraiment cet homme à qui la France (la vraie) fait confiance avec l’énergie du désespoir ? Toute pensée est faite pour être vécue, pour s’incarner. Péguy disait, dans une formule désormais archi-connue, que l’idéaliste « a les mains propres, mais n’a pas de mains ». Jordan Bardella est l’ami des travailleurs mais n’a jamais travaillé. Cet homme qui a les épaules solides a-t-il seulement des épaules ? Et ce n'est pas lui faire offense que de poser cette question. Au contraire. Son livre nous donne peut-être une partie de la réponse.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

89 commentaires

  1. En 2027 l’élection risque comme aux USA de se faire sur la question identitaire. L’immigration les Français voient chaque jour les problèmes engendrés par un afflux incontrôlé de migrants. Ajoutons le problème de l’insécurité et du pouvoir d’acahat , je suis prêt à parier que jusqu’aux prochaines élections , Rien ne sera réglé . On voit aussi les limites de cette UE qui exaspère de pus en plus les Français; question agricole , industrielle , migratoire , énergie , autant de boulets qui nos entravent . Le RN , a proposé des solutions , comme celle de sortir de l’accord européen sur l’énergie. Un accord stupide qui pénalise Chaque Français et chaque Entreprise . Bardella , aura t il l’occasion de montrer qu’après les discours , il faut passer à l’action , l’avenir le dira . quant au fait qu’il n’ait jamais travaillé , que dire de Hollande , Sarkozy et même Macron…… Le bon sens et le pragmatisme valent autant que des surdiplomés totalement déconnectés du monde réel , la preuve si besoin en était est bien de voir que tous nos présidents ont plongé la France dans le sur endettement, bel exemple avec le tandem Macron , Le Maire . Mieux vaut un René Monory qu’un Macron !!

  2. La plus grande faiblesse du RN est son absence de programme économique susceptible de tenir la route. Son attitude sur les retraites, en particulier, est absurde, et il se garde bien de mentionner une quelconque amorce de commencement de financement du retour sur la seule réforme positive à l’actif de la macronie. Il en résulte malheureusement que, quand nous nous débérrasserons de Macron, nous aurons droit, au mieux, à un clone en la personne d’E. Philippe. Mais hélas aussi son opportunisme, qui rappelle les grands jours de l’UMPS, sur les lois « sociétales » (constitutionnalisation du droit à l’avortement, loi sur « l’aide cative à mourir »). Aucune marque de conviction arrêtée, ce qui sent son électoralisme à plein nez.

  3. Il faut tout de même rappeler, une fois de plus, que le programme économique du RN est une copie quasi conforme de celui de LFI. Dans ce contexte, le RN apparaît comme un parti de gauche (extrême-gauche ?) nationaliste et anti-immigration : ce n’est pas ce qu’on appelle un parti de droite.

  4. Sincèrement plus j’écoute les gens du RN, moins ils m’intéressent. Il ne font que répéter en boucle les mêmes éléments de langage, il n’y a aucune inventivité dans leur communication. On peut penser ce qu’on veut de Mélenchon, mais lui sait renouveler sa parole, en plus de manier la langue française à la perfection. Tout comme on peut penser ce qu’on veut de Sarkozy, mais il n’est jamais rassasié de nouvelles idées. Au RN, que ce soit Bardella ou les autres, c’est le même disque rayé, formaté, qui tourne en boucle. Marine Le Pen fait un peu figure d’exception mais elle a tellement multiplié les revirements de position qu’on peut difficilement lui donner crédit.

    • Méditez le vieux dicton .  » grand parleux , p’tit faiseux » , un bel exemple en la personne de Macron… Alors , je préfère un Bardella qui remet sur la table les préoccupations essentielles des Français , Sécurité , Immigration , Pouvoir d’achat. Si déjà Le RN est capable de résoudre ces trois problèmes majeurs , pour le reste , le bon sens et le pragmatisme valent mieux que des plans sur la comète .

  5. Lui qui n’a jamais connu ce qu’est le travail et c’est vrai , il connait quoi de la France profonde celle qui ne compte pas ses heures . Dans son intérêt , il doit sillonner celle-ci de fond en comble pour s’imprégner être au plus de ceux qui bossent , les écouter pour mieux comprendre les problèmes et les remonter à ce maudit Bruxelles , pour être peut être candidat en 2027 .

  6. Bon il est bien ce petit, mais de là à briguer un poste de président !! 29 ans ? il est vrai que la valeur n’attend pas le nombre des années comme le dit le diction !! Mais tout de même !!des idées excellentes surtout sur l’immigration et l’insécurité mais pour leur programme économique est il mieux que celui du NFP ? J’en doute !! Seuls les intelligents peuvent comprendre, un président avec un peu de bouteille et une grande poigne , en dessous de 50 je ne vois personne!! quant à notre Marine nationale, quand se retirera t elle en comprenant que c’est elle qui fait perdre ce parti ??

    • Il ne veut pas etre président (pas tout de suite), il préfère amener Marine Lepen a l´Elysee, une travailleuse, une mère de famille avec un vrai vécu et issue d´un père qui avait raison avant les autres, il suffit de mettre le nez a la fenêtre et de lire les journaux non subventionnes.

      • Il est impératif en effet, » d’amener Marine Le Pen à l’élysée »,elle qui nous explique que le grand remplacement n’existe pas ,que l’islam est compatible avec la République et qui exclut la création d’un ministère de la remigration,perpétuant ainsi la logique qui était sienne lorsqu’elle défendait les sans papiers.

    • Si Bardella a des positions identiques à celles de Salamé sur le sujet de l’islam,c’est que comme elle,il n’est pas de droite,contrairement à ce que s’imaginent ses électeurs.A cet égard il a le même positionnement que MLP qui récuse,parait-il ,enfin c’est ce que j’ai entendu sur CNews,être de droite.

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