[Point de vue] Macron veut transformer les hussards noirs en exécutants dociles

Cette carrière contractualisée, où règne la loi de l'offre et de la demande, est le rêve de Macron.
école

En cette veille de la rentrée scolaire, le journal 20 Minutes souligne qu'en Gironde, le nombre de professeurs contractuels, dans le premier degré, va bientôt dépasser le nombre de professeurs des écoles recrutés par concours. Pourtant, l'académie de Bordeaux n'est pas la moins attractive des académies, il ne manque pas de candidats et tous les postes sont pourvus au concours régional du CRPE. Au-delà de la pénurie, c'est toute une conception du métier de professeur qui est en jeu.

La première conclusion qu'on pourrait tirer de ce constat, c'est que le nombre de postes offerts aux concours n'est pas suffisant. Comme on imagine mal que les besoins soient volontairement sous-évalués, on serait conduit à penser que le ministère restreint, en toute connaissance de cause, le nombre de places. Lui-même répartissant les postes en fonction des moyens alloués par le budget, force est d'en déduire que le déficit de professeurs des écoles procède paradoxalement d'une volonté politique.

Ce n'est un secret pour personne qu'Emmanuel Macron souhaiterait supprimer les concours de recrutement. Moins pour diminuer le nombre de fonctionnaires – ce qui pourrait se concevoir dans les secteurs où ils seraient pléthoriques – que parce que, en bon technocrate, il conçoit l'exercice d'un métier, jusqu'aux plus hautes fonctions, dans la contractualisation, dans les missions temporaires. D'où, contrairement à l'opinion souvent répandue, des avantages qui sont progressivement accordés aux auxiliaires ainsi recrutés dans l'enseignement.

La contractuelle, citée dans l'article de 20 Minutes, reconnaît d'ailleurs qu'elle n’a pas souhaité se présenter au concours « car elle n’envisageait pas de devoir quitter Bordeaux où elle a sa vie de famille ». Un titulaire peut, en effet, être affecté loin de chez lui, parfois, dans le second degré, à plus de mille kilomètres. On ne lui demande pas son avis. Un auxiliaire est, d'une certaine façon, exploité, on l'emploie ou on le renvoie en fonction des besoins, mais il peut refuser une affectation. Dans le second degré, pour les fidéliser, certaines rectorats vont même jusqu'à leur proposer de meilleurs postes que ceux qu'ils attribuent aux titulaires.

Cette carrière contractualisée, où règne la loi de l'offre et de la demande, est le rêve de Macron. Il n'a que faire de professeurs qui choisissent ce métier et se présentent aux concours parce qu'ils aiment leur discipline et veulent transmettre aux élèves le savoir qu'ils ont acquis. Enseigner par vocation est pour lui une conception ringarde. L'enseignant est un technicien comme les autres, qui doit accepter de changer de métier au cours de sa vie et savoir, en cas de besoin, traverser la rue pour trouver un nouveau boulot.

La contractualisation généralisée, liée à la suppression des concours, que Macron veut insidieusement instaurer accentuerait encore le déclin de l'enseignement, qui n'a guère besoin de ce coup de pouce. En déplacement à Orange, il a osé évoquer les « hussards noirs » de la République. Ce ne sont pas des maîtres « beaux comme des hussards noirs », selon la formule de Charles Péguy, qu'il souhaite pour l'avenir, ce sont des exécutants dociles, corvéables et jetables, selon la loi du marché.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

24 commentaires

  1. la contractualisation n’a pas que des mauvais côtés (tout comme le libéralisme économique, faut-il le rappeler ici ?). Si le prof est mauvais, il peut facilement être viré !

  2. Ils ont inventé les intérimaires de l’enseignement . Encore des mesures inspirées par des cabinet conseils type Mc KInsey. Si au moins cela allait dans le sens d’un meilleur fonctionnement de la société, mais rien ne marche, que ce soit dans ce secteur de l’EN ,comme celui de la santé par exemple sans parler de l’armée qui en cas de conflit ne pourrait compter que sur deux jours de munitions ! Ce sont des mesures de technocrates faites pour nous adapter au mieux du marché et donner plus de dividendes et de richesses à ceux qui ont déjà créé la faille énorme qui existe entre les plus riches et les couches moyennes devenus les cibles à abattre . Ils veulent plus de précaires pour plus de docilité et plus de disponibilité immédiate alors que les gens ont surtout besoin de se poser pour élever leur famille dans de meilleures conditions . Pendant que l’on interdit au peuple par cette ubérisation de la société de fonder une famille de façon pérenne, on permet aux plus riches le recours à la GPA .

  3. La France défigurée ,la France en ruines ,,,tout se casse le portrait …l’école ,la médecine et j’en oublie .la ou macron passe ,le monde trépasse ..oiseau de très mauvaise augure .

  4. Voilà bien longtemps qu’on n’enseigne plus par vocation, mais souvent à cause des vacances. Quant aux contractuels dans un pays moderne on devrait avec une formation continue obligatoire, des séminaires, et des inspections pouvoir les mettre au même niveau que que les titulaires. La formation continue était une idée du Général de Gaulle, d’ailleurs dans certains métiers elle est obligatoire, certains ordres professionnels obligent à suivre un nombre d’heures de formation obligatoires de manière à être toujours performant. Il existe la validation des acquis de l’expérience donnant des équivalences de diplôme, alors pourquoi pas dans l’enseignement. J’ai enseigné avec un BTS et les résultats obtenus par mes élèves étaient même supérieurs à ceux des élèves des titulaires, après j’ai changé d’orientation pour faire une dizaine ou une douzaine d’années d’études et j’ai continué à faire de la formation, je n’ai pas eu l’impression que j’enseignais mieux, évidemment ce n’était ni les mêmes personnes ni le même niveau.

  5. Macron aura tout détruit , même l’éducation, que restera-t-il en 2027 s’il ne part pas avant, il ne restera que des ruines ! jusqu’à quand va-t-on le laisser faire ??

  6. Ce qu’on demande aux enseignants c’est le service minimum culturel , pouvoir comprendre les publicités commerciales et les messages simplistes des gouvernements , est la mission éducative de nos enseignants .
    Enseignants qu’on a de plus en plus de mal à recruter , et qui vu leur niveau de recrutement , ont eux aussi des carences éducatives sévères , qu’ils vont transmettre à leurs élèves.

  7. Je me souviens du temps où 30% d’auxiliaires était la barre au-dessus de la quelle était définie une académie déficitaire.

  8. Macron est lui-même un contractuel de la politique, de vagues notions semblent lui convenir. Passé son tour il repartira tranquille pour de nouveaux horizons bancaires.

    • Oui, mais toujours grassement entretenu par le con-tribuable spolié ! Alors qu’il paraît qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot, certains qui se croient en plus plus intelligents que les autres, en semblent absolument incapables ….

  9. Plus de concours pour les professeurs, par contre pour les ASEMS ( agents des écoles maternelles), on exige toujours un concours. On marche sur la tête !

  10. « Destruction en marche » convient bien mieux à Macron et son parti . Qu’il commence par diminuer le nombre de ministres et de ministères et les sangsues qui tournent autour . Lui qui aime à nous citer l’Allemagne n’ignore pas combien de membres composent le gouvernement allemand . D’ailleurs nous sommes le pays qui compte le plus d’élus et pour quel résultat . Ce sont plus des parasites que des élus que nous , contrinuables , avons à charge dans ce pays . En diminuant leur nombre il pourrait embaucher davantage d’enseignants , de soignants etc…en bref des gens utiles .

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