[POINT DE VUE] Manipulations électorales : après la Roumanie, la Pologne ?

Une dérive des pratiques électorales semble s'amorcer en Pologne, ressemblant à celle que l'on observe en Roumanie.
Capture écran Elysée
Capture écran Elysée

Ce qui s’est passé en Roumanie, avec l’annulation d’une élection, l’arrestation du candidat en tête puis le rejet de sa candidature pour la nouvelle élection présidentielle de mai, pourrait bien se répéter en Pologne. Le point de vue d'Olivier Brault, directeur de la communication de l’institut Ordo Iuris.

 

La question est ouvertement posée par les commentateurs et politiciens conservateurs dans ce pays, et ils savent désormais que, selon la CEDH, le droit à des élections libres prévu dans la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique qu’aux élections législatives.

En mai, les électeurs auront à élire à nouveau un président en Roumanie, et le même mois, une élection présidentielle se tiendra en Pologne. L’enjeu est crucial, pour la gauche libérale de Donald Tusk soutenue par Bruxelles.

Démocratie militante et justice transitionnelle

Depuis décembre 2023, cette cinquième colonne bruxelloise qui criait aux violations des principes de l’État de droit et de la démocratie par les gouvernements conservateurs de Droit et Justice (PiS) revendique, sous prétexte de rétablir un État de droit supposément mis à mal, de ne plus respecter les lois et la Constitution du pays. C’est ce que le Premier ministre Donald Tusk, ancien président du Conseil européen, appelle la « démocratie militante » contre la droite dite « populiste ». Son ministre de la Justice, Adam Bodnar, ancien défenseur des droits et ancien dirigeant d’ONG sorosienne, a quant à lui parlé plusieurs fois de « justice transitionnelle ». Démocratie militante et justice transitionnelle étaient jusqu’ici des concepts appliqués pour empêcher l’arrivée au pouvoir de dictateurs en puissance ou bien rétablir la démocratie après une période de dictature.

Parmi les multiples violations inédites de l’État de droit par la coalition aujourd’hui au pouvoir en Pologne – avec, il convient de le souligner encore une fois, le soutien verbal et financier de Bruxelles –, il y a aujourd’hui le refus du ministre de la Justice de Donald Tusk de verser au principal parti d’opposition la subvention qui lui revient comme à chaque parti politique, en vertu de la loi polonaise (comme c’est aussi le cas en France). Ce refus de verser la subvention due au PiS, en dépit d’une décision de la Cour suprême polonaise et des demandes répétées du président de la Commission électorale nationale, fait qu’on ne peut pas parler, aujourd’hui, d’une campagne électorale menée dans des conditions démocratiques. Le parti de Donald Tusk perçoit, lui, sa subvention et dispose ainsi de fonds nettement plus conséquents pour soutenir son candidat, le maire de Varsovie Rafał Trzaskowski. Le candidat du PiS, le conservateur Karol Nawrocki, ne peut compter que sur la générosité de ses partisans.

Mais ce n’est pas tout, car même si le candidat pro-UE, pro-LGBT et pro-avortement Rafał Trzaskowski venait à perdre malgré tout, ce qui n’est pas du tout impossible vu l’impopularité grandissante du gouvernement de Tusk, la coalition au pouvoir affirme déjà haut et fort qu’elle ne reconnaît pas l’autorité de la chambre de la Cour suprême compétente pour valider les résultats des élections. Cette chambre avait été créée par les réformes du PiS en 2017 et ses juges ne seraient pas légitimes, selon Tusk et ses amis. Pourtant, quand les élections d’octobre 2023 avaient été validées par cette même chambre, permettant à Donald Tusk de revenir au pouvoir à la tête d’une coalition des libéraux et de la gauche, il n’était pas alors question de remettre en cause la légitimité de ces mêmes juges.

L'enjeu présidentiel du 18 mai

Qu’à cela ne tienne, Donald Tusk et ses complices savent qu’ils ne peuvent pas se permettre de perdre l’élection présidentielle de mai, car le président a, en Pologne, un droit de veto. Pour renverser ce veto, il faut un vote à la majorité des trois cinquièmes de la Diète (la chambre basse du Parlement polonais). C’est parce que la coalition gouvernementale ne dispose pas d’une telle majorité qu’elle a fait le choix de la « démocratie militante » et sa « justice transitionnelle ».

Début février, le président du Tribunal constitutionnel polonais, dont les jugements ne sont plus appliqués ni même publiés au Journal officiel par le gouvernement, a accusé Donald Tusk et ses ministres ainsi que les présidents de la Diète et du Sénat de réaliser un coup d’État de fait et il a demandé au parquet d’ouvrir une enquête. Une mesure sans effet pratique, puisque le parquet est désormais entièrement aux mains du gouvernement, tout comme la plupart des tribunaux (suite au remplacement du procureur national sans l’aval du président Andrzej Duda et au remplacement des présidents et vice-présidents des tribunaux en court-circuitant le Conseil de la magistrature).

Seulement voilà, Tusk et Bodnar ont promis à leurs partisans que la démocratie militante et la justice transitionnelles ne seraient que transitoires et que leurs méthodes contraires à la démocratie et à l’État de droit prendraient fin cette année. Pour cela, il leur faut la présidence de la République pour leur candidat, ce qui leur permettrait d’adopter les lois qu’ils veulent, y compris pour changer de fond en comble le Tribunal constitutionnel et la Cour suprême (l’équivalent de notre Cour de cassation). Si c’est un candidat de droite qui succède au président Andrzej Duda, du PiS, ce ne sera pas possible face au veto présidentiel et Tusk devra choisir entre imposer durablement ses méthodes non démocratiques ou s’exposer à une perte prochaine du pouvoir et risquer la prison.

Le scénario qui se dessine aujourd’hui, déjà évoqué par certains leaders de la coalition gaucho-libérale de Tusk, est le suivant : si Trzaskowski venait à perdre, le résultat validé par la Cour suprême ne serait pas reconnu par la coalition de Donald Tusk. À l’expiration du mandat du président conservateur Andrzej Duda l’été prochain, le président de la Diète assumerait par intérim la fonction présidentielle pour quelques mois. Pendant ces quelques mois, la coalition gouvernementale pourrait faire adopter par le Parlement toutes les lois nécessaires pour verrouiller le système et organiser une nouvelle élection présidentielle. Et c’est ainsi que la Pologne emboîterait le pas de la Roumanie, toujours avec l’appui de Bruxelles où les eurocrates ne rêvent que d’un super-État européen gouverné par la Commission européenne et la Cour de Justice de l’UE.

 

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Olivier Bault
Directeur de la communication de l'Institut Ordo Iuris

Vos commentaires

4 commentaires

  1. l’UE n’est pas une démocratie, on l’a vu nous français en 2005, et ce n’était que le début, la Roumanie a eu ses élections annulée, en Pologne Tusk magouille pour empêcher de vraies élections, la Hongrie attend toujours son milliard d’euros de l’après covid bloqué par la commission européenne, et pendant ce temps là les pitres de Bruxelles jouent aux cows boys avec notre avenir.

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