[POINT DE VUE] Menace russe : en Macronie, bataille entre réel et narratif

Sébastien Lecornu propose de recevoir les chefs de groupes parlementaires pour les informer sur la menace.
Lecornu

Deux informations, que l’on pourrait croire sans lien l’une avec l’autre, viennent de sortir dans la presse. D’abord, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a annoncé ce dimanche 9 mars qu’il proposait aux chefs de groupes parlementaires de le retrouver la semaine prochaine, pour recevoir une mise à jour sur l’état de la menace russe. Au cours de cette réunion sans téléphone portable, les élus pourront rencontrer les responsables militaires et les experts du renseignement, pour être mis au courant des derniers développements. Derrière ce souci objectivement louable, il y a un effet d’annonce, évidemment. La question est celle du narratif : si personne, en effet, ne conteste l’existence d’une épée de Damoclès russe au-dessus de l’Europe, rares étaient, jusque récemment, ceux qui pensaient que l’armée de Poutine risquait de porter atteinte à nos intérêts vitaux.

Une armée européenne, vraiment ?

C’est en cela que cette première information en rejoint une deuxième : un sondage YouGov pour le HuffPost, qui sort ce dimanche également, révèle que 79 % des Français répondent oui à la question « les tensions internationales touchant à la sécurité européenne vous inquiètent-elles ? ». Face à cette panique générale, la question suivante semble offrir un lâche réconfort : 55 % des mêmes sondés considèrent qu’une armée européenne est nécessaire pour protéger l’Union. Seulement, quand on réunit les partis politiques à huis clos, quand on fait des interventions télévisées pour jouer les cadors, quand on donne l’impression que l’Europe est en péril de mort, évidemment, on fait peur aux gens…et les gens, comme un troupeau de moutons sous les aboiements d’un patou, se marchent dessus pour entrer dans l’étroit couloir que délimitent les clôtures métalliques du Bien.

Une armée européenne, vraiment ? Et comment ? Aucun des pays membres n’a la même conception de la défense. Aucun n’a le même format d’armée. Aucun n’est capable de s’aligner sur un PIB à 3,5 % pour la Défense (sans même parler des 5 % que souhaitent les Américains). Personne ne sait qui commanderait cette armée, et quelles seraient les limites de son intervention. Et on n’a pas encore parlé de la dissuasion nucléaire française, qu’Emmanuel Macron envisage de partager avec l’UE. Il n’y a donc rien de concret dans cette affaire, pas davantage que dans le contenu de cette future réunion. Mais que voulez-vous, ça rassure. On se tiendra chaud sur la ligne de front.

Surjouer la menace existentielle

Oui, la Russie est un adversaire. Elle multiplie les attaques informationnelles, les tentatives de déstabilisation, et ce en métropole comme outre-mer, en France comme en Afrique. Nous n’avons pas été chassés de nos bases africaines parce que nous étions devenus de méchants colonialistes du jour au lendemain. Il y a fallu des milliards de roubles et des dizaines de falsifications russes. Ça n’en fait pas un pays assez puissant pour nous attaquer de façon imminente. En revanche, surjouer la menace existentielle a un double objectif, bien réel celui-là : d’abord, tâcher de sauver une pitoyable fin de quinquennat par un effet drapeau, du genre de celui qui a enfumé les gogos pour la présidentielle de 2022 ; ensuite, nous en avons parlé, préparer l’avenir de Macron, pour qui dix ans de destruction méthodique du pays n’auront été qu’une ligne sur un CV marqué par l’hubris. Et, si les éléments de langage sont hors sol, les conséquences de cette surenchère pourraient, elles, être tout à fait réelles.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

5 commentaires

  1. La Russie est un adversaire, parce que l’UE et les gouvernements l’ont provoqué à l’occasion d’un conflit qui ne nous concerne pas ! Les pays européens ont perdu sur tous les plans. Dés la fin du conflit il sera urgent de reparler avec les Russes

  2. Tout le monde rentre en français comme dans du beurre et on est pas capable de refouler les OQTF , alors amis russes pas la peine de prendre les armes pour vous y installer , venez tout simplement vous aurez la caf la cmu toutes les aides possibles , il y’a pas de problème, pas besoin de vous battre pour nous envahir, vous serez chez vous chez nous

  3. Un bel article..concernant : » le narratif » personne ne conteste la menace russe qui plane sur l’europe? Vraiment? Sur bfmtv ou lci sans doute..sur cnews toute la journée des gens disent le contraire venant me confirmer ce que je pense..la Russie n’est pas  » à genou » mais de là à avoir les moyens ou l’envie d’envahir toute l’europe…ily a un grand pas..quant à la cybermenace..elle ne se combat pas avec des chars ou des avions mais avec des ordinateurs et nous n’en manquons dans aucun pays  » europeen »..
    Étonné que bv appuie le message macroniste..

  4. Bravo pour votre analyse M. Florac! Tout ça c’ est du vent Macron est un marchand de trouille et l’ effet drapeau fonctionne à plein (entre +4 et +7 points dans les sondages!) Quant à la menace russe il est permis d’ en douter au vu des ses gains territoriaux en 3 ans (regardez de près la carte brandie par Macron, aucun des 4 oblasts n’ est occupé en totalité! Quelle foudroyante percée, quelle impressionnante blitzkrieg!) et s’ agissant de la France les euro-bellicistes ne sont capables de vous citer que la cyber attaque de l’ hopital d’ Amiens et les étoiles de David taguées par des moldaves, on a vu pire.

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