[POINT DE VUE] Péchés « contre les migrants » : soirée woke au Vatican

Capture d’écran © Vatican News
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Ce mardi 1er octobre en la basilique Saint-Pierre, à la veille de l’ouverture de la deuxième session du synode, le pape François a présidé une cérémonie pénitentielle qui a rapidement tourné à la grande repentance, avec flagellation verbale et wokiste de quelques cardinaux et création d’une nouvelle série de péchés à vous faire regretter les péchés capitaux.

Avec des accents qui rappelaient les autoaccusations des procès staliniens, plusieurs cardinaux ont lu des textes rédigés par le pape où revenait, à de nombreuses reprises, la formule « Je demande pardon en ayant honte ». Il ne s’agissait pas de reconnaître des péchés personnels dans le secret du confessionnal mais des péchés d’ordre systémique, à ce que l’on comprend, autrement dit : éventuellement commis par d’autres et à des époques différentes. « Les parents ont mangé des raisins verts, mais ce sont les enfants qui ont mal aux dents » est pourtant un proverbe aboli depuis le prophète Jérémie.

Crimes cléricaux, péchés de l’Église ?

Autre ambiguïté tout du long : ces « péchés » sont-ils proprement cléricaux ou engagent-ils aussi les laïcs ? Car, enfin, ces derniers ne désirent pas être mêlés aux abus sexuels sur mineurs impliquant des prêtres ni aux histoires d’exploitation de religieuses par des clercs - ce pour quoi ont demandé pardon deux cardinaux.

C’est aussi leur problème à eux, ecclésiastiques, si par aventure des pasteurs ont « endoctriné » l’Évangile et « entravé les diverses inculturations légitimes de la vérité de Jésus-Christ », comme s’en est accusé Mgr Víctor Manuel Fernández. Le Vatican aurait-il des remords de maltraiter les catholiques traditionalistes, qu’on sait inculturés dans un certain rite ? Non, évidemment. N’est considérée que la faute de l’homme blanc qui n’aurait pas respecté les spécificités des autres cultures.

La fable du migrant et de l’indigène

Il était réservé au cardinal canadien Michael Czerny de développer le catéchisme woke. Celui qui est préfet du « dicastère pour le Service du développement humain intégral » (ça en jette !) a demandé pardon pour l’exploitation de la Terre, pour la discrimination et l’exploitation des peuples indigènes « et pour les moments où nous avons été complices de systèmes qui ont favorisé l’esclavage et le colonialisme ». Rappelons aux cardinaux que l’homme blanc aussi est un indigène. Lui aussi est né dans un pays donné, si peu exotique soit-il. Lui aussi a donc droit, en théorie, à son enracinement culturel et religieux et, donc, à ne pas être colonisé par le reste de la Terre.

Arborant sa croix pectorale taillée dans un bateau de migrants - le drame des migrants, a-t-il déclaré dans le passé, est « une crucifixion contemporaine » -, Mgr Czerny a encore affirmé que « la valeur de la personne est toujours plus grande que la valeur de la frontière ». Et la valeur de Philippine, où la situe-t-il, Mgr Czerny ? Il en parle à l’aise, lui qui vit et travaille au Vatican, l’État le plus protégé du monde par sa proportion de force armée et le moins accueillant possible par sa législation.

Les grands péchés de l’homme blanc

La raison de cette séance de masochisme ? « Il était nécessaire d’appeler nos grands péchés par leur nom », a expliqué le pape. Il y avait les péchés capitaux, un peu dévalués depuis Vatican II ; voici « nos grands péchés ». Dans Le Figaro, le vaticaniste Jean-Marie Guénois en a identifié sept : péchés contre la paix, la création, les migrants, les indigènes, la pauvreté, les femmes, la doctrine… et même contre la synodalité !

En faisant lire ces textes aux cardinaux, le pape a-t-il voulu humilier le Sacré Collège ? Est-ce avec un soupçon de sadisme qu’il a fait dire à Mgr Cristóbal Lopez Romero que, souvent, les prélats cèdent « à la séduction du pouvoir et à la flatterie des premières places et des titres vaniteux » ? On n'ose l'imaginer. Mais le pape aura surtout humilié l’Église, la transformant encore davantage en un de ces « espaces ecclésiaux malades d’autoréférentialité » - une sous-catégorie d’un de ces grands péchés que la soirée était censée se faire pardonner.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

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