[POINT DE VUE] Pologne : l’État de droit en question

Capture d'écran YT Donald Tusk - kanał oficjalny
Capture d'écran YT Donald Tusk - kanał oficjalny

Ramener un député d’opposition dans le coffre d’une voiture depuis Budapest, c’est la proposition faite par Leszek Miller, jusqu’à l’année dernière eurodéputé de la coalition gouvernementale menée par l’Européen Donald Tusk, ancien Premier ministre de 2001 à 2004 (au moment de l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne) et également ancien dignitaire du Parti communiste à l’époque de la dictature imposée par Moscou. Il y a un an, alors que Donald Tusk venait de former son troisième gouvernement (après ceux de 2007 à 2015) à la tête d’une coalition allant du centre libéral à l’extrême gauche LGBT en passant par la gauche post-communiste, le même Leszek Miller le disait sans aucune gêne : les « jalons » officiellement imposés par Bruxelles pour débloquer les milliards du plan de relance post-Covid européen en faveur de la Pologne n’étaient qu’un leurre. Le seul jalon qui comptait, c’était le changement de gouvernement à Varsovie et c’était un secret de polichinelle dans les institutions européennes. Cette affirmation a d’ailleurs rapidement été confirmée dans la pratique par le déblocage des fonds européens alors que la situation en matière d’État de droit pose question.

Une situation en matière d'État de droit que la Hongrie juge mauvaise, au point qu'elle vient d’accorder l’asile politique au député du PiS Marcin Romanowski, secrétaire d’État au ministère de la Justice dans le gouvernement précédent, poursuivi pour « participation à un groupe criminel organisé » et pour « trucage d’appels d’offres ». Et si mauvaise, même, que les élections présidentielles de mai prochain pourraient ne pas avoir lieu ou ne pas être validées alors que le gouvernement de Tusk a suspendu depuis plusieurs mois la subvention publique au parti Droit et Justice (PiS), principal parti d’opposition. Une subvention qu’il se refuse toujours à verser, malgré les injonctions répétées de la Cour suprême polonaise, du président de la Commission électorale nationale et du Médiateur des citoyens.

Le président polonais, qui pour le moment est encore Andrzej Duda, du PiS, dispose d’un droit de veto sur les lois. Un veto qui ne peut être renversé qu’avec une majorité des trois cinquièmes de la Diète, la chambre basse du Parlement. Une majorité dont la coalition gaucho-libérale de Tusk ne dispose pas. Alors que la campagne électorale du candidat de Tusk, le maire de Varsovie Rafał Trzaskowski, semble mal engagée, avec la progression dans les sondages du candidat du PiS Karol Nawrocki, actuel président de l’Institut de la mémoire nationale (IPN), le scénario auquel semblent songer certains dirigeants du camp de Tusk serait d’empêcher qu’il y ait une élection valide, en mai. L’objectif recherché serait de faire en sorte qu’à l’expiration du mandat de Duda, ce soit le président de la Diète qui prenne en charge les fonctions présidentielles pour quelques mois, le temps de faire passer toutes les lois désirées avant d’organiser une nouvelle élection. À Bruxelles, on applaudit. Pourtant, le « rétablissement » de l’État de droit par Donald Tusk et ses complices consiste à ne plus reconnaître les jugements du Tribunal constitutionnel et de la Cour suprême (la Cour de cassation polonaise) et à contester la légitimité de tous les juges nommés ou promus au cours des huit années de gouvernements conservateurs et, ainsi, à refuser d’appliquer leurs jugements quand ceux-ci ne vont pas dans le sens voulu par les gouvernants.

Cela, après avoir pris le contrôle des médias publics puis du parquet par la force, en violation de la législation en vigueur, dès son retour au pouvoir. Cette méthode des faits accomplis est ce que Tusk lui-même a appelé, lors d’une conférence en septembre dernier, la « démocratie combative », un concept développé dans les années trente par un Juif allemand émigré aux États-Unis qui se demandait comment la démocratie pouvait se défendre contre la montée des totalitarismes et qui avait conclu qu’elle devait, pour cela, violer ses propres principes et ses propres lois. La méthode est aujourd’hui reprise par les démocraties libérales occidentales pour contrer la montée des « populismes » (voir, par exemple, les tentatives pour neutraliser Trump aux États- Unis, la détention de Tommy Robinson en Grande-Bretagne, la tentation d’empêcher Marine Le Pen de se porter candidate à la prochaine présidentielle en France, la procédure d’interdiction de l’AfD lancée par le Bundestag en Allemagne ou encore l’annulation du premier tour de l’élection présidentielle en Roumanie).

C’est pourquoi le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, après l’annonce le 19 décembre de l’asile politique accordé au Polonais Marcin Romanowski, a assuré que son pays donnerait de la même manière l’asile à toutes les personnes persécutées dans leur pays, laissant entendre que d’autres Polonais (et pas seulement) pourraient bientôt suivre.

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Olivier Bault
Directeur de la communication de l'Institut Ordo Iuris

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Il est clair, à la lecture de cet interessant article, qu’il y a une entente intrtnationale ( a la tête duquel on peut soupçonner le hon haro-américain Georges Soros) pour entraver les partis de droite d’arriver au pouvoir ! C’est vrai en France avec la mise en examen de MLP, comme en Allemagne avec les coalitions foireuses du SPD avec les Grün et le FDP et bientôt avec la CDU, et en Italie où Meloni est otage de l’UE , sans oublier la Slovaquie, la Roumanie et l’Autriche ! Seule l’élection de Trump laisse un certain espoir de lutter !

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