[POINT DE VUE] Procès du RN : « Ça me ferait trop mal… » Où ça ?
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Le RN et les élus du RN - dont la principale, Marine Le Pen – sont-ils coupables des faits qui leur sont reprochés ? Ce n’est pas à nous d’en juger et, au fond, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est cette fameuse « séparation des pouvoirs ». Réagissant à la réaction de Gérald Darmanin, s’élevant contre les réquisitions du parquet demandant des peines d’inéligibilité, ce prescripteur d’opinion qu’est Guillaume Meurice s’est empressé de poster, sur X, ce message : « Pendant ce temps, du côté de la séparation des pouvoirs… » Ah bon, où est le problème de séparation des pouvoirs dans la prise de position du député du Nord ? Que l’on sache, Gérald Darmanin n’est plus au pouvoir.
Pendant ce temps, du côté de la séparation des pouvoirs… https://t.co/JexRxyAx0m
— Guillaume Meurice (@GMeurice) November 14, 2024
A-t-on le droit de critiquer la Justice ?
On se souvient qu’en 2013, Henri Guaino, alors député, avait été traîné en Justice, suite à un signalement de l’Union syndicale des magistrats (USM), pour « outrage à magistrat » et « discrédit jeté sur une décision de justice ». L’ancien conseiller spécial de l’Élysée avait contesté la décision d’un juge bordelais de mettre en examen Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bettencourt. Ce juge, pour Guaino qui contestait « la manière dont il [avait] fait son travail », avait « déshonoré un homme, les institutions, la Justice ». En 2015, pour cette déclaration, Henri Guaino avait été condamné, en appel, pour outrage à 2.000 euros d’amende. L’avocate générale avait alors pointé des propos « extrêmement graves, extrêmement préjudiciables » ayant pour objectif de « salir le magistrat et la façon dont il avait exercé son métier ». De son côté, Henri Guaino avait défendu sa « liberté d’expression imprescriptible » en demandant s’il « y aurait une institution qui échapperait à la critique ». Bonne question. Son défenseur, qui n’était autre qu’Éric Dupond-Moretti, s’en était pris à une loi « poussiéreuse », « d’un autre siècle ». Cette condamnation fut annulée en 2016 par la Cour de cassation. Une décision que Mediapart avait saluée ainsi : « C’est une bonne nouvelle pour la liberté d’expression, mais aussi une porte ouverte à tous les excès de langage. » Faut-il comprendre que la liberté d’expression est réservée à certains ? Cette digression pour dire que Gérald Darmanin est sans doute encore libre de s’exprimer dans ce pays !
Indépendance de la Justice ?
Par ailleurs, il serait peut-être bon de rappeler qu’en France, selon la Constitution de 1958, il n’y a pas de « pouvoir judiciaire » mais une « autorité judiciaire » ; que dans cette Constitution, il est question d'« indépendance » et non de « séparation ». Nuances ! Nuances, peut-être, mais de taille. Et s’il doit y avoir indépendance entre les différents « pouvoirs » (exécutif, législatif, judiciaire), cette indépendance doit s’appliquer de façon réciproque.
D'une part, que la justice puisse être rendue selon les lois de la République en toute indépendance du pouvoir législatif et exécutif. Du reste, à ce sujet, si l’on voulait une totale et absolue indépendance, il faudrait peut-être imposer aux magistrats du siège et du parquet la règle qui s’applique aux parlementaires : c’est-à-dire l’impossibilité d’être nommés et promus dans les ordres nationaux durant l’exercice de leur charge. Il est vrai qu'une cravate de commandeur sur une toge, en fin de carrière, est du meilleur effet...
D'autre part, que l'autorité judiciaire ne puisse, par ses décisions, influer de façon excessive sur le cours de la vie politique du pays. Et l’on en vient, évidemment, à la peine complémentaire d’inéligibilité provisoire (qui s’appliquerait immédiatement à Marine Le Pen, en cas de condamnation en première instance, sans préjuger des décisions d’appel et de cassation). L’équilibre institutionnel entre pouvoir politique et autorité judiciaire dépend, bien évidemment, des lois en vigueur mais aussi de l’application que l’on en fait… en toute indépendance. Or, n’est-on pas en droit de se poser cette question de l’indépendance de la justice, lorsqu’une procureur, dans le procès des assistants parlementaires du RN, lâche, au sujet d’un des prévenus : « Je ne peux pas demander une relaxe [partielle]. Ça me ferait trop mal. Je m’en rapporte donc [à la décision du tribunal]… » Lapsus révélateur d’une Justice partiale, voire partisane ?
L'œuvre de la justice : la paix
Il faut relire ce que Jean Foyer (1921-2008), garde des Sceaux du général de Gaulle et l’un des pères de la Constitution, écrivait en 1981, dans un article intitulé « La justice : histoire d’un pouvoir refusé ». « Le pouvoir que le droit révolutionnaire avait refusé aux juges, ceux-ci ont commencé à le conquérir dans les temps contemporains, et le législateur de leur laisser prendre. » Depuis, le phénomène ne s'est-il pas aggravé ? Ce que certains appellent le « gouvernement des juges » et que d'autres drapent dans le vertueux manteau de l'État de droit. L'ancien ministre de De Gaulle ajoutait : « Il ne suffit point à la décision juridictionnelle de s’imposer, fût-ce par la contrainte. Elle ne remplit son œuvre, qui est la paix, qu’autant qu’elle est reçue, comprise, acceptée comme étant l’expression de la justice. » Plus loin encore : « L’arbitraire du juge serait la négation de la République et la Révolution serait à refaire. » À méditer, que l'on soit simple citoyen, politique, procureur... ou juge.
Au fond, l’enjeu de ce procès n’est pas tant, évidemment, que ça fasse mal, ou pas - on ne sait où, d'ailleurs -, à une quelconque procureur. L’enjeu n’est même pas celui de l’avenir politique de Marine Le Pen. L’enjeu, c’est, plus gravement, celui de l’équilibre de nos institutions et, au final, la pérennité de notre démocratie.
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60 commentaires
Chacun de nous peut constater que cette République part en vrille. Passer à la sixième est la seule chose que je partage avec Mélanchon. Encore faut-il savoir ce que les législateurs, pour peu qu’ils soient de gauche, mettraient dedans. Cette justice et l’ensemble de nos institutions et de nos administrations sont quangrenes. Ce sont les têtes composant l’hydre gauchiste qui ont investi avec la complicité de la droite depuis 40 ans nos institutions et qui les utilisent à des fins strictement idéologiques. Ce pourrait être le chantier le plus important d’un prochain gouvernement s’il veut pouvoir espérer sortir notre pays de ce marasme.
Il y a possibilité de manifester votre désapprobation. En écrivant aux 2 procureurs commissaire du peuple.
Prénom . Nom @justice .fr
L’ex ministre du budget Darmanin était-il libre d’aider Neymar/PSG à ne pas payer d’impôts ?
La Démocratie tournerait à la justice de caste…Où est la liberté ?
Ainsi, un procureur montre, dans une affaire d’Etat (on y met en cause l’éligibilité d’un potentiel, voire probable, chef de l’Etat), que ses opinions politiques influent sur son analyse de l’affaire ?
Son objectivité lui commanderait de demander la relaxe, mais elle ne le fait pas car cela lui « ferait trop mal » ? Quel aveu !
Les juges ont tué la monarchie, ils tueront la République (Miterrand, aveu prémonitoire ?)
Tueront ils la démocratie ?
le syndicat de la magistrature est une honte absolu pour cette institution ,il devrait etre dissout pour ingerence politique dans les jugements , tous les juges au service de leurs idéologies devront etre destitués de leurs postes la justice ne peut etre l instrument de derives sectaires , corrompus , favorisant leur petits amis et antidemocratique
La justice semble vraiment politisée contrairement aux allégations du garde des sceaux ou plutôt des sots. Son passage sur le plateau de Cnews ne nous a rien appris sinon qu’il est bien un politicouard . Sa prestation ridicule du je ne peux rien dire rappelle que lorsque on n’a rien à dire on ferait mieux de la fermer.
tout à fait d’accord
L’heure est grave et l’équilibre précaire !
[L’équilibre institutionnel entre pouvoir politique et autorité judiciaire dépend, bien évidemment, des lois en vigueur mais aussi de l’application que l’on en fait… en toute indépendance.]
[L’enjeu, c’est, plus gravement, celui de l’équilibre de nos institutions et, au final, la pérennité de notre démocratie.]
Ceux, d’où qu’ils viennent, qui,- contrairement à d’autres -, sont au fait de la culture française pourraient se remémorer, par exemple :
« Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice ». (Charles de Montesquieu)
« De mauvaises lois sont la pire sorte de tyrannie. » (Edmund Burke)
« La tyrannie est toujours mieux organisée que la liberté. » (Charles Péguy)
« La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude … » (Aldous Huxley)
Les magistrats professionnels constituent une caste qui se protège par corporatisme interposé. De plus, le biais idéologique, pour rester dans l’euphémisme de bon aloi, de la magistrature Française n’est plus à démontrer depuis le mur des cons, la participation du Syndicat de La Magistrature à la Fête de l’Huma et enfin ce réquisitoire surréaliste aujourd’hui sur le thème « ça me ferait mal »… Comment régler ce problème ? Jusqu’il y a peu je pensais que l’élection des juges pouvait être une bonne idée. Puis je suis tombé, il y a quelques jours sur un speech de 10 mn de la procureure démocrate de NYC qui commentait l’élection de Trump. On pouvait lire l’acharnement jusqu’à l’absurde à poursuivre Trump malgré son élection. On lisait sur le visage de cette femme la haine de tout ce qui ne partageait pas ses opinions. La réalité c’est que les magistrats sont humains. Mais le peuple est en droit d’exiger d’eux un comportement d’autant plus irréprochable que leurs décisions auront des conséquences énormes sur la vie des justiciables. Ne jamais oublier que la justice est censée être aveugle. Le réquisitoire de cette procureure eut-il été différent s’il s’était agi d’une autre personne que Marine Le Pen ?
Le « garde des sots » a été minable , ce matin sur cnews
« Il y a des cas de figure où il vaut mieux se taire au risque de passer pour un con, plutôt que de prendre la parole et ne laisser aucun doute. » Pierre Desproges
Non, c’est Taubira timoré et aseptisé.
La vraie justice semble en panne de vérité. Il y a eu le soutien au système Macron comme l’a montré la forme de coup d’État judiciaire du printemps 2017 pour disqualifier François Fillon et faire élire Emmanuel Macron. Ce choix fut ensuite complété par un soutien sans faille visant à protéger un système très corrompu, des aléas judiciaires qu’il devrait pourtant encourir. D’Alstom à McKinsey en passant par le Fonds Marianne et tant d’autres, les affaires oubliées, enlisées, disparues, les procédures interminables, les relaxes opportunes, les exemples de cette protection sont légion.
La répression judiciaire des mouvements sociaux, dont les luttes contre la réforme des retraites et surtout la répression la plus féroce et la plus triste contre le mouvement des gilets jaunes, ont donné le mauvais
exemple d’une justice à deux vitesses, de caste ainsi que d’une justice… politique.
Merci pour ces rappels et ces précisions. Oui, dans cette affaire, c’est bien la pérennité de nos institutions qui est en cause.
La justice ne vaut rien , dans ce pays. Un machin archaïque.
Inégalitaire.
Selon le lieu du tribunal pour une même affaire , la sentence sera complètement différente .
Il est temps d’introduire de l’IA a la magistrature.
Et avoir des juges élus et non pas nominés.
Pour les honnêtes citoyens, en France, faut éviter d’avoir affaire à la justice si face à une personnalité d’affaire ou d’importance l’on pas les moyens de se s’offrir une personnalité du barreau . Je l’ai vécu, et la chance d’avoir eu un ami….