[POINT DE VUE] Quand le pape François psychiatrise les tradis

Capture d'écran
Capture d'écran

L’autobiographie du pape François vient de sortir. Elle s’appelle Spera, ce qui veut dire « Espère », en italien – quelle belle langue que l’italien, qu’un Français peut parler en un quart d’heure avec un peu de voyelles et d’aplomb… Dans ce livre, le pape revient, entre beaucoup d’autres choses, sur sa position vis-à-vis de ce que l’on appelle les traditionalistes, ou « tradis », c’est-à-dire (tout simplement) ceux qui préfèrent avoir la même messe dans le monde entier (en latin et selon un rite multiséculaire) que de devoir être hyperpolyglotte et d’encaisser les caprices de tel curé ou de telle chorale. Lisons ce qu’il dit, car cela vaut son pesant de cacahuètes.

Pour François, c’est clair, la messe de saint Pie V relève d’une « fascination pour ce que l’on ne comprend pas, qui a un air un peu occulte » : on ne va pas perdre de temps à lui expédier un missel bilingue puisque, pour lui, le rite tridentin est une version à peine modifiée des incantations médiévales des Visiteurs (« Per Horus et per Ra »). Et puis, il n’y a pas que le latin, il y a les ornements, aussi : profusion de « toilettes recherchées et coûteuses, de dentelles, de rubans, de chasubles ». Cette fois, on se croirait dans La Cage aux folles : à croire que le pape passe ses soirées à regarder des films comiques français. Là non, plus il semble ne pas être venu à l’esprit du souverain pontife que les prêtres tradis ne s’habillaient pas en souliers à boucle, surplis en dentelle et chasuble surbrodée pour prendre le métro. Il ne doit pas connaître la vie du saint curé d’Ars, avec sa soutane pourrie et pleine de trous, ses repas de pommes de terre périmées, et qui dépensait tout l’argent qu’on lui donnait en ostensoirs, calices et chasubles, parce que rien n’est trop beau pour le Bon Dieu. Non, pour François, si on a bien compris, la « messe en latin », comme disent ceux qui n’y vont pas, c’est un mélange entre rituel ésotérique et carnaval de folles tordues.

Peu de discours du pape sur l’abbé Pierre

Comment s’étonner, avec une telle profondeur d’analyse, que le Saint Père considère cette messe, pourtant parfaitement valide, en des termes psychiatriques ? « Ces déguisements, dit-il, dissimulent parfois des déséquilibres, des déviations affectives, des problèmes comportementaux, un malaise personnel qui peut être instrumentalisé ». Outre que la psychiatrisation de l’adversaire est un classique des régimes dictatoriaux (si vous êtes contre le régime, c’est que vous êtes un malade mental), on n’a pas beaucoup entendu de discours du pape sur l’abbé Pierre (peu suspect de coquetterie dentellière), ni sur les « déviations affectives » de prêtres diocésains pourtant tout à fait conformes à Vatican II. Qu’importe : les prêtres qui portent ces « déguisements » - et peut-être, aussi, les fidèles, tant qu’on y est - sont des gens qui ont des problèmes dans leur tête. S’acharner sur l’une des nombreuses demeures de la maison du Père, avec une telle violence (verbale et factuelle), en revanche, est signe de bonne santé. Se prosterner devant la Pachamama amazonienne, critiquer les catholiques qui se reproduisent « comme des lapins » et habiller ses évêques, sur le parvis de Notre-Dame, aux couleurs de Google ou Windows (et ça, ce n’est pas un déguisement, bien sûr…), voilà le seul catholicisme licite et équilibré.

Soyons clairs au risque d’être abrupts : le progressisme ecclésiastique mourra bientôt, avec les retraités à cheveux bleus et tongs à scratch, centristes repus qui s’entêtent à chantonner de par le monde, dans des églises vides et froides, leurs petites rengaines des seventies. Leurs espoirs de fraternité laïque et désincarnée, eux, sont déjà morts à l’épreuve des faits. Les tradis, eux, vont bien, merci, et à force de se « reproduire comme des lapins », ils sont même de plus en plus nombreux. On juge l’arbre à ses fruits. Et ça, ce n’est pas François qui le dit, c’est Jésus.

Pour finir, on signale que « Spera » veut également dire « espère »… en latin (Spera in Deo, quoniam adhuc confitebor illi, dit-on dans l’introït de cette vilaine messe désaxée qui provoque, chez « pape François », des spasmes incontrôlables et des torrents d’insultes). C’est ce qu’on appelle l’ironie du sort, à moins que le Saint Père ne fasse interdire son propre livre…

Picture of Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

Un commentaire

  1. Le Pape est le bon Pasteur,
    qui abandonne ses brebis pour aller chercher la brebis perdue,
    c’est triste que le Pape l’ait oublié en tournant le dos aux tradis qu’on pourrait considérer comme la brebis perdue,
    Benoit 16 l’avait compris
    Dommage qu’on l’ait « démissionné »

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois