[POINT DE VUE] Qu’arrive-t-il à mon Amérique ?

L’Amérique est en train de tomber de son piédestal.
Èvelar2310
Èvelar2310

Je suis Français. Quand j’étais enfant, mon pays a été occupé par une armée ennemie. En septembre 1944, j’ai vécu la libération de ma ville natale, Besançon, par la 3ème division d’infanterie américaine. Dans cette opération, 80 jeunes Américains perdirent la vie. Je n’ai pas oublié. Je n’ai pas oublié, non plus, la joie indescriptible qui a accompagné l’arrivée de vos anciens.

À 23 ans, je sortais de l’école militaire de Saint-Cyr. Jeune lieutenant, j’ai commandé une unité alliée qui comptait des soldats américains.

Les Américains nous ont secourus trois fois, dans le siècle écoulé

Plus tard, j’ai servi pendant trois ans comme officier de liaison à Fort Monmouth (New Jersey), où se trouvait alors l’école des transmissions de l’armée américaine. J’y ai, avec mon épouse et mes deux enfants, noué des amitiés qui parfois, malgré le long temps écoulé, durent encore. Notre fille y a suivi les cours de la Middletown High School South (New Jersey). En 1976, au cimetière français de Boston, j’ai présidé une cérémonie d’hommage à des soldats français tombés sur le sol américain pendant la guerre d’indépendance. Plus tard, j’ai commandé les transmissions du 2e corps d’armée français stationné en Allemagne, et j’ai eu alors des relations avec des unités américaines lors des manœuvres interalliées. Enfin, après avoir quitté le service actif, je suis retourné aux États-Unis plusieurs fois, avec mon épouse, car nous avions adoré notre séjour américain quand nous avions été si chaleureusement accueillis.

Si je raconte tout cela, c’est pour convaincre le lecteur que je n’ai aucune acrimonie contre les États-Unis et le peuple américain ; bien au contraire. Je leur suis reconnaissant, aussi, de nous avoir secourus trois fois, dans le siècle écoulé. Je dis bien trois fois : Première et Seconde guerre mondiales, ce que personne ne conteste ; mais aussi pendant toute la guerre froide car, sans l’OTAN, donc surtout sans l’Amérique, l’Europe à elle seule aurait été bien incapable d’éviter que la guerre froide ne se transformât en guerre chaude qu’elle aurait perdue. Merci pour tout cela.

Mon américanophilie est donc ancienne, ancrée dans mon histoire personnelle et celle de mon pays.

Trump avait raison, mais...

C’est dire le choc, et le mot est faible, que j’ai ressenti, et une majorité de Français avec moi, lorsque nous avons entendu les récentes déclarations du président Trump, si agressives envers l’Ukraine, pays martyrisé par l’envahisseur russe, et si indulgentes envers Poutine.

Si le président Trump peut contribuer à apporter la paix, tant mieux. Tout le monde, en Europe, veut la paix ; les Ukrainiens, qui nous donnent des leçons de courage tous les jours, évidemment encore plus que d’autres. Mais pas la paix en abandonnant la victime à son sort, ce qui ne peut qu’encourager l’agresseur. Ensuite, à qui le tour ? Voir le chef de la plus grande démocratie du monde prendre le parti d’un autocrate conquérant est sidérant, incompréhensible, désespérant. Et dans le discours sinueux, changeant, parfois à la limite de l’insulte, de M. Trump, se distingue aussi la possibilité d’un lâchage de l’Europe.

Dès son premier mandat, M. Trump avait rappelé que les USA supportaient près de 70 % des dépenses de l’OTAN, ce qui était anormal compte tenu de la puissance économique de l’Europe. Il avait raison. Il est compréhensible, aussi, que l’Amérique regarde désormais davantage du côté du Pacifique que de l’Europe en raison de la puissance grandissante de la Chine, autre État totalitaire. Aussi, je m’attendais à ce qu’il avertisse les Européens qu’ils allaient, à l’avenir, devoir prendre en charge leur propre défense, que l’engagement américain serait décroissant selon un calendrier qui donnerait le temps aux Européens de se préparer à prendre le relais, pour l’aide à l’Ukraine et leur propre défense, ces deux objectifs étant liés. Je ne m’attendais pas à ce qu’il change de camp.

Désengagement américain

L’inquiétude, ici, naît de ce que la perspective d’un désengagement américain brutal n’est plus impensable, nous laissant vulnérables face à un pays dont les alliés (Iran, Corée du Nord, Chine) comptent parmi les pires dictatures de la planète.

Imaginez la sidération de mes compatriotes. L’Amérique, place forte des démocraties depuis toujours, va-t-elle livrer l’Ukraine à Poutine comme la Grande-Bretagne et la France ont livré la Tchécoslovaquie à Hitler, en 1938 ? L’Amérique, allié de la France depuis 250 ans, pilier de l’Alliance atlantique, va-t-elle laisser brutalement l’Europe sous la nouvelle menace impériale néo-soviétique ? Nous ne pouvons y croire.

Pourtant, ce qui se passe depuis environ un mois fait peser les plus grands doutes sur la fiabilité des engagements contractés par les États-Unis. Les interrogations doivent être les mêmes en Corée du Sud, à Taïwan, au Japon, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Philippines.

L’Amérique est en train de tomber de son piédestal.

Vos commentaires

136 commentaires

  1. Mon général, vous avez une approche très pessimiste en négligeant un facteur fondamental, Trump a un ADN d’entrepreneur, de commerçant. Dans cette société, la diplomatie passe par le consensus rapide, aux atermoiements très limités car le productif est majeur. Cette faculté appliquée à la nécessité de renforcer la puissance de son pays peut justifier toutes ses démarches. La première, ne plus prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages. D’où ce rappel à justes cotisations eu sein de l’OTAN. Ensuite, ce désengagement dans la protection de l’Europe. Là aussi, nous avons copieusement dormi sous le parapluie des USA. Trump juge que sa générosité a des limites. L’Europe doit se prendre en charge, comme une grande fille (Europe 450 millions d’habitants, USA 350). Toutefois, à notre connaissance, Trump ne nous a pas mis le couteau sous la gorge. A première vue, aucun programme de désengagement rapproché de ses forces militaires présentes en Europe. Son attitude à l’égard de l’Ukraine ? A jouer les tendres, comme le font les européens, des valseurs qui alimentent le conflit, croyez-vous atteindre un objectif de paix ? Il faut se saisir du taureau par les cornes et le renverser en douceur. Deux cornes, Zelensky et Poutine. Zelenski par la rudesse, il ne comprend que cela d’autant qu’il survit accroché aux mamelles des donateurs. Poutine par le commerce, besoin de se refaire une santé en terme de profits commerciaux dans un climat serein. Quant à l’Europe ? Macron, le va-t-en guerre, s’accroche à cette volonté, alimenter le conflit. Un maladif contre Poutine. Il lui est insupportable de ne pas fournir l’Ukraine en armes pendant la pause attendue. Ainsi il entretient l’esprit guerrier de Zelenski, provoque Poutine, et torpille les négociations en cours. Belle diplomatie. Ah oui, il est inacceptable que Poutine ait la possibilité de renforcer son armée pendant que Zelenski en serait privé . On veut la paix ou poursuivre la guerre ? Poutine est sur ses assises, les territoires conquis. Ce serait lui faire un procès d’intention de considérer qu’il souhaite poursuivre ses conquêtes. Il ne veut surtout pas affronter l’OTAN, pour le moment, il n’en a pas les moyens. Donc statut quo. Macron peut-il comprendre cela et éviter de souffler sur les braises ? Laissons cet embryon de paix s’installer et observons en vigilance. Laissons notre amour propre de coté. Des vies en dépendent.

    • Oui, et quand je lis du mon général, ça me pose question. Le personnage est retraité me dit-on, donc il n’est plus aux commandes et ce dernier mot me conforte dans les dires, il ne commande plus, et donc n’est plus général comme le gérant du Leclerc qui a quitté son poste pour aller soigner ses lapins et arroser ses plantes n’est plus gérant du Leclerc ( ou autre). Quand je suis questionné sur une matière pratiquée dans ma vie active, je dis que je dois me rappeler, çà a changé, il y a de nouvelles dispositions, pose la question à l’urbanisme, etc des propos en ce sens. Quand on me demande quel était ( était, mais oui ) ma profession, je ne dis pas « je suis… », »mais j’ai été….à la Ville de…. ».

  2. Tout à fait d’accord avec Schmitt.
    N’oublions pas non plus le projet de l Amgot.
    Ni le nom du débarquement Overlord qui veut bien dire ce qu’il veut dire.
    Quand à leur rôle en 1917, à part la grippe espagnole et le catastrophique traité de Versailles ( lire J.Bainville) sans oublier les quelques dizaines de milliers de soldats morts inutilement…
    Pour une vision globale de l’histoire américaine lire le remarquable ouvrage de S.Mircovic.

  3. En total désaccord, moi aussi ! Mon Général, beaucoup de choses semblent vous échapper. Sur les Etats Unis, sur l’évolution des US sous l’emprise du wokisme, sur la politique des Clinton, Bush fils, Obama et Biden, sur la Russie, sur l’Ukraine, sur l’UE. La catastrophe au Moyen Orient, c’est qui ? La chute du Shah, les printemps arabes, l’Irak, l’Afghanistan, c’est qui ? Et pour nous Français, je n’aurai pas la cruauté de remonter jusqu’à Anfa, à l’AMGOT, puis à l’Indochine, puis à l’Algérie (les ateliers de montage d’armes au Maroc « aidés » par la CIA). Vous n’aimez pas Trump comme tous ceux qui comprennent aujourd’hui l’erreur grossière qu’ils ont commise en s’alignant sur une politique de Biden qui niait (et pour quoi donc ?) toutes les réalités de ce conflit ukrainien, à commencer par le fait qu’il a été provoqué par des ingérences américaines (12 bases de la CIA en Ukraine, le « pilotage » de Maïdan, Mme Nulland, Hunter Biden, etc…) incitation à entrer dans l’OTAN qui ne pouvaient être qu’un chiffon rouge agité sous les yeux du taureau. Ingérences américaines qui venaient de loin puisque l’OTAN n’a cessé de pousser ses pions vers la Russie en dépit des assurances données par la diplomatie américaine à Gorbatchev au moment de la réunification allemande.

  4. « Aussi, je m’attendais à ce qu’il avertisse les Européens qu’ils allaient, à l’avenir, devoir prendre en charge leur propre défense, dites vous « . Mais, n’avait il pas annoncé clairement la couleur lors de son premier mandat, et qu’a fait l’Europe à cet égard ? Rien, strictement rien ! Et vous vous étonnez du caractère brutal de la récente déclaration ! Vous me faites penser aux dirigeants européens qui sont restés délibérément sourds, pire qui ont biaisé avec les accords de Minsk, relativement aux déclarations de Poutine devant l’élargissement à l’Est des forces de l’OTAN, et vous vous étonnez sans doute que l’ours ait fini par sortir de sa tanière ! Par ailleurs, vous occultez le rôle déterminant de l’URSS dans la fin de la seconde guerre mondiale.

  5. En 1962 quand les Russes ont implantés des missiles à Cuba , les USA ont réagit violemment , et avec raison .
    Après la chute de l’URSS les Américains et l’OTAN n’ont eu de cesse de déployer des missiles aux frontières de la Russie . En 2014 le président Ukrainien a été destitué parce qu’il refusait de signer un accord de rapprochement entre l’Europe et l’Ukraine , il y a eu ensuite les répressions dans le Dombas . Ces faits ont poussés Poutine à la faute .

  6. Contrairement à l’auteur de l’article, je me suis toujours méfié des gouvernements US et les récentes révélations sur la CIA (et tant d’autres révélations) me donnent raison. Trump redonne de bonnes couleurs à la politique US. Sans lui, ceux qui se cachaient derrière le sénile Biden nous auraient plongé dans la guerre.

  7. Ce qui arrive à votre Amérique, c’est qu’elle a complétement oublié d’intervenir quand les gentils Turcs ont envahi militairement une partie de Chypre. Pour ce qui est de l’UE, n’en parlons même pas. Prétendre défendre un pays extérieur à l’organisation quand on ne s’oppose en rien à l’occupation d’une partie du territoire d’un de ses membres, ça en dit long sur l’hypocrisie et les valeurs à géométrie variables qui dirigent l’Europe.

  8. Mon Général
    Ce que vous dites est vrai…mais incomplet.

    Quel besoin avait donc l’Europe, tel un petit roquet aboyant au bout de sa laisse américaine, d’aller répétitivement titiller l’ours russe qui ne menaçait personne, à coups d’extension d’OTAN, d’UE, et de violation permanentes des accords de Minsk?
    Votre américanophilie (que je comprends et respecte) a la mémoire un peu courte: l’affaire des missiles de Cuba ne vous rappelle t – elle rien? Imaginez un seul instant que ces « méchants russes » aient eu des velléités d’associer le Canada, le Mexique, le Groënland, ou Cuba …au pacte de Varsovie .

    L’évidente vérité finira comme toujours par sortir du puit: sur fond de crise énergétique, cette guerre meurtrière est la conséquence directe de l’incurie de l’administration Biden, et du suivisme bêlant d’une Union Européenne (Associée à Albion, qui n’est jamais en retard d’un mauvais coup), qui une fois de plus, aurait mieux fait de s’occuper de son postérieur plutôt que de vouloir se faire aussi grosse que le bœuf.

    Poutine est un autochrate, certes. Trump est une grosse brute, j’en conviens. Mais raisonnons par l’absurde : « Trump regnans » à la place de son sénile prédécesseur, JAMAIS cette guerre absurde n ‘aurait eu lieu.

    Alors maintenant, compte tenu de l’ampleur du risque existentiel mondial, toute paix est bonne à prendre : si nous n’avions pas mis le doigt dans cet engrenage infernal, nous n’en serions pas à devoir nous couper la main, voire le bras si l’on tarde trop.

    Mes respects, mon Général

  9. Pour mémoire, nos « amis » américains n’ont finalement débarqué en France « qu’en » 1917, pas « dès » 1914, une armée alors très peu préparée, qui n’a pas eu le temps d’être déployée de façon décisive avant l’armistice. Et quid de l’engagement US effectif dans la seconde guerre mondiale s’il n’y avait eu le drame « surprise » de Pearl Harbor par le Japon, allié d’Hitler… en décembre 1941 ?
    Le pacte Molotov-Ribbentrop avait été signé dès août 1939, signant le dépeçage de l’Europe entre deux dictateurs, sans aucune réaction US. L’Histoire semble aujourd’hui repasser les plats, avec ce renversement d’alliance soudain de « l’ami américain » affairiste dévoyé Trump, abandonnant sa mainmise de fait via l’OTAN sur cette vieille Europe « trop » social-démocrate, « trop amie »de l’ennemi intérieur « dépravé » que représente l' »Etat Profond » Démocrate washingtonien, qu’il s’était juré de détruire sans y parvenir sur TRUMP 1. Poutine, qu’il semble admirer comme un soleil pour avoir,lui, cette « qualité » de dictateur implacable qui supprime sans scrupules tout ceux qui lui barre la route vers son expansionnisme fantasmé. Le partage de l’Ukraine entre territoires pour l’un, terres rares et énergie nucléaire pour l’autre leur semble un bon début de deal.
    Plus de doutes à avoir, non, sur « la fiabilité des engagements contractés par les États-Unis », faux protectorat Otanien qui ne faisait, déjà, QUE les affaires de l’industrie américaine par un miroir aux alouettes où l’Europe s’est englué les pattes.
    L’avenir proche est sombre pour cette Europe coupablement naïve et toujours incapable d’accorder ses violons.
    Reste à la dictature chinoise à finir de soumettre Taïwan et tout son bassin méridional, à l’Iran de fabriquer ses bombes, à Kim Jong Un de s’enhardir au Sud… sous « couverture » chinoise, russe… ou américaine ? « Drill, Drill, Drill ! Fight, Fight, Fight ! » répète le miraculé de l’Oreille, tout à sa chance de s’y voir l’Élu de Dieu ! Ite missa est…

  10. Vues courtes, mon général, et je m’en étonne vu les fonctions que vous avez occupées. Vous faites démarrer la guerre actuelle à l’invasion du Dombas par les Russes. Vous arrive-t-il de vous demander POURQUOI ? Comment on en est arrivé là ? Vous avez le raisonnement simpliste du Français moyen : parce que Poutine est méchant et que les Russes sont expensionnistes. Vous oubliez, et les documents le prouvent, que lors de la dernières guerre, les Americains avaient pour objectif d’occuper la France. Ils avaient débarqué avec, entre autre, des cantines de billets en Francs imprimés chez eux et qui devaient leur permettre de prendre en main l’économie du pays. Après 1945, bien que la guerre ait été gagnée, le pays libéré et l’Allemagne à genou, ils ont implanté 14 bases d’occupation dans le pays. Quand De Gaulle les a priés de rentrer chez eux en 1967, après qu’ils nous aient fait rembourser le plan Marshall jusqu’au dernier centimes, l’URSS a-t-elle eu des velléités de nous envahir ? Depuis la chute du mur, les Américains n’ont eu de cesse de mettre un coin entre l’Europe occidentale et la Russie, jusque et y compris à fomenter en Ukraine des révolutions pour y mettre en place des présidents à leur botte qui leur permettraient, une fois dans l’OTAN, d’installer des bases de missiles aux frontières Russes. Tous le monde sait que les accords de Minsk n’ont jamais ete signés pour être respectés. Depuis 2014, Poutine annonçait que les lignes rouges étaient dépassées. Zelensky bombardait le Dombas et au lieu de le calmer les Américains le poussaient en douce : « vas-y, on est là »… Bien sur que Poutine n’est pas un ange et qu’il peut être dangereux. Raison de plus pour ne pas attaquer sa tanière. Quant à la morale qui devrait nous interdire de commercer avec un dictateur, on fait bien des affaires avec les Chinois, l’Arabie Saoudite ou le Qatar, qui ne me semblent pas être des prototypes de pays démocratiques… En fin de compte, les Russes n’ont-ils pas simplement réagit comme les Americains que vous aimez tant en 1962 ?

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Cette augmentation des cambriolages devrait inquiéter ceux qui se croient à l’abri
Marc Baudriller sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois