[Point de vue] Sarkozy adoube Darmanin pour 2027 : mais quelle surprise !

Une partie de la droite traditionnelle, en dépit de l'évidence, regrette toujours Nicolas Sarkozy. Celui qui fut Président de 2007 à 2012 était, à l'époque, accusé de rabaisser la fonction avec son célèbre côté bling-bling, ses déclarations vulgaires (« Casse-toi pauvre con », « Avec Carla, c'est du sérieux »), ainsi que de trahir une campagne très à droite (orchestrée par Patrick Buisson) avec des ouvertures à gauche qui ne convainquirent personne. Cruellement, Zemmour a résumé cette schizophrénie et cette démagogie par une formule : « Il avait promis le Kärcher™, on a eu Kouchner. » Et pourtant, malgré ses coups de gueule, ses façons de nouveau riche, sa fascination pour les États-Unis (qui ne se limita pas au port de tee-shirts de la police new-yorkaise, puisqu'il fit retourner la France dans le commandement intégré de l'OTAN, que de Gaulle avait quitté en 1966) et son manque évident de « jupitérisme », le voici devenu, par la grâce de l'oubli, une sorte de statue du commandeur, une figure de grand homme d'État, à la fois solennel et cultivé.

Nicolas Sarkozy est écouté, consulté, respecté ; il est même utilisé par Macron pour les grandes occasions, puisque c'est lui qui alla, au nom de la France, assister au couronnement de l'empereur Naruhito, au Japon. Macron n'avait pas le temps... et puis, on n'allait pas envoyer François Hollande au pays de la courtoisie la plus codifiée du monde. C'est à ça qu'on reconnaît les périodes de décadence, d'ailleurs, chaque chef étant plus misérable et plus indigne que le précédent. Cette clé de lecture qui a marché pour la fin de l'Empire romain marche pour notre vieille Ve République en soins palliatifs. Bref, malgré ses mises en examen et ses condamnations, malgré la Libye et tout le reste, l'oracle sous bracelet électronique condescend à livrer ses prophéties ou ses conseils culturels de temps à autre, sous forme de livres, et c'est à chaque fois un carton.

Le Sarko low cost

Justement, Nicolas Sarkozy sort, le 22 août, le deuxième tome de ses Mémoires, Le Temps des combats, qui succède au Temps des tempêtes. De larges extraits en sont repris par la presse. Parmi ceux-ci, les commentateurs ne retiennent (à juste titre) que cet adoubement pas tellement surprenant : au sujet de Gérald Darmanin, qui fut l'un des espoirs des Républicains avant de tourner casaque en 2017, l'ancien Président ne cache pas son soutien. « Saura-t-il franchir une autre étape, voire l’étape ultime, celle qui mène à la présidence de la République ? Je le lui souhaite, car il a des qualités évidentes », affirme Sarko, qui ajoute que le succès d'un « ami » lui « ferait plaisir ». Dans un entretien au Figaro, toujours le 16 août, cinglant au passage le RN, avec une certaine intelligence (c'est-à-dire en évitant les poncifs sur la haine et en se concentrant sur le volet économique et le supposé manque de profondeur et d'expérience de l'entourage de Marine Le Pen), le nouveau soutien de l'ambitieux Darmanin affirme, toute honte bue, que son discours de Grenoble (2010) avait vu clair sur le lien entre immigration et délinquance, et ce, avant tout le monde. Il ne s'est pourtant rien passé de significatif en termes de réémigration ou de durcissement de la réponse pénale sous son mandat, bien au contraire.

Finalement, malgré l'impudence de Nicolas Sarkozy, qui persiste à donner des leçons alors qu'il a achevé la droite en seulement cinq ans, cet adoubement n'est pas tellement surprenant. Gérald Darmanin suit les traces de son mentor : jeune, ambitieux, ministre de l'Intérieur pour s'approprier les réseaux de la République, jouant la carte de la droite forte sans en penser un mot, jouant les « enfants d'immigré » pour pouvoir ratisser au plus large, opposant les élites au peuple avec une « boussole populaire » (énième avatar de la « fracture sociale » de Chirac en 1995, toujours imitée depuis par une droite à la remorque des idées de gauche, incapable d'un proudhonisme bien tempéré - celui de l'Action française de jadis)... Darmanin fait du Sarko low cost. Il imite, il copie. Le maître témoigne ainsi sa bienveillance à l'élève.

Il y a toutefois une différence de taille - et pas des plus rassurantes - entre Sarkozy et Darmanin. L'un était un pur produit du gaullisme et n'avait trahi qu'à l'intérieur de sa propre famille politique. C'était, si l'on veut, déjà une sorte de sous-Chirac (signant l'appel de Cochin sous l'influence de Garaud et Juillet avant de faire de la politique rad-soc sans envergure une fois aux affaires). L'autre n'a suivi que sa propre étoile, incarnant à merveille ce nouveau monde politique, celui d'individualistes pas assez malins (ou trop attachés aux vanités républicaines) pour faire carrière dans le privé, sans loyauté ni honneur - ni programme, d'ailleurs. La boussole politique dont parle Darmanin est aimantée depuis le début... par son propre ego, qui fausse tout.

C'est bien cela qui rend l'ascension de Darmanin difficilement résistible : il a la haute main sur les réseaux LR, mais aussi sur ceux de Renaissance, de la police, de la sécurité, d'une partie du renseignement ainsi que, peut-être, des accointances (datant de ses débuts à Tourcoing) avec certains milieux issus des cités. Il vient d'une région très populaire, historiquement favorable au RN, et dont il pourra faire facilement semblant de comprendre les difficultés. Il y aurait alors un premier tour duquel Marine Le Pen sortirait en tête. Darmanin emboucherait le clairon de la lutte contre la haine, requiem pour Oradour, etc., mais, « en même temps », tiendrait brillamment tête au RN sur les sujets de la sécurité, de l'enracinement et du pouvoir d'achat... tout en flattant l'électorat musulman en rappelant ses racines. Sarkozy a le nez creux : Gérald Darmanin est fort et les électeurs ne sont pas toujours lucides. On verra bien.

 

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

80 commentaires

  1. Darmanin, « le meilleur élève », selon Sarko soi-même !
    On a vraiment les adoubements que l’on mérite !
    Adoubé par un bracelet électronique, on a fait nettement mieux !

  2. Comment peut-on faire confiance à un homme qui a trahi, son camp, plongé l’Europe dans une crise majeure en écoutant BHL contre l’avis des diplomates, choisis M. Kouchner comme ministre, perdu en 2012 contre un mediocre, perdu les primaires de son parti, …
    Il ne représente plus qu’une petite minorité pour qui la France n’est qu’un mot.

  3. M. SARKOZY esperait que le Président de la République pourait lui oter les épines judiciaires qu’il a dans les pieds, mais en bon financier cedernier s’est contenté de presser le citron avant d’oublier la reconnaissance du ventre. L’ancien président cherche un autre chirurgien qui saura et voudra le soulager.

  4. « Je le lui souhaite, car il a des qualités évidentes » ce qui veut dire que pour devenir président il faut être un menteur incompétent. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un traitre soutienne un menteur, surtout si il s’agit de son clone.

  5. 1) « ..cinglant au passage le RN, avec une certaine intelligence (c’est-à-dire en évitant les poncifs sur la haine et en se concentrant sur le volet économique et le supposé manque de profondeur et d’expérience de l’entourage de Marine Le Pen) : c’est parfaitement risible lorsque l’on constate qu’au plan économique l’UMPS dont font partie MM. Sarkosy, Hollande et Macron, n’a jamais fait preuve d’intelligence, de compétence et de « profondeur ». C’est pour cela et de leur faute que la France et les français sont aujourd’hui dans le caniveau où ne se déversent que des résidus ;
    2) « Gérald Darmanin [suivant] les traces de son mentor … [joue] les « enfants d’immigré » pour pouvoir ratisser au plus large » : il lui faudra faire beaucoup plus que cela pour ratisser au-delà de 24% de l’électorat français qui dit approuver l’immigration incontrôlée et déferlante que connaît la France. Cela prouve, par ailleurs, que toutes les lois prises ou à prendre par cette « majorité » UMPS pour contrôler cette immigration n’est que de la poudre perlimpinpin.
    3) « L’un était un pur produit du gaullisme et n’avait trahi qu’à l’intérieur de sa propre famille politique » : M. Sarkosy « pur produit du gaullisme » ? Première et surprenante nouvelle. De plus, il a trahi bien au-delà de « sa propre famille politique », il a trahi la France et les français avec son maudit Traité de Lisbonne.

  6. Et toujours çà continue, on reprendra les même pour toujours des politiciens beaux parleurs mais incapable de gouverner le pays qui depuis minimum 40 ans s’enfonce c’est dire que nous étions parti de très haut pour encore vivre le présent. Pourtant en ces temps là des gens réalistes nous prévenaient le présent mais nos politiciens opportunistes les faisaient taire.

  7. Sarko, pur produit du gaullisme !!!! Faudrait quand même pas prendre les enfant du Bon Dieu pour des canards sauvages.

    • Non. Rappelez vous en 1969, Pompidou renie le gaullisme en intégrant des ministres du centre européistes et otanesques ( Comme de vulgaires Mitterrand) et organise un référendum pour l’intégration de la GB dans l’Ue. Pour assurer la gamelle électorale, le RPR s’allie avec le Centre sous toutes ses étiquettes pour former UMP puis Lr. Il ne fut jamais de droite.

      • On aurait quand même bien aimé que tous les successeurs du Général fussent aussi gaullistes que Pompidou. Même s’il est vrai qu’on sentait chez Pompidou, cette « pointe de modernisme » qui allait exploser avec Giscard et les autres. De là en faire un promoteur des idées de Mai 68 …. Bien que passé par la Banque Rotschild Pompidou, Pompidou « aux affaires ne faisait pas d’affaires ». Globalement il aura contenu les avancées soixantehuitardes plus qu’il en aura été l’accélérateur. Et on aimerait bien aussi qu’un référendum nous soit accordé pour que le Peuple Français puisse « ratifier » les orientations de la politique UE/VDL de Macron !

  8. Il faudrait plutôt s’attarder sur les propos de Sarkozy sur l’Ukraine. On pourra penser tout ce qu’on voudra de Sarko, mais on ne lui enlèvera pas 2 choses.1/Il est bien informé et connait beaucoup de monde 2/Il est « ficelle » (comme disait Pasqua) et il doit sentir assez bien le sens du vent pour se positionner sur le bon bord (comme on dit en régate).
    Alors, amis de BV, lisez les récentes interviews de Sarko. Notez au passage qu’il s’éloigne de Mac’Ron. Le vent tourne. Un vent mauvais est en train de s’abattre sur la macronie, mais aussi peut être … ailleurs. Les surprises ne manqueront pas à la rentrée et à l’automne.

  9. Sarkozy n’a fait que détruire ce pays , il n’a pas de quoi pavaner . De plus il conseille Macron et nous constatons que ces conseils ne sont pas des meilleurs . Il vit sans scrupule aux frais du contribuable , qu’il se fasse oublié pour notre plus grand bien .

  10. Sarkozy venait d’une immigration européenne (Hongrois) , à ma connaissance les Hongrois n’ont pas immigré massivement en France , et la Hongrie n’est pas une ancienne colonie française remplie de haine et de ressentiment envers la France , et ils sont de culture européenne , judéo chrétienne , Darmanin c’est une autre histoire …

  11. Vous avez parfaitement raison et la perspective de voir ce triste sire franchir les étapes est terrifiante. Vous avez tout résumé par cette phrase : « C’est à ça qu’on reconnaît les périodes de décadence, d’ailleurs, chaque chef étant plus misérable et plus indigne que le précédent ». Il faut freiner ce sinistre individu avant qu’il ne soit trop tard. On pourrait dire que c’est une question de survie mais, à voir ce qu’il se passe, je crains qu’il ne soit trop tard : la France est morte.

  12. Sarkozy ne peut pas revenir en politique donc il veut terminer de détruire son ancien parti , il sait très bien que Darmanin n’a aucune chance d’être élu .

  13. Darmanin a déjà pris de l’avance sur l’Histoire, il est déjà plus indigne que macron ! Rappelez-(vous son déplacement à alger en décembre 2022 ! Donc pas besoin qu’il se présente en 2027

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