[POINT DE VUE] Terrible constat : notre aviation de chasse tiendrait 3 jours

rafale

« Le modèle français atteint ses limites pour peser efficacement en coalition dans un conflit de haute intensité. » Ce n’est pas un quelconque troll russe ou une vieille baderne nostalgique qui dit cela : ce sont deux officiers de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), deux pilotes de chasse dont l’un est toujours en activité. Ils viennent de rédiger un rapport dense et très complet sur l’avenir de la supériorité aérienne, pour le compte du très sérieux Institut français des relations internationales (IFRI). On voit bien, d’ailleurs, que ces deux chercheurs militaires sont des patriotes, en lisant toutes les précautions oratoires dont ils entourent cette terrible révélation. « Atteindre ses limites », c’est une manière de dire « à bout de souffle, mais trottine quand même ». « Peser efficacement » : il n’est même pas question de vaincre ou d’emporter la décision, ce que renforce le terme « en coalition », qui rappelle que la France, en haute intensité, ne se battra pas seule. Une France qui, rappelons-le, en haute intensité, serait capable de tenir, avec ses forces terrestres au mieux un front de 80 kilomètres. Pour les forces aériennes, c'est donc à l'avenant.

Notre chasse en combat air-air tiendrait trois jours

Avec un peu plus de clarté, les deux pilotes appuient là où ça fait mal : abandon de capacités critiques, promesses jamais mises en œuvre, relégation progressives, « capacités Potemkine » totalement insuffisantes en masse… Résultat sans appel, issu des retours d’expérience des pilotes de Rafale lors d’exercices interalliés : « La mission de combat contre des chasseurs furtifs est impossible à gagner en l’état actuel des capteurs. » Bref, comme le disent certains membres de l’OTAN (ce sont toujours les deux auteurs qui le rapportent), l’armée de l’air française joue désormais en deuxième division. Concernant les stocks de munitions, le rapport les qualifie d' « insuffisants ». Une situation déjà connue, nos deux officiers rappelant ce rapport sénatorial de 2023 qui pointait du doigt le fait que « l’ambition affichée par le ministère des Armées en matière de munitions demeure très insuffisante au regard des exigences des combats de haute intensité ». Ainsi, nos deux chercheurs de l'IFRI expliquent : « Les consommations de missiles air-air observées lors d’exercices de grande ampleur ou de simulations représentent, rapporté aux stocks effectifs en 2024, en sanctuarisant la PPS-Air et la CNA*, trois jours de combat de haute intensité, voire une journée pour le cas particulier du Meteor328. Cette problématique risque de s’aggraver avec le temps au vu des contraintes de vieillissement sur la durée de vie des missiles. » Trois jours !

N’apprendrons-nous donc jamais rien de nos défaites ?

Avons-nous vraiment eu naguère la bêtise d’élire, puis de réélire, une classe politique, de gauche comme de droite, qui voulait toucher « les dividendes de la paix » ? Aujourd’hui, la Pologne est en train de devenir la meilleure armée d’Europe (mais l’idée de puissance militaire est incompatible avec celle d’Europe, tant les intérêts de ses membres divergent). La Grande-Bretagne est le 51e État des États-Unis, à moins que cela ne soit l'Allemagne... L’Occident est vieux, s’appauvrit et continue de croire que ses « valeurs » sont l’alpha et l’oméga du bonheur des hommes. Et la France est le parangon de cette vanité et de cet aveuglement.

Nous avons un Président, jadis jupitérien, aujourd’hui sous-préfectoral, qui inaugure les chrysanthèmes, des gouvernements hautement périssables (« à consommer de préférence dans les huit jours après ouverture », comme on dit sur les étiquettes) et personne pour protéger ceux qui nous protègent. « Quis custodiat ipsos custodes ? » demandait Juvénal, il y a bien longtemps. Qui protégera ceux-là mêmes qui nous protègent ? Pas grand-monde, on dirait, et ce, depuis au moins Sarkozy. Il semble que Sébastien Lecornu soit le seul. Certains lui trouvent des accents gaulliens et une attention bienvenue à l’autonomie de la puissance française. C’est bien. Est-ce suffisant, après vingt ans d’incurie ?

* NDLR : PPS-Air : Posture permanente de sûreté – Air ; CNA : Composante nucléaire aéroportée

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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