[POINT DE VUE] Une ferme robotisée pour en finir avec les agriculteurs

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C‘est une grande avancée technologique qui déchaîne l’enthousiasme du maire de Lagny-le-Sec, dans l’Oise. « Il faut vivre avec son temps ! », dit Didier Doucet (LR), fier de présenter au Parisien la première ferme entièrement robotisée qui tourne sur sa commune.

Qu’on se le dise, le temps est à l’IA et à la robotisation, alors il faut délaisser les tracteurs pour prendre le train en marche. Le maire a donc offert un terrain communal de près de deux hectares pour y créer « la ferme de la Folle-Emprise ». On n’est pas passé loin de la folle entreprise…

Depuis six mois, une serre de 5.000 m2 préfigure à l’en croire le monde agricole de demain. Quasiment autonome, truffée de robotique, la ferme ne requiert, pour la faire tourner, « que deux maraîchers à l’année et deux ou trois saisonniers en période de récolte ». Et pas des petites récoltes minables, non. L’objectif est de produire « 60 tonnes par an de carottes, concombres, tomates, aubergines, radis, salades, navets », le tout en bio et en vente directe.

« C’est l’humain qui décide » : Pour combien de temps, encore ?

Un portique automatique, piloté par une simple tablette, se charge du boulot : « Il effectue presque toutes les tâches ingrates que l’homme devait faire avant », alors le robot « fait tout, sauf la récolte, encore effectuée à la main. Il prépare le sol et l’aère, l’aplatit, plante les semis, désherbe, broie les déchets verts sur place », confie Robin Lalieux, le seul humain. C’est lui, le chef d’exploitation qui pianote sur la tablette et justifie ainsi la robotisation : « Dans ces métiers, on a du mal à trouver de la main-d’œuvre à cause, justement, de la pénibilité au travail. »

Mais qu’on se rassure, hein, « c’est l'humain qui décide », dit-il, et puis, il peut arrêter la machine « grâce à un bouton rouge [qu’il a ] à la ceinture ou un fil de vie qui court le long des rails ».

Pour réaliser cette ferme du futur, le maire a fait appel à la start-up Neofarm, concepteur du robot déjà expérimenté « sur une ferme maraîchère de Saint-Nom-la-Bretèche (Yvelines) », nous apprenait déjà Le Parisien, en 2021. L’entreprise se présente comme entrepreneur de « fermes agroécologiques et technologiques pour produire des légumes durablement ». Pour y parvenir, dit Neofarm, sur son site, « nous avons développé une solution technique complète adaptée aux pratiques durables de l’agroécologie. Celle-ci est composée d’une application de gestion maraîchère et d’outils automatisés. »

C’est quoi, l’agriculteur du futur ?

Les fondateurs de Neofarm sont deux Français, Alexia Rey et Olivier Le Blainvaux, respectivement issus de Sciences Po Paris et Polytechnique. Ingénieux ingénieur, ce dernier « croit en une technologie au service d’une société meilleure ». Il « veut être à la hauteur des enjeux de notre siècle » pour ses enfants et « serait très fier qu’ils choisissent de devenir agriculteurs ». Mais c’est quoi, au juste, l’agriculteur du futur ? Nono le petit robot qui pianote sur sa tablette ? R2-D2 dans les rangs de salade ?

Le monde rêvé des bobos de la tech n’est rien d’autre que le cauchemar de nos agriculteurs d’aujourd’hui. Ceux qui crèvent sous les normes et les directives absurdes, ceux qui ne peuvent plus vivre que de subventions et se suicident par désespoir. La ferme robotisée, elle, pourrait rapporter gros.

À en croire les confidences du maire au Parisien, les heureux bénéficiaires de l’opération sont d’abord la commune et les banques : « On a monté un capital de départ de 350.000 euros, dit Didier Doucet. Au total, cela nous a coûté 1,1 million d’euros, avec des subventions de la région, de la Banque des territoires ou encore du Crédit agricole. On espère récupérer notre mise de départ en dividendes d’ici quinze ans. »

Restera-t-il encore des agriculteurs pour retourner la terre, dans quinze ans ? On voudrait les éliminer du paysage qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

 

Picture of Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. « Cela nous a coûté 1.1 million d’euros » qui devraient être remboursés en quinze ans, soit près de 75 000 euros par an tout cela pour 2 hectares de terre dont le quart en serre. Ne pourrait on pas aider les agriculteurs que de confier notre alimentation à des robots? Qui se souvient du film « L’aile où la cuisse » où la malbouffe est dénoncée? Si l’outil a été inventé par l’homme pour décupler ses forces, l’humain se doit de rester la préoccupation première. N’oublions pas les avertissements de nos anciens qui avaient bien compris que l’hubris conduisait à notre perte.

  2. Triste réalité. Mais il est une autre triste réalité, c’est qu’en effet, trouver de la main d’œuvre pour les travaux agricoles, notamment les récoltes, devient de plus en plus difficile… et cher.
    Je suis vigneron en Suisse. Pendant de nombreuses années, je me suis fait un point d’honneur d’exécuter presque tous les travaux à la main: pour m’assurer d’un travail bien fait et pour entretenir un lien social évident avec une équipe plutôt reconnaissante de pouvoir soigner les différents travaux – ce qui est devenu rare aujourd’hui. Cela m’a coûté beaucoup d’argent, avec de plus en plus de difficulté à trouver le personnel qui convient.
    Alors c’est évident qu’il y a une vague de fond qui est en train de tout renverser sur son passage et d’installer partout une mécanisation ultra numérisée. Mais que doit faire le monde paysan, chaque année davantage pris à la gorge par des coûts exorbitants et un catalogue toujours plus étoffé de mesures chicanières ? Je sais, c’est bien triste à dire, mais n’est-ce pas préférable des carottes cultivées par un robot que pas de carottes du tout !?

  3. La plupart des fonds de pensions ne retiennent que les projets dont le retour sur investissement est inférieur à 10 ans voir 7, alors soyons sérieux ne parlons pas de projet hautement capitalistique et rentable avec un retour à 15 ans. Black Rock ne s’y est pas trompé en obligeant les Ukrainien à leur vendre les terres à blé, ce n’est pas demain qu’ils investiront dans nos serres. Depuis longtemps les Hollandais ont inondé le marché des fleurs avec leur serres robotisées réveillons nous.

  4. A partir du moment où les jeunes français préfèrent toucher le RSA sans rien faire que faire ces métiers pénibles et fatigants, l’avenir est à la robotisation. Celà évitera aux immigrationnistes de plaider le besoin de nouveaux bras.

  5. Non ! Ceci n’a rien de nouveau, et je l’affirme pour avoir été dans la profession. Il y a pluss de 25 déjà existaient en Hollande des production sous serres 100% automatisées permettant de produire 100 millions de boutures de lisianthus (eustoma) par an. Les robots préparaient les commande la nuit dans le noir complet (les machines n’ont pas besoin de lumière. Non, cela n’est pas nouveau.

  6. Il y aura bien des petits malins pour pirater ces systèmes. Et la gauche ne s’élève pas contre cet effacement des agriculteurs ? Ah, ils votent à droite peut-être

  7. Eh oui, c’est bien cela, l’objectif : tout financiariser, l’agriculture comme le reste. Plus de ferme familiale où des passionnés veillaient à la qualité des produits.
    Aujourd’hui, la finalité de toute action doit être le fric, l’€ ou plutôt le $. Qu’importe ce que l’on fabrique et par qui, qu’importe les conséquences écologiques et sociales de la mondialisation, il faut que les bilans des multinationales affichent des gains colossaux.

    • Les avancées technologiques avancent que vous le vouliez où pas. Alors au lieu de gémir à peine perdue comme le faisaient nos aïeux devant l’imprimerie, il faut lutter pour que le progrès soit réellement mis au service du bien être des HOMMES.

  8. Ben, vous vous réveillez tout d’un coup ?
    Depuis le temps que l’on cultive tomates et cucurbitacées non pas dans la terre mais sur de la laine de roche alimentée par robots à l’intérieur de serres climatisées pilotées par ordinateur …
    Les tomates belges toute l’année, on fait comment selon vous ?

  9. Tout va être mécanisé, numérisé, informatisé, cela a bien commencé depuis pas mal de temps et va s’accélérer. Déjà en 1976 lors du bicentenaire des USA il avait été prédit qu’en l’an 2000 dix pour cent de la population US suffirait pour faire fonctionner le pays, et l’informatique n’était qu’à ses débuts. On entre dans la civilisation des jeux pour occuper les consommateurs. Du pain et des jeux, vieille idée.

  10. Quelle absurdité cette idée ! Alors maintenant si nous essayons d’aller plus loin dans le raisonnement, il faudra que les Agriculteurs deviennent informaticiens ! Notons que l’idée vient de super étudiants de sciences PO, certainement adoubés par Mmes Panot, Rousseau et Tondelier. Comme vous dites à la fin de l’article : « on voudrait les éliminer ( les agriculteurs ) on ne s’y prendrait pas autrement. Merci Marie.

    • L’ homme devra toujours apprendre.
      Et plus il apprend, plus il se rend compte de son ignorance.
      Certains ont peut être été horrifié suite à l’
      invention de l’écriture, que l’ homme doive apprendre à lire et écrire.
      Il faut aujourd’hui communiquer avec les hommes mais aussi avec les machines.

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