[POINT DE VUE] Violences dans le cinéma : un procès féministo-stalinien ?

Il faut aujourd’hui que la chose soit entendue, ratifiée, élevée au rang de dogme et, bientôt, inscrite dans la Constitution : les hommes sont des pervers, les femmes sont leurs victimes, toujours victimes, seulement victimes. On ne parle pas ici, bien sûr, des fillettes et des adolescentes, mais des femmes réputées adultes, majeures et vaccinées, qui vont se jeter dans la gueule d’un loup libidineux bien connu et auxquelles on dénie la moindre once de responsabilité dans ce qui leur arrive. Ou pas, d’ailleurs.
Cela, pour éclairer la passe d’armes entre Sandrine Rousseau, présidente, à l’Assemblée nationale, de la commission d’enquête sur les violences dans le cinéma, et Dominique Besnehard, ancien agent artistique et producteur, mâle blanc confronté à ce qui ressemble plus à un procès féministo-stalinien qu’à une commission d’enquête.
L’amitié, aussi, est interdite
Contrairement aux acteurs « Jean Dujardin, Pierre Niney et Gilles Lellouche qui ont obtenu la faveur de témoigner à huis clos », nous signale Le Figaro – et pourquoi ? –, ce jeudi 13 mars, l’audition de Dominique Besnehard était publique. L’occasion, pour la pasionaria Rousseau, de donner toute la mesure de son talent. En question, l’amitié de Dominique Besnehard et Gérard Depardieu, comme en témoigne notamment sa signature apposée sur la pétition de soutien à l’acteur dont il fut longtemps l’agent. Incompréhensible, car dans le monde de Mme Rousseau, il n’y a pas d’amitié indéfectible et pas d’innocence non plus. En témoigne l’affaire du député EELV Julien Bayou, blanchi par la Justice mais toujours pas par ses petit(e)s camarades.
Alors, Sandrine Rousseau l’accuse de « propos dénigrants sur les personnes qui parlent » et qui « envoient un message à l’ensemble du cinéma ». Besnehard s’énerve : « Si c’est mon procès, je me taille. » Pas question ! Madame la présidente lui rappelle qu’il est obligé de répondre. Le ton monte : « Mais c’est quoi, les propos dénigrants ? Vous racontez des histoires que vous voyez dans la presse. » Les ragots, ce n’est pas son truc : « Moi, d’abord, je n’ai pas Twitter et des choses que j’ai dites à une époque quand Gérard Depardieu… C’était il y a combien d’années ? Il y a un moment donné où ça va… Vous voulez me faire dire quoi ? Que Depardieu, je l’ai apprécié à une époque ? » Oui, c’est exactement cela, il l’a apprécié, et il l’a vu « vriller », comme il dit, après la mort de son fils. « Vous n’êtes pas là pour faire la morale, je suis désolé. Vous arrêtez de faire la morale à tout le monde. Tout ça commence à bien faire », dit l’homme, excédé.
Dur dur d’être une icône…
C’est qu’il dit des choses inaudibles, Dominique Besnehard ; des choses que personne ne veut entendre. Par exemple, que toutes les actrices en herbe ne sont pas que de blanches colombes innocentes et, s’agissant de celle qui accuse Depardieu, il lâche : « Généralement, les cours de théâtre, on les fait dans un cours de théâtre, on ne va pas à domicile chez un acteur. » Il poursuit : « Quand j’étais agent, j’ai vu des actrices un peu dépasser les bornes. On ne va pas dans un hôtel avec un metteur en scène. Excusez-moi, Weinstein qui allait à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine. Je l’ai vu, ça ! » Indicibles, ces propos qui laissent planer le doute quand le temps ne veut voir que des victimes.
Fer de lance de leur cause, à l’initiative de cette commission d’enquête à l’Assemblée, l’actrice Judith Godrèche, dont toute l’action est aujourd’hui centrée sur ce sujet. Invitée du festival « Rendez-vous with French Cinema », à New York, la semaine passée, pour présenter son court-métrage Moi aussi, elle a échangé avec l’actrice américaine Cynthia Nixon, vedette de la série Sex and the City. Ayant déjà évoqué, de ce côté de l’Atlantique, le frein que ses prises de position auraient donné à sa carrière, elle a déclaré que, « en France, à chaque fois qu’une porte s’ouvre et qu’il y a un élan, elle se referme, et vous devez continuer, continuer, continuer ». Comme Sisyphe roulant chaque matin son rocher, « on a l’impression de devoir tout recommencer. Parce qu’au final, nous luttons contre le patriarcat, et nous luttons contre le pouvoir. »
Coincée, peut-être, dans son nouveau rôle, elle déplore : « Être une icône (sic), j'ai l'impression que c'est dangereux aussi, parce qu'on se dit "c'est elle“. Non, ce n'est pas moi, c'est la société, c'est tous les autres. Il faut toujours expliquer que je ne suis qu'une personne au milieu d'une énorme quantité de victimes. »
Nul ne remet en cause le fait qu'il y ait eu des victimes. Mais puisqu’on est dans le monde du cinéma, on songe à cette phrase de Marilyn Monroe, laquelle se vantait d’ailleurs d’avoir su choisir les bons canapés où se laisser aller : « Ne jamais regretter quoi que ce soit, car à une époque, c’était exactement ce que vous vouliez. »
Arrive-t-il à certaines, dans l’intimité de leur salle de bains, de se poser la question ?

Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
