Portrait : Raphaël Glucksmann, la séduction du vide. Jusqu’aux présidentielles ?

raphael glucksmann

Il est le cauchemar de la NUPES et de la Macronie. De sondage en sondage, Raphaël Glucksmann grignote le fromage électoral. Un large sourire aux lèvres, toujours le mot consensuel à propos, le candidat socialiste enchaîne les idées vieilles comme le socialisme mondialiste en France avec l'apparente naïveté des idéalistes intéressés. Son succès ne se dément pas chez une partie des Français. Des nostalgiques heureux de cette resucée inespérée des fadaises d'hier, revenues du diable Vauvert. Parti avec 10,5 % d’intentions de vote en novembre, à neuf points de la liste macroniste conduite par Valérie Hayer, le fils du philosophe André Glucksmann a réussi à grimper à 14 %, en avril, selon le sondage Ipsos mené auprès de plus de 10.000 Français pour le CEVIPOF, Le Monde, la fondation Jean-Jaurès et l'Institut Montaigne, en divisant par trois l’écart qui le sépare de la liste présidentielle, flashée à 17 %. Seuls trois points séparent, aujourd’hui, les deux têtes de liste qui suivent le RN. Certes, la marche reste haute avant le croisement des courbes et le temps est court, car le 9 juin n’est qu’à un peu plus d’un mois. Là où Bardella joue le lièvre, à 32 % d’intentions de vote, Glucksmann incarne la tortue : le candidat RN fait davantage que Glucksmann et Hayer… réunis ! Enfin, le ballon Glucksmann est fragile : « 55 % de ses électeurs se disent sûrs de leur choix, contre 71 %, s’agissant de ceux de la liste Hayer », écrit le politologue d’Ipsos Brice Teinturier. Mais la dynamique est là.

Et l'épisode de Saint-Étienne a peu de chance d'arrêter la course. Viré salement du cortège du 1er Mai, Raphaël Glucksmann accuse LFI, qui s'en défend et rejette la cause sur des groupes radicaux. La grande famille de la gauche NUPES est meilleure pour donner des leçons d'inclusion que pour la pratiquer. Elle aura, au passage, peaufiné la statue de Glucksmann, rempart contre les extrêmes de gauche.


Seulement 16 % de l'électorat macroniste tentés par Glucksmann

Pas après pas, le corpus politique de ce candidat revenu des années Mitterrand prend le vent. Ses deux poursuivants, La France insoumise et les écologistes, pourtant traditionnellement puissants lors des élections européennes, sont relégués à 7 % et 6,5 %, à peine au-dessus de la barre qui ouvre les portes du Parlement de Strasbourg. L’extrême gauche serre les fesses… « Si la liste conduite par Raphaël Glucksmann progresse, c’est d’abord parce que La France insoumise et les écologistes vont mal », analyse Brice Teinturier. C’est au sein des mélenchonistes que le mielleux et idéaliste Glucksmann fait l’essentiel de son marché : « Raphaël Glucksmann aspire 27 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon de 2022 parmi ceux qui sont certains d’aller voter aux européennes de 2024, et 27 % de ceux de Jadot. »

D’ailleurs, chez les macronistes, on affirme que la bataille ne se joue pas prioritairement contre la liste PS Place publique. « Ipsos nous dit que seulement 16 % de l’électorat macroniste serait tenté par un vote PS Place publique, nous précise le patron des députés macronistes Sylvain Maillard. Glucksmann prend surtout à la NUPES. » La Macronie va tenter de mettre à profit les dernières semaines de la campagne pour mobiliser les abstentionnistes sur un combat anti-Bardella, pour ou contre l'Europe. Pas mal vu. Sauf que l'européiste béat Glucksmann peut en profiter.

Aveugle au Qatargate

L’échec du parti au pouvoir et les dérives ahurissantes de Jean-Luc Mélenchon rabattent vers le candidat Place publique une gauche hollandiste affolée par l’évolution de la mouvance radicale. Glucksmann, candidat buvard, toujours vêtu d’une veste et d’une chemise blanche col ouvert, façon BHL, c’est la NUPES chic. Celle qu’on peut inviter à dîner sans que la discussion ne dérape sur le conflit israélo-palestinien ou que le convive ne se mette à défendre l’islamisme. Une gauche propre sur elle, qui fait croire qu’elle est vierge de toute confrontation à la réalité du pouvoir. Une gauche idéale où l’on revend les vieilles lunes comme des perles neuves. Du passé faisons table rase. Sur son fil X, Glucksmann a ainsi le culot d’épingler ces mots : « Aujourd’hui, le Parlement européen vote le rapport de la commission spéciale sur les ingérences étrangères dans nos démocraties que j’ai l’honneur de présider depuis 18 mois. » Ce magnifique rempart de la démocratie n’avait rigoureusement rien vu de l’encombrant Qatargate. Ce scandale absolu, avec valises de billets, corruption, saisies et procès a touché, pour la quasi-totalité des mis en cause, des députés ou anciens élus européens du… Parti socialiste, celui de Glucksmann. Le même prenait grand soin, pendant ce temps, de traquer des influences russes introuvables, avec force moulinets et effets de manche. Avec Glucksmann, l’aveuglement soutient l’inefficacité bruyante et revendicative.

Toujours lucide, le candidat Place Publique veut la mise en place de « voies d’immigration légales » en Europe, soutient l’idée « de quotas en fonction des besoins des économies européennes » et réfute le « mythe » des murs et de l’immigration zéro. « Nous sommes dans des sociétés vieillissantes, qui vont faire face à des immenses crises démographiques, et donc nous aurons besoin d’immigration, il faut l’organiser », explique celui que la multiplication des coups de couteau en France n’émeut pas.

« À New York, je me sens plus chez moi »

Il est vrai que cet habitant d’un des arrondissements les plus chics de la capitale ne subit pas quotidiennement les inconvénients de la politique qu’il promeut. Et ne tient pas à confronter ses grandes idées. Ainsi, interrogé ce 17 mars sur BFM TV, affirme-t-il que, dans la foulée de Marie Toussaint, tête de liste écologiste, il séchera le débat consacré au scrutin européen par CNews, prévu pour le 30 mai. CNews s’en remettra-t-elle ? « CNews est une chaîne d’opinion qui promeut des thématiques d’extrême droite », exécute Glucksmann, sans se fatiguer dans une démonstration. Oui-Oui et les méchants vilains a encore frappé.

C’est que la fréquentation des quartiers chics parisiens n’a pas attaché à la France celui qui fut, en 2009, un proche conseiller du président géorgien contesté Mikheïl Saakachvili, « un ami », dit-il. Le conseiller épousa même Eka Zguladze, le ministre de l’Intérieur de cette république caucasienne. Celui qui a étudié à l’IEP au début du règne de son patron démolisseur Richard Descoings lançait en 2018, sur Arte, cet aveu : il a besoin de faire un effort sur lui-même pour se sentir français. « Quand je vais à New York ou à Berlin, je me sens plus chez moi, a priori, culturellement, que quand je me rends en Picardie, et c’est bien ça le problème. » Il a effectué son stage de fin d’études dans un quotidien algérien, a monté (encore étudiant) l’association Études sans frontières. En 2004, ce touche-à-tout un brin instable cosigne un documentaire. Titre : Tuez-les tous ! Il met en cause la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis. Édouard Balladur et Hubert Védrine, furieux, demanderont des droits de réponse.

Relever la gauche caviar ?

Avec la hausse des sondages, le fils d’André Glucksmann, maoïste en cour dans les milieux intellectuels, goûte sa revanche. Raphaël, qui a longtemps supporté des comparaisons peu flatteuses avec son géniteur, peut sourire à la foule. En couple avec une des principales figures du journalisme hexagonal, Léa Salamé, sans que cela ne semble gêner le moins du monde au sommet de l’audiovisuel public ceux qui viennent de virer le journaliste Jean-François Achilli pour un échange supposé avec Bardella, Glucksmann fils a trouvé un espace, enfin, pour exister. Avec un peu de chance, si l’illusion persiste, l’auteur du Manuel de lutte contre les réacs (Paris, Allary Éditions, 2015) pourra reprendre le flambeau de la gauche rose bonbon et rêver de succéder, en 2027, à un Emmanuel Macron usé par le pouvoir en surfant sur la diabolisation du RN. Comme avant, et sans quitter les quartiers chics.

« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve », écrit-il en exergue sur son compte X, citant Hölderlin. Pour le candidat du déni de réalité et du confort de la pensée correcte, il fallait oser, mais Raphaël Glucksmann ose tout.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Je conseille à ceux qui voudraient voter pour Raphaël Glucksmann de lire sa page Wikipédia ! On se pose beaucoup de questions sur l’homme qu’il est et on s’étonne de le voir chez les socialistes !

  2. Sans partager ses idées, je trouve ce candidat honnête, respectueux de ses convictions et de ses adversaires. Bref un candidat digne de ce nom.

  3. Si, comme il dit,il se plaît plus à New York, Chicago ou Los Angeles qu’à Paris ou quelque autre part en France, qu’il y aille sans esprit de retour, nous ne nous en porterons que mieux. À-propos un certain Jean Monet et son colère Robert Schuman nous avaient dit la même chose, nous ne les avons pas cru et ils nous ont amené leur pourriture: l’Europe.

  4. En autre c’est comme l’attentat contre leur tonton ,la gauche caviar dans toute sa splendeur.

  5. Comme Sarkozy ,Moscovici ,Fabius tous ces gens en commun des immigrés de l’Europe orientale ils sont en phase a tous ces conseillés américains qui voient l’Europe comme un satellite des USA car une partie de leurs gemmes a comme horreur URSS et même bien avant l’Empire Russe

  6. Tous les français ont vu ce que la gauche a fait sous Hollande non ? alors c’est qui ces gens qui veulent lui donner leurs voix ? des amnésiques des nostalgiques gauchistes ?

  7.  » Raphaël Glucksmann accuse LFI, qui s’en défend et rejette la cause sur des groupes radicaux. » Ah bon, il y aurait une différence?
     » Avec Glucksmann, l’aveuglement soutient l’inefficacité bruyante et revendicative. » Cela s’appelle le miroir aux alouettes, arme préférée de tout bon marxiste.

  8. Maoiste/ trotskiste même combat : l’internationalisme prolétarien nouvelle mouture s’est refait une beauté transfrontièriste à Wall Street…
    Merci pour cet article qui remet (un peu) les pendules à l’heure !!

  9. Avec cet homme on reste dans l’entre soi et avec sa compagne Léa Salamé, on est loin de la déontologie dont a fait preuve Béatrice Schönberg ( journaliste reconnue à la télévision et promue à un bel avenir ) en démissionnant de son poste pour ne pas interférer et favoriser , de par sa position, son mari , l’homme politique Jean-Louis Borloo

    • Vous avez raison, … autrefois… on démissionnait : comme la fait Madame Béatrice Schönberg. Mais enfin ! voyez-vous Léa Salamé démissionner … que nenni, elle s’accroche pour mieux décocher ses flèches !

  10. « le fils du philosophe André Glucksmann »
    Marre de voir qualifier à tout-bout-de-champ des anti-penseurs de « philosophes »… le dit André Glucksmann comme tout bon trotskyste, déguisé ou non, n’a excellé que dans la russophobie la plus primaire… Baste !

  11. Sujet au Bac : « Quelle différence y a-t-il entre le vide et le néant ? Pouvez-vous donner un exemple ? »

  12. Glucksmann l homme des pensées rances avec un narratif mensonger du passé Son idéologie c est celle qui a ruiné la France Un affabulateur qui était l’ancien conseiller d un président étranger maintenant en prison Il cumule toutes les tares

  13. Je me souviens de 81 et de l’élection de Mitterrand et de la liesse populaire. Tout allait être plus beau, plus merveilleux, le bonheur universel, et on a vu… Le socialisme : l’homme est naturellement bon, c’est la société qui le pervertit. Monde de bobos et d’idéalistes béats. Politique du bisounours.
    « Si doux que soit les rêves, les réalités sont là, et suivant qu’on en tient compte ou non, la politique peut être un art assez fécond ou bien une vaine utopie » C. de Gaulle

    • Le rêve socialiste, sous l’influence de petits hommes, gens sans grande envergure, sans grande intelligence et sans humanité, s’est transformé en cauchemar boueux…

  14. En 1973, la Gauche protestait contre le coup de Pinochet au Chili, orchestré par la CIA. Aujourd’hui, la Gauche est germanopratine, adore la CIA, les USA, et l’UE qui va avec. Elle est « socialiste »: mais qu’ont-ils à voir avec la défense des ouvriers? La prospérité sociale? Faut être drôlement buse pour voter pour ça, probablement le genre vieux soce qui s’y croit encore, dont on disait:  » à dix-huit ans, si t’es pas socialiste t’as pas d’coeur; à cinquante ans, si t’es toujours socialiste, t’as pas d’cerveau ».

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