Poulidor enfin maillot jaune !

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Le mythe, la légende du cyclisme français. Un mythe, une légende française. Poulidor, de son vivant, accompagné de sa petite reine, était entré dans notre histoire française, dans notre Histoire de France. Il était tellement français ! Il portait un prénom que l’on donnait encore avant-guerre et son nom brillait comme une médaille faite d’un métal bien trempé. « Un nom qui sonne bien », disait-il lui-même, avec modestie, pour tenter d’expliquer sa popularité. Et il en avait, de la trempe, Raymond Poulidor, comme de la modestie.

Mais la roue s’est arrêtée de tourner pour lui, en ce 13 novembre 2019, à l’âge de 83 ans. Il était né à Masbaraud-Mérignat, dans la Creuse, en 1936, l’année des congés payés et des premières vacances, souvent à bicyclette pour beaucoup de Français modestes. Il est mort à Saint-Léonard-de-Noblat, en Haute-Vienne. Entre ces deux localités du Limousin, à peine une petite trentaine de kilomètres, quelques coups de pédale, de la rigolade, tout juste un échauffement pour celui qui participa à quatorze Tours de France, quatre Tours d’Espagne dont celui de 1964 qu’il remporta. Premier Tour de France de France en 1962, dernier en 1976. De de Gaulle à Giscard en passant par Pompidou, né à Montboudif. Encore des noms qui fleurent bon la France d’Oc ! De la télé en noir et blanc à la télé en couleur. Une France des accents que l’on transmettait en hoirie, sans doute depuis le temps des troubadours. Une France qui roulait les « r » sur les bords de la route pour voir passer le Tour. Une France qui portait la casquette - pas à l’envers - en criant « Vas-y Poupou ! ».

Car on l’aimait, Poupou. En 1974, on posait la question à des Français pourquoi ils aimaient Poulidor. « Parce qu’il a toujours une très bonne figure. » Oui, c’est ça, de la gueule mais pas que de la gueule. Et même dans l’adversité, il avait toujours très bonne figure, Poulidor. Les vertus de sa race, aurait pu dire Pompidou, dans une langue qu’on n’avait pas encore castrée. « Il est simple. C’est un provincial et un Français. Il a l’accent du Midi », nous dit la brave dame de 1974, portant un fichu qui n’est pas un voile islamique. À cette époque, il était l’une des personnalités préférées des Français.

Et pourtant, il était « l’éternel second ». Car il ne gagna jamais le Tour de France. Il ne porta jamais le maillot jaune. Même pas le temps d’une étape. Éternel second ? Même pas ! Puisqu’il ne termina à cette place que trois fois sur ses quatorze Grandes Boucles. Mais, justement, c’est cela, une légende : à un moment, elle dépasse, transcende la réalité.

Poulidor vient donc de franchir la ligne d’arrivée. Les gamins en grandes vacances qui allaient chercher le lait à la ferme à vélo, après avoir écouté au transistor l’arrivée de l’étape, prennent aujourd’hui un petit coup de vieux. Allez, on se remet vite en selle, car on n’est pas encore arrivé. Et l’on imagine Poupou, pédalant en danseuse dans un paysage tout blanc, un peu comme celui que l'on voit au sommet du mont Ventoux. Une foule d’anges, portant des casquettes Ricard, l'applaudit des mains et des ailes pour cette ultime étape. Il franchit le col, en tête, tout sourire. Et il monte sur le podium, à la première place. La gloire éternelle, quoi !

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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