Pour Christophe Castaner, Marine Le Pen serait « une ennemie de la République » !

Christophe Castaner

Si Gérald Darmanin juge Marine Le Pen « trop molle », Christophe Castaner, son prédécesseur, l'attaque violemment, dans un entretien au Parisien-Aujourd'hui en France, expliquant « faire la différence » entre ses adversaires politiques et « les ennemis de la République ». Il ne fait pas dans la dentelle, l'ex-ministre de l'Intérieur, qui fut si compétent à ce poste que son ami Macron dut le remercier. « Le style est l'homme même », déclarait Buffon : le moins que l'on puisse dire, c'est que Christophe la castagne n'apparaît pas ici sous son meilleur jour ou, plutôt, il se montre tel qu'en lui-même – et ce n'est pas bien beau !

Il en rajoute une couche, à la fin de l'entretien : « Marine Le Pen, par son discours de stigmatisation permanente, d'affaiblissement de nos valeurs, est une ennemie de la République. » Que ne se regarde-t-il dans une glace ? Il y verrait peut-être qu'il est lui-même le champion de la stigmatisation et ne représente pas la figure idéale du modèle républicain. On peut aimer ou non la personnalité de Marine Le Pen, estimer ou non qu'elle serait la meilleure candidate du camp patriote aux élections présidentielles, mais prétendre qu'elle affaiblit nos valeurs, c'est faire preuve d'une mauvaise foi et d'un sectarisme propre à ceux qui manquent d'argument rationnel pour s'opposer à un adversaire.

Au fait, quelles sont les valeurs de Castaner ? De quitter le Parti socialiste pour devenir le premier marcheur de Macron ? Il a officialisé son départ le 6 mars 2017 mais, dès 2015, il participait aux dîners de Bercy et avait déjà rencontré le secrétaire général adjoint de l'Élysée en 2013. Il a assumé plus tard « avoir de l'amour » pour son idole. Il est vrai qu'un amour fou peut conduire à l'infidélité. Ses « valeurs » seraient-elles, après s'être retiré pour le second tour des régionales de 2015 en PACA, facilitant ainsi l'élection – de justesse – de Christian Estrosi, de « [tendre] la main à Renaud Muselier », dès le premier tour en 2021, et de compromettre, au passage, le parti Les Républicains ?

À chacun ses valeurs, mais il n'est pas sûr que l'opportunisme soit une valeur républicaine appréciée des Français, même s'il explique le girouettisme de nombre de politiciens. Ce n'est pas, en tout cas, une valeur de la France. Quant à qualifier Marine Le Pen d'« ennemie de la République », c'est battre le record de la malhonnêteté intellectuelle, fût-ce en période préélectorale. Ne devrait-il pas se souvenir de la parabole de la paille et de la poutre ? « On ne déjeune pas avec le diable, même avec une très longue cuiller », aurait dit Raymond Barre, mais, à tout prendre, la plupart des personnes sensées préféreraient dîner avec la présidente du Rassemblement national plutôt qu'avec celui qui reçut la présidence du groupe LREM en cadeau de consolation pour avoir été débarqué de la place Beauvau.

C'est un droit de critiquer un adversaire politique. Encore faut-il le faire intelligemment et viser juste, ce qui, manifestement, ne lui est pas facile. Sans vouloir l'offenser, il n'a pas l'esprit de Cyrano de Bergerac. La moitié des Français qui, selon les sondages, serait prête à voter pour Marine Le Pen, au second tour de l'élection présidentielle, ne changera certainement pas d'avis avec la stratégie de diabolisation dans laquelle il croit trouver le salut de la majorité. Cette stratégie risque plutôt de convaincre encore plus d'électeurs, même s'ils n'approuvent pas toutes ses idées, de voter pour elle afin d'expulser de la scène les acteurs impuissants et ridicules d'une farce tragique qui n'a que trop duré.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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