Pour François Bayrou, le plus dur commence !

Capture d'écran site du Gouvernement
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« Matignon : et si c’était lui ? », se demandait, lundi, Marc Baudriller, dans son éditorial. Bingo ! En ce jour de Super Loto, c’est donc lui. Le Béarnais, qui commença sa carrière politique dans les pas du très centriste Jean Lecanuet qui, lui-même, avait été secrétaire d’État d’Edgar Faure, sous la IVe République (important, la généalogie politique !), accède à Matignon à 73 ans, tout comme Michel Barnier, son aîné de quelques mois. L’avant-dernière marche du pouvoir qui devrait lui offrir l’occasion de mettre (enfin !) en pratique les innombrables leçons qu’il prodigue doctement depuis des décennies, de matinale en plateau télé du dimanche midi. Bayrou se rêvait Henri IV, né un 13 décembre, comme il s’est plu à le rappeler, peu après sa nomination ; il devra se contenter d’essayer d’être Sully. Ce qui est déjà pas mal et ce qui, surtout, n’est pas gagné d’avance.

Théâtre de boulevard

Une nomination qui a été rendue publique en tout début d’après-midi, ce vendredi 13 - décidément jour de chance. Le Président s’était pourtant engagé, devant les chefs de partis reçus cette semaine à l’Élysée, à donner le nom du lauréat au plus tard jeudi soir. Et puis, jeudi soir : rien ! « Les promesses du maître des horloges n’engagent que ceux qui lui demandent l’heure », réagissait, non sans humour, Marine Tondelier. Mais avouons que cela valait le coup d’attendre encore un peu : François Bayrou ! Une nomination, du reste, si l’on en croit Le Monde ou TF1, qui a failli ne pas avoir lieu. Le maire de Pau aurait été tiré de son lit dès potron-minet pour s’entendre dire par le Président que ce ne serait pas lui, comme qui dirait, l’homme de la situation. Et Bayrou de débouler à l’Élysée, non pas à l’heure très giscardienne du laitier, mais des viennoiseries. Deux heures plus tard, Bayrou ressort du palais, la mine des mauvais jours. Et de revenir, en fin de matinée, rue du Faubourg-Saint-Honoré, pendant qu’à Matignon, on avait déroulé le tapis rouge et mobilisé les gardes républicains pour une cérémonie de passation de pouvoirs prévue initialement à l’heure de l’angélus. On est en plein théâtre de boulevard. Du « vaudeville », poste Tondelier sur X, décidément en forme et qui devrait se faire commentatrice de la vie politique. Ambiance IVe République. Presque, puisque Bayrou est le quatrième Premier ministre de l’année. Le sixième, depuis 2017.

Un cul-de-sac au bout du chemin ?

Il a voulu Matignon. Maintenant qu’il l’a, il va falloir faire. « Je ne suis pas le premier à faire un long chemin », a déclaré notre cavalier palois. Un chemin qui ne s’annonce pas spécialement « calme et droit », pour reprendre le titre d’un roman de François Nourissier. Un chemin qui a été long pour en arriver là, mais qui pourrait se terminer rapidement en cul-de-sac. Comme Barnier. Et ce serait, alors, le « terminus des prétentieux », pour celui qui brigua par deux fois la magistrature suprême. À gauche, LFI le censurera. Les écolos sont furibards. Quant aux socialistes, avant que la direction du PS n’envoie une lettre au nouveau Premier ministre, l’un de ses chevau-légers, le député Arthur Delaporte, tweetait : « Une matinée lunaire, après neuf jours d'un chaos organisé par Emmanuel Macron pour nommer un Premier ministre dans sa parfaite continuité. C'est aussi pathétique que révoltant. » Cette lettre du PS, justement. Elle annonce que les socialistes ne participeront pas au gouvernement, elle demande que Bayrou renonce au 49.3 et prévient que « la poursuite à l’identique d’une politique et d’une méthode déjà censurée ne peut être acceptable ». Pas de censure a priori, mais une mise sous surveillance de François Bayrou. Les communistes ne sont pas, non plus, dans les meilleures dispositions, vu le communiqué de ce 13 décembre.

La droite en embuscade

À droite, maintenant ? Les LR, où l'on doit avoir quand même un peu de mémoire (le soutien de Bayrou à Hollande contre Sarkozy en 2012...), ce vendredi, conditionnerait sa participation au gouvernement au « projet » de François Bayrou. Mais au fait, c’est quoi, le projet de François Bayrou ? « La réconciliation nécessaire des Français », a-t-il déclaré. Vaste programme ! Quelles âmes de bonnes volontés ne le souhaitent pas ? Mais réconcilier les Français quand la feuille de route fixée par Macron, selon son entourage, sera de « dialoguer », des communistes à la droite, « afin de trouver les conditions de la stabilité et de l'action » ? En creux, en excluant tout dialogue avec LFI, le RN et les ciottistes, cela risque d’être très compliqué pour celui qui inscrit son action politique dans les pas d’Henri IV… Paradoxalement, d’ailleurs – si on passe sur les saluts et messages de félicitations plus ou moins sincères de la Macronie de stricte observance -, du côté de Marine Le Pen et d’Éric Ciotti, les réactions sont les plus mesurées. « Soucieux de l’impérieuse nécessité de protéger les Français, nous lui demandons d’entreprendre ce que son prédécesseur n’a pas voulu faire : entendre et écouter les oppositions pour construire un budget raisonnable et réfléchi », déclare Marine Le Pen, quand Jordan Bardella avertit qu’il n’y aura pas de censure a priori. Enfin, Éric Ciotti « lui souhaite bonne chance pour la France ». François Bayrou en aura besoin.

Ce 13 décembre au soir, on ne sait pas si le chemin de François Bayrou sera long. En tout cas, il est étroit, semé d’embûches, y compris de la part de ses « amis » de la Macronie, avec une droite nationale qui se tiendra en embuscade. François Bayrou a été l'un des plus éphémères gardes des Sceaux de la Ve République (un mois, en 2017). L'avenir nous dira s'il épinglera à son palmarès un nouveau record ministériel.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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