Pour le 14 Juillet, les réservistes de la SNCF défilent : quel est le message ?

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Comme pour tous les événements très codifiés, il y a, tous les 14 Juillet, des variations sur un thème imposé. La France aime son armée : c'est même la seule démocratie du monde dont la fête nationale est couronnée par un défilé militaire. Les gauchistes enragent : c'est tant mieux. Eva Joly, éphémère candidate écolo à la présidentielle, avait proposé autrefois (il y a une éternité) qu'un défilé de lycéens et de travailleurs sociaux remplace cette démonstration de puissance : un silence gêné avait accueilli cette ébouriffante suggestion. Michel Audiard, lui, dans l'excellent Vive la France, exposait une convaincante vision de Marianne : la République est une fille libérée mais qui « aime les militaires », comme la grande-duchesse de Gerolstein dans l'air éponyme d'Offenbach. D'où ce besoin, récurrent chez elle, de se réfugier dans les bras d'un officier quand les choses tournent mal.

Parmi les figures obligatoires du 14 Juillet, évidemment, il y a le défilé à cheval de la Garde républicaine, le passage des grandes écoles d'officiers, avec leurs bicornes, casoars ou casquettes, la patrouille de France qui trace un drapeau tricolore dans le ciel de Paris ou encore la Légion étrangère, avec sa propre musique, et ses rangs qui ne se séparent pas. Du côté des innovations, chaque année apporte son lot de suggestions plus ou moins heureuses : fanfare qui joue du Daft Punk, mais aussi émouvante prestation de Candice Parise ; chorégraphies ridicules faites par des lycéens, mais aussi chœurs de l'armée française. Il y a de tout, le pire et le meilleur. Cette année, l'une des originalités consiste à faire défiler une soixantaine de réservistes de... la SNCF. Ce sont des réservistes opérationnels, c'est-à-dire qu'ils donnent de leur temps pour effectuer des missions militaires, comme les patrouilles de l'opération Sentinelle. D'autres, que l'on nomme réservistes citoyens, sont des relais d'influence des armées mais ne possèdent que des grades honorifiques. On ne peut donc qu'applaudir leur engagement, mais on peut également se poser une ou deux questions là-dessus.

D'abord, il y a un certain nombre de réservistes opérationnels ailleurs, et singulièrement dans le secteur privé. Ceux qui y travaillent savent que c'est un petit peu plus difficile, quand on dirige un petit cabinet d'avocats, quand on est cadre dans le bâtiment ou employé dans une PME, de trouver du temps pour servir la France. Tous les employeurs ne sont pas aussi conciliants que la SNCF. Il aurait été intéressant de mettre à l'honneur, peut-être en même temps que ces rangs de la SNCF, des hommes et femmes du privé, menacés de licenciement s'ils ne tiennent pas leurs objectifs, ou bien empêchés de facto de s'absenter parce qu'ils sont sous statut libéral, et qui consacrent leurs week-ends et une partie de leurs vacances à servir la France, parce qu'il n'existe pas de convention entre les armées et la plupart des entreprises. On conviendra du fait qu'il est plus facile d'être réserviste quand on travaille déjà pour l'État.

Par ailleurs, la ficelle semble un peu grosse pour « rétablir la confiance », entre le régime et la SNCF d'une part, entre la SNCF et les usagers d'autre part. La réforme des retraites s'est heurtée à l'opposition d'une bonne partie de la fonction publique, et notamment la SNCF, très syndiquée on le sait. La rancœur est toujours forte envers le gouvernement du côté des fonctionnaires. Par ailleurs, ceux qui prennent régulièrement le train ne peuvent que constater la tiers-mondisation de ce service public, « fleuron français ». Les retards sont devenus la norme, les excuses les plus farfelues se multiplient (« embouteillages à l'entrée de Paris » - comme si la locomotive prenait le périph' -, « lenteur du train à la sortie du garage », à la manière d'un cheval capricieux) : des esprits chagrins pourraient considérer que les cheminots sont des fainéants. Ce défilé échantillonnaire a peut-être pour but de resserrer les liens entre les usagers et la SNCF, « à l'approche des départs en vacances »... tout en montrant « en même temps » la considération du gouvernement pour ces fonctionnaires qui s'engagent.

Il y aurait bien une troisième question à se poser, puisque l'article 23 de la loi de programmation militaire, voté sans encombre, permet d'élargir les réquisitions à titre militaire. Cette chorégraphie sous-préfectorale, dans laquelle soixante cheminots vêtus d'uniformes de toutes les couleurs vont défiler au nom de la SNCF, est-elle une manière, un peu dérisoire tout de même, de préparer les esprits à la mobilisation totale ? Bien que tout le chahut autour de l'article 23 soit largement surfait, on pourrait penser que l'État voit loin. Au fait, il y a bien une tradition qui ne sera pas respectée, ce 14 juillet : l'interview présidentielle. En raison de la présence d'individus sur les voies, peut-être ?

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Nous ne regarderons pas ce défilé et cela pour la première fois ..je ne comprends pas ..née à Saint Cyr Coetquidan,,,je suis outrée .pourquoi ,? Les Écoles militaires ne sont pas après l’école Polytechnique..mais en troisième position,..jupiter a t’il l’intention de casser cela aussi ..ces brillants sujets lui feraient ils peur ou de l’ombre .et son défilé prévu …est ridicule ….

  2. Et si vous nous parliez un peu des retards plus que récurrents des vols d’Air France ou des vols tout simplement annulés sans raison au dernier moments ?
    Les rails ça va un peu. Faudrait prendre un peu plus d’altitude…

  3. L’an prochain, Macron fera défiler son armée de réserve favorite: régiment de migrants fraîchement arrivés. Mission de ces combattants : remplacer le blanc trop cher et pas assez docile.

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