Pour Sahra Wagenknecht en Allemagne, le « modèle français » comme repoussoir

Sahra Wagenknecht, fondatrice du BSW.
Sahra Wagenknecht, fondatrice du BSW.

Le « BSW - Pour la raison et la justice » est un tout nouveau parti politique allemand qui, sur le sujet de l’immigration, s’annonce d’autant plus iconoclaste qu’il est de gauche : il veut la limiter drastiquement. Son nom - Bündnis Sahra Wagenknecht, c’est-à-dire « Alliance Sahra Wagenknecht » - est celui de sa fondatrice, qui a donné une conférence de presse à Berlin, ce 8 janvier.

Mais qui est-elle ? Un pur produit de la RDA, où elle est née en 1969. Une nostalgique du mur de Berlin qui trouvait bon que deux mondes antagonistes soient aussi clairement séparés, auteur d’un mémoire sur « la Réception de Hegel chez Marx ». Un personnage raidi par l’idéologie, digne de figurer dans Vent d’Est, La Vie des autres ou la série Kleo (Netflix).

Depuis, elle a mûri (elle a 54 ans), s’est assouplie. Mais elle n’a pas dégauchi. Membre de Die Linke (« la Gauche »), dont elle est devenue vice-présidente en 2010, elle a créé un mouvement, Aufstehen (« Lève-toi »), imaginé à partir des modèles de LFI et de Podemos. Aujourd’hui, elle fonde donc un parti à part entière. La question du contrôle de l’immigration, pierre d'achoppement qui l'a fait quitter Die Linke, est au centre de son programme.

Le dévoiement du droit d’asile

Lors de sa conférence de presse, elle a pointé du doigt une faillite de la gauche qui « a délaissé le terrain du combat social pour se tourner vers la question du gender », « une gauche bobo méprisante » (mangeant bio, roulant à vélo ou en voiture électrique, expliquait-elle par ailleurs) - bref, une gauche par laquelle « les gens ne se sentent pas représentés ». Wagenknecht prône le retour à un fondamental : la justice sociale. Or, pas de justice sociale sans contrôle de l’immigration.

Elle l’affirme : seulement 1 % des migrants qui viennent en Allemagne demander l’asile sont fondés à le faire. Les 99 % autres cherchent seulement de meilleures conditions de vie. Un vrai dévoiement du droit d’asile, auquel il faut remédier avec des demandeurs cantonnés en dehors des frontières de l’Union européenne et une restriction du nombre d’admissions.

Modèle danois ou français ? Le choix est vite vu

Face à une immigration élevée et qui ne s’intègre pas, Sahra Wagenknecht se tourne vers le Danemark, dont la politique migratoire s’est durcie. Le « modèle français » servirait plutôt de repoussoir. Écoutons-la : « En France, il s’est établi des société parallèles qui posent de gros problèmes, avec des quartiers entiers qui ne reflètent plus vraiment la société française. Nous n’avons pas cela en Allemagne, pas à ce point, mais nous devons veiller à ce que cela n’arrive pas, car c’est une évolution très inquiétante. »

Lors d’une interview au Welt, en novembre, elle avait clairement développé ce qu’elle entendait par « sociétés parallèles » : le communautarisme musulman, avec des milieux islamistes qui réclament un califat en Allemagne, avec des mosquées prônant la charia, autant de choses « qui ne correspondent pas à notre pays »

Le problème est identitaire, social aussi : « Tous les problèmes liés à l’intégration ratée retombent sur les quartiers les plus pauvres, avec des écoles où la moitié des enfants scolarisés ne parlent pas allemand et les professeurs sont désespérés, où il y a un manque de logements et des infrastructures débordées »… Qui ne souscrirait à ces constats ?

Un air d’AfD

Wagenknecht estime que ce n’est pas à l’Allemagne de garantir une vie meilleure aux migrants et que « la pauvreté mondiale ne peut se résoudre par l’immigration ». Elle a beau s’en défendre, ça ressemble au programme de l’AfD. La seule différence est que BSW veut « offrir des perspectives aux gens dans les pays d’origine » pour les dissuader de migrer.

Dans un pays « riche » de plus de 10 millions d’immigrés depuis l’arrivage massif de 2015 et où le gouvernement en voudrait encore plus, dans un pays où l’AfD s’installe durablement, le discours de Sahra Wagenknecht devrait séduire le peuple de gauche, lors des européennes, puis en septembre lors des élections régionales dans trois Länder de l’ex-RDA (Saxe, Thuringe, Brandebourg). Depuis le départ d’Angela Merkel en septembre 2021, aucune personnalité politique n'a émergé, en Allemagne. Sahra Wagenknecht saura-t-elle sortir du lot ? Si oui, ce sera en prenant le contre-pied de ces années Merkel, marquées par l’immigrationnisme et l’islamisation.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

33 commentaires

  1. Il faut dire que même chez les français, le modèle français est un repoussoir. Alors, imaginons chez les autres.

  2. Après la danoise Mette la Rouge, l’allemande Sahra Wagenknecht s’attaque au problème de l’immigration tout en ayant un programme social d’extrême-gauche. Elle est hostile à l’UE et favorable à une Europe des nations; elle est opposée à l’OTAN et à l’aide militaire à l’Ukraine. Enfin, elle plaide pour un rapprochement avec la Russie et pour l’importation de gaz russe. Autant dire qu’elle n’appartient pas au camp des partisans de l’Occident sous commandement étatsunien. Ce qui ressort de ces deux expériences, c’est que le refus de l’immigration n’est lié ni aux théories libérales ni au sentiment d’appartenance à une « civilisation occidentale » qui n’est rien d’autre que l’empire étatsunien. C’est d’ailleurs le contraire qui est vrai; le libéralisme mène tout droit au mondialisme parce qu’il justifie la libre circulation des humains au nom de l’individualisme et la « civilisation occidentale », dans son état actuel, est fondamentalement mondialiste (les milliardaires qui dirigent en sous-main le monde occidental depuis le forum de Davos, le club de Bilderberg…..veulent un gouvernement mondial). Le maître étatsunien prétend imposer son mode de vie, ses institutions, son modèle économique et son ‘leadership » à toutes les nations en utilisant, si besoin, le gros bâton mais sa prétention est devenue totalement dérisoire puisqu’une moitié de l’humanité a rejoint les BRICS, qui ont formé un front du refus de l’hégémonie étatsunienne, et que trente autres pays attendent d’y entrer.

  3. Si en juin les élections européennes sont remportées par les droites associées aux gauchistes qui ouvrent enfin les yeux, peut-être y aura-t-il un sursaut qui nous fera espérer de cette Europe à la dérive immigrationiste.

  4. Oui, elle a raison mais l’Allemagne a donné le mauvais exemple avec son accueil de 1 million de migrant, dont beaucoup sont venus ensuite chez nous

  5. Si çà seule différence avec L’AFD est qu’il faut aider les migrants mais dans leur propre pays, c’est un peu léger pour faire faire  » contre poids » – Mais bon, elle peut encore évoluer, elle l’a déjà fait –

  6. « BSW veut « offrir des perspectives aux gens dans les pays d’origine » pour les dissuader de migrer. »
    Elle a parfaitement raison cette dame. je deviendrais gauchiste?

    • Mais cela est déjà fait depuis longtemps et les résultats ne se voient pas pour la bonne raison que l’argent versé aux pays Africains est détourné en majeur partie à des fins personnelles par le président et son gouvernement. Avec quel argent achètent t’ils des hôtels particuliers à Paris, et les collections de voitures de luxe qui vont avec ?
      C’est un secret de polichinelle mais la France achète aussi sa présence en Afrique, les enjeux économiques sont extrêmement importants, quand à l’immigration subsaharienne vers la France et l’Europe elle est la conséquence de contre partie…

  7. Bientôt il n’y aura plus que Macron pour écraser son peuple sous le poids de l’immigration. Allié objectif de LFI dans ce projet, il n’a pas encore compris que le vent a tourné en Europe, une Europe qu’il ambitionne de diriger par ailleurs. Tout faux, une fois de plus.

  8. Son constat de départ est juste: la gauche européenne a abandonné le social pour le sociétal. C’est pour cette raison que de nombreux français modestes ont quitté le PC pour le RN. Reste à savoir si elle est honnête, ou mandatée pour affaiblir l’AFD.

  9. La gauche regarde la réalité en face , enfin en Allemagne , en France on est encore dans le déni , la France est le pays de l’UE qui compte le plus de musulmans dans sa population , d’ou des territoires entiers qui de fait sont des califats.

  10. Même la gauche allemande est réaliste, c’est tout dire. Nous ,nous sommes encore à imaginer que le couple franco-allemand existe. toujours à se référer aux lumières sans trop savoir ce que ça recouvre au juste. Cela fait toujours bien rire outre Rhin. Il sont pragmatiques enfin bien plus que nous. Nous, nous coulons en expliquant au monde entier que notre vérité est la seule qui soit digne.

  11. Ce parti sent le piège à voix de Droite, qui trahira vers la Gauche dès qu’il aura une force représentative. Pour faire perdre la Droite. Ce n’est pas parce qu’on parle comme l’AFD qu’on est l’AFD. Faut voir tout le reste du programme.

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