Pour saluer Nicoletta, la grande dame de la chanson française
![nicoletta Capture d'écran Public Sénat](https://media.bvoltaire.fr/file/Bvoltaire/2024/11/IL20241121185644-nicoletta-929x522.png)
Elle porte beau ses 80 printemps et poursuit sa tournée des églises et des cathédrales, histoire d’y chanter son gospel (religieux) et d’y interpréter les succès (profanes) ayant fait sa renommée depuis bientôt soixante ans. Elle y est accompagnée d’un pianiste et d’une dizaine de choristes. L’occasion de revenir, en vingt points – soit autant de bonnes raisons de l’aimer –, sur le parcours hors normes de la dernière diva française.
1) Nicoletta est née en Savoie, dans un milieu plus que modeste. Ce qui nous change agréablement des gosses de bourgeois mal peignés à cheveux gras de Saint-Germain-des-Prés.
2) Enfance difficile, avec père ayant abandonné sa mère, intellectuellement très démunie, dirons-nous. Elle sera donc élevée par sa grand-mère. D’autres en auraient fait tout un couscous ; Nicoletta préfère en parler en chanson. Ce sera Mamy Blue, car trop fière pour pleurnicher. C’est bien. Surtout en ces temps lacrymaux.
3) Ayant fini par rencontrer son géniteur indigne, elle tue symboliquement le père. Mais pas à la sauce freudienne avec une pointe de Deleuze dans le brouet : « J’ai comblé ce manque par une foi indestructible en Dieu le père. La foi m’a permis d’affronter bien des épreuves tout au long de ma vie. » Cracher sur ses parents ? Pas son genre, au contraire de la littéraire parricide d’aujourd’hui.
4) Elle a compté François de Roubaix, immense compositeur de musiques de films, au rang de ses amis. Pour lui, elle chante Pour qui, pourquoi, générique de Dernier Domicile connu de José Giovanni (1970) et Jeff, celui du film éponyme de Jean Herman (1969).
5) Elle fait toujours preuve d’une classe innée dans le choix de ses chansons. Son premier 45-tours, sorti en 1966 ? Une reprise de L’Homme à la moto, immortalisé par Édith Piaf. Coup d’essai, coup de maître. Sa voix juvénile tient bon la comparaison avec celle de la Môme. Aya Nakamura, cache-toi !
6) Le reste est à l’avenant. La Musique, adaptée de l'Angelica de Cynthia Weil et de Barry Mann. Puis, la même année, le chef-d’œuvre absolu, avec musique d’Hubert Giraud et paroles de Pierre Delanoë : Il est mort, le Soleil. Le tout, une fois devenu The Sun Died, sera repris par Tom Jones et Ray Charles. Excusez du peu.
7) Ce dernier assure que Nicoletta est « la seule Blanche avec la voix d’une chanteuse noire ». Et les deux s’en vont faire la bringue à Harlem, une belle soirée de 1967 durant laquelle l’oncle Ray lui interprète La Mamma, de Charles Aznavour, artiste qu’il révère plus que tout.
8) Le reste n’est qu’enchantement : Ma vie, c’est un manège, qui dit mieux ? Personne, et surtout pas Christine (Christian, Chris, Cricri d’amour ?) et ses Queens.
9) Quelle chanson plus sensuelle que Les Volets clos, hymne à paresser sous la couette en compagnie du sexe opposé ? Jean-Claude Brialy, même si peu porté sur ce dernier, en fera la chanson du générique de son film éponyme. C’est dire.
10) Quand elle reprend le Jeff de Jacques Brel, elle n’est pas loin d’égaler le maestro. Qui peut en afficher autant ? Personne.
11) Sous le titre Les Orgues d’antan, elle reprend le A Whiter Shade of Pale de Procol Harum sans se ridiculiser. Encore un exploit.
12) Sainte Geneviève protège Paris des Huns, mais pas contre Anne Hidalgo. Avec quelques décennies d’avance, Nicoletta anticipe la muséification de la Ville Lumière avec Où es-tu passé, mon Saint-Germain-des-Prés ? « On te lumiérise, on te concertise. Mais ton cœur, s’il bat, ne bat plus du bon côté. » On ne saurait mieux dire.
13) Ce n’est pas donné à tout le monde, d’avoir copiné avec Jimi Hendrix. « Je l’ai rencontré à Londres en 1969. Nous sommes devenus très amis et à chacune de ses visites parisiennes, je l’emmenais dîner aux Halles avec ses musiciens. Nous mangions à cinq heures du matin, rue Jean-Jacques-Rousseau, dans un petit bistrot fréquenté par les apprentis bouchers des vieilles halles dont les blouses blanches étaient encore pleines de sang. Cette scène fascinait toujours Jimi. C’est dans ce restaurant que je lui ai fait découvrir la soupe à l’oignon qu’il aimait tant. »
14) Fio Maravilha ? Une tuerie sonore. Entre intro à la guitare acoustique, batterie en retrait annonçant percussions, chœurs et cuivres à venir : on se croirait presque à Rio.
15) Nicoletta entame les années 80 en beauté, chantant Idées noires en duo avec Bernard Lavilliers. Deux voix et deux fortes têtes. Après, on peut préférer le duo McFly et Carlito.
16) En 1986, elle se lance dans la comédie musicale. Ce sera Quasimodo, dont le livret est composé par son grand ami William Sheller. Soit quelques crans au-dessus du sinistre Notre-Dame-de-Paris à venir. Elle y joue Esmeralda. Tout en beauté.
17) Jean-François Kahn, fondateur de L’Événement du jeudi puis de Marianne, mais aussi fin connaisseur de la chanson française, affirme, à son propos : « Ce n’est pas seulement une voix. C’est aussi une couleur, une vibration. »
18) Elle mène depuis des décennies sa carrière. Paisible, humble et sans couiner contre un monde censé être injuste, forcément injuste. Hoshi, pour ne citer qu’elle, pourrait en prendre de la graine.
19) Même le rappeur JoeyStarr est un grand fan : « Quand elle chante Mamy Blue, ça guinche, ça swingue ! »…
20) Elle seule aurait pu sauver, au moins un peu, la cérémonie des Jeux olympiques en interprétant L’Hymne à l’amour à la place de la très surestimée Céline Dion.
Pour en savoir plus : Soul Sister (Le Cherche midi), des mémoires qui sont un modèle du genre.
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Nicoletta![Picture of Nicolas Gauthier](https://media.bvoltaire.fr/file/Bvoltaire/2024/06/24ec62c3705f165c45cada17f039cf3b.png)
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18 commentaires
La femme que tout homme un peu raffine, intelligent, avec une âme forte aimerait épouser. Du talent a l´etat pur, sans artifices. Je l’ai rencontre une fois…j´ai encore du mal atterrir et ca fait 40 ans.
Remarquable prestation dithyrambique : nous redécouvrons cette « grande dame » Merci Mr Gauthier.
Une grande dame de la chanson avec une voix unique , des titres qui avaient un sens , la belle époque pas si lointaine pourtant .
Bel hommage, merci
La classe, la retenue, le talent alors que la vie ne l’engageait pas dans cette voie.
On est loin des chouinards qui se déversent dans les médias ou écrivent un livre dès qu’ils se sont cassé un ongle
J’ai le plaisir de croiser parfois cette grande dame de la chanson dans le quartier d’Auteuil…toujours élégante. Bon anniversaire madame
Bonjour et merci pour cet article très juste et élogieux pour notre Nicoletta nationale.
Je l’ai aimée dès sa première chanson et l’ai suivie toute ma vie.
Elle a produit des chansons magnifiques qui ont été des tubes internationaux.
Mais je tiens à souligner qu’elle nous a aussi offert des chansons douces et discrètes très jolies, intimistes et agréables à écouter dont personne n’a jamais parlé, comme « Je ne voyais pas », « Je parle trop », « La vallée », « L’île au soleil », « Ripaille »…
Oui, c’est une Grande Dame.
Une grande chanteuse, et une personne adorable. Ray Charles ne s’y était pas trompé. Nicoletta chante souvent dans les églises ou Cathédrales ( sans commentaires médiatiques, naturellement…).
Bravo Madame et bon anniversaire. Continuez de chanter et de nous enchanter.
Parfait
Ce n’est pas Sainte Blandine de Lyon qui arrêta les Huns mais Sainte Genevière, patronne de Paris.
Très bon plaidoyer pour cette chanteuse hors normes.
En 2008 est paru, chez Florent Massot Editeur. son livre de souvenirs « La maison d’en face » dont les pages sont dédiées à sa mère et sa grand-mère. A lire et garder en bonne place sur votre étagère…
Toujours un plaisir de vous lire monsieur Gauthier. Que de souvenirs, que de chansons vous nous rappelez qui ont rythmé notre jeunesse. Nicoletta reste une grande dame de la chanson Française qu’on aime à réécouter.
Avec Fio Maravilha, elle nous montre qu’à l’instar des Nougaro (bidonville, Ah tu verras), Fugain (Fais comme l’oiseau), Lavilliers (l’été, et qu’elle complète sur « Idées noires ») , Zanini et Bardot (Tu veux ou tu veux pas) et surtout le prodigieux « Qui c’est celui-là » de Vassiliu, elle savait chanter Brésil sans risquer le blasphème.
Bon, dans la version originale, ce bon Jorge Ben Jor, grand amateur de foot et supporter du Flamengo nous conte les exploits du jeune prodige Fio, mais ceci est une autre histoire.
Incroyable l’histoire de Jimmy Hendrix , que Nicoletta initie à la soupe à l’oignon ,dans un bistrot des halles .
c’est vrai qu’elle a eu un parcours pas commun , avec la modestie d’une personne issue des « quartiers populaires » dans le bons sens du terme ,mais par contre dotée d’une sacré voix, ce qui éclate aux oreilles quand elle attaque ; « il est mort le soleil » . Une chanteuse qui a des tripes ! Même Joey Starr le reconnait , il est vrai qu’il a eu une certaine culture musicale pour ce qui est du Rythm’n’blues et de la musique Funk ou soul music propre à la communauté noire américaine . Le rap « old school » pompant les standards de ces musiques , il fallait avoir des références que n’ont plus les gens qui se revendiquent, aujourd’hui, de ce style de musique.
J’ai comme vous une certaine tendresse pour cette personne attachante , une filha marvilha , comme dans la chanson du brésilen Jorge Ben qu’elle interprête merveilleusement bien !