Pour survivre, le Rassemblement national ne peut compter que sur ses électeurs

Le Rassemblement national devra attendre le 26 septembre pour savoir si la Justice confirme ou non la saisie de deux millions d'euros d'aide publique, ordonnée par deux juges d'instruction dans l'enquête sur des emplois d'assistants d'eurodéputés. Ces deux millions représentent une partie de l’acompte, qui devait lui être versée en juillet, au titre de l’aide d’État calculée selon ses résultats aux législatives, soit environ 4,5 millions d’euros par an.

N'ayant pas accès au dossier et dans le respect de la présomption d'innocence, nous ne porterons aucun jugement sur cette affaire. Les dirigeants du Rassemblement national allèguent qu'il est difficile de distinguer les activités politiques des activités spécifiques auprès du Parlement européen. Force est de constater que l'ex-Front national est l'objet d'une attention particulière de la part de la Justice : François Bayrou, qui avait dû renoncer à son portefeuille ministériel en juin 2017, après la révélation d'une affaire similaire, a récemment indiqué qu'il n'avait pas de nouvelle de la Justice. Deux poids deux mesures ?

Enfin, si ce n'est pas la première fois que des partis politiques sont soupçonnés, à tort ou à raison, de malversations financières, c'est la première fois que la Justice prend de telles mesures conservatoires, qui vont peser sur le fonctionnement, voire la survie du Rassemblement national. Cette saisie est d'autant plus injustifiée que l'affaire n'a pas encore été jugée et qu'il serait toujours possible, en cas de condamnation, de prélever des sommes à venir, les subventions publiques étant versées pendant cinq ans. Par son comportement, la Justice elle-même (ou, du moins, les deux juges d'instruction concernés) alimente les doutes sur son indépendance.

"Nous allons serrer les dents, mais l'atteinte démocratique liée à cette décision de saisie est historique et gravissime dans ses conséquences", a tweeté Marine Le Pen, lundi soir. Malgré les 500.000 euros de dons récoltés, le RN devra limiter ses activités cet été. D'autant plus que le monde de la finance semble se coaliser pour lui refuser les prêts qu'il accorde aux autres partis. Et, en novembre 2017, n'a-t-on pas vu la Société générale décider de clôturer tous les comptes qu'elle détenait pour le FN ?

Il faut constater aussi que la presse écrite, elle-même largement subventionnée, n'est guère solidaire, en général, du Rassemblement national. À titre d'exemple, selon les chiffres publiés par le ministère de la Culture en mars 2018, Libération a touché 6.376.144 € en 2016, Le Figaro 5.778.283 €, Le Monde 5.088.915 €, La Croix 4.340.722 € et L'Humanité 3.689.447 €. Si le pluralisme de la presse doit être défendu (mais avec équité, ce qui est loin d'être toujours le cas), que dire de la pluralité des partis politiques ? Un parti pour lequel onze millions de Français ont voté au second tour de l'élection présidentielle mérite-t-il d'être privé de ressources et mis au rancart ?

Dans son édition du 9 juillet, Libération s'interrogeait même sur l'intérêt de faire disparaître le Rassemblement national en lui coupant les vivres : "Ce n’est pas l’intérêt de la majorité macronienne ou même celui de la gauche socialiste", estimait-il. Selon ce quotidien, dont on connaît l'objectivité à sens unique, cette affaire permettrait surtout au parti de Marine Le Pen de se victimiser une fois de plus. D'ici qu'il accuse Mme Le Pen d'avoir tout manigancé !

Tout laisse à penser, au contraire, que les médias et les politiciens de tous poils cherchent à affaiblir un courant de pensée qui pourrait faire un score important aux européennes et, selon les sondages, reste solide aux présidentielles. À défaut des institutions publiques, c'est sur la fidélité de ses électeurs que le Rassemblement national peut compter.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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