Pourquoi contrôler Twitter et Facebook s’impose

facebook twitter

La récente mésaventure - le mot est volontairement faible, c’est une litote - du compte Twitter de Boulevard Voltaire n’est qu’un des très nombreux épisodes montrant à quel point les réseaux sociaux, dans leur ensemble, n’en font qu’à leur tête. Tout cela serait acceptable venant d’entreprises privées si les réseaux sociaux n’occupaient pas une place qui n’est pas la leur : celle du Forum Magnum.

À Rome, le forum était le centre de la ville, non seulement économique, mais aussi politique. Empereurs, sénateurs et tribuns y haranguaient la foule des patriciens et y écrivaient l’histoire de l’Empire, la petite comme la grande.

Aujourd’hui, me direz-vous, avec Internet, rien n’est bien différent. Boulevard Voltaire existe, je peux vous haranguer comme jadis sur le forum, vous pouvez réagir.

Seulement, voilà : le problème, aujourd’hui, est simple à comprendre. Dans le paysage médiatique français, pour ne prendre que cette échelle, il y a Le Figaro, Le Monde, Libération et la presse quotidienne régionale (PQR)... Valeurs actuelles, L'Obs, L’Express et Le Point... Europe 1, RTL, France Inter... TF1, BFM TV, CNews... Boulevard Voltaire et Mediapart... Ma liste n’est évidemment pas exhaustive, mais vous devinez facilement où je veux en venir.

Twitter et Facebook monopolisent la parole « libre »

Si le poids respectif de ces différents médias dans la vie politique française est évidemment différent, leurs voix comptent. Gabrielle Cluzel est bien invitée ès qualité sur les plateaux télé, au même titre que ses confrères des autres médias, petits ou grands.

Mais vous ? Oui, vous, citoyens engagés, qui nous lisez donc avec plaisir (ou dégoût, qui sait ?), qui, pour vous permettre de vous exprimer ? Il y a bien quelques émissions de radio proposant une « libre antenne » à ses auditeurs, en réalité parfaitement filtrés en amont. Quelques rares cases « courrier des lecteurs » dans la presse. Ça ne va pas très loin.

Vous pouvez encore échanger avec des proches par mail ou sur WhatsApp. Commenter les articles ou discuter dans des forums thématiques spécialisés, nés avec Internet et aujourd’hui assez désuets. Mais pour prendre la parole sur LE forum, celui où tout le monde passe, il n’y a que Facebook et son alter ego Twitter. Or, comme ce forum est régi par des règles qui ne sont pas celles de la Cité mais celles d’une entreprise privée, dont les intérêts (et compromissions) politiques, économiques, sociologiques, éthiques sont nombreux… la démocratie et les régimes qui s’en revendiquent ne peuvent pas laisser Facebook et Twitter continuer à réguler la parole sur le Forum qu’ils occupent à leur guise.

C’est pour cette raison qu’il faut impérativement contraindre ces deux entreprises, en situation de monopole absolu, à changer leurs règles de modération et de contrôle de la parole, non pour la restreindre mais, au contraire, la libérer. Il est inconcevable que l’appel au djihad, la défense de la pédophilie ou le négationnisme soient traités automatiquement par les mêmes algorithmes qu’ils savent, d’ailleurs, contourner habilement et, derrière, par les mêmes équipes humaines faméliques et incultes, que des contenus humoristiques ou d’opinion. Régulièrement censurés... Tous ceux qui me lisent et ont été bannis pour quelques jours ou parfois quelques semaines de Facebook ou Twitter pour une broutille savent très bien ce que je veux dire.

Ce n’est pas une histoire de moyens. En 2019, Twitter a gagné 1,5 milliard de dollars, pour 3,5 milliards de chiffre d’affaires. Facebook s’approche des 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel et a gagné 11,2 milliards de bénéfice net, rien qu’au dernier semestre 2020. Ce n’est qu’une question de volonté, mais il y a urgence. Et pas seulement en France...

Natasha Koenigsberg
Natasha Koenigsberg
Journaliste économique

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