Pourquoi il faut réformer le régime des retraites du public. Vite !

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La Cour des comptes vient de rendre publics les résultats de son « audit flash » du système de retraite français, réalisé à la demande du Premier ministre. Bouclé en moins d’un mois, en dépit de l’extrême complexité du système (ou des systèmes) de retraite français, il a pour but d’éclairer le travail des partenaires sociaux auxquels François Bayrou a confié le soin de réformer la réforme Borne de 2023.

Lorsqu’il était Haut-commissaire au Plan, l’actuel Premier ministre avait déjà fait état d’un déficit du système de retraite très supérieur aux projections optimistes du Conseil d’orientation des retraites (COR). Il avait en effet pris en compte les subventions de l’Etat aux régimes de retraite des fonctionnaires, déguisées en surcotisations (à des taux de 78 % pour les fonctionnaires civils et 126 % pour les militaires, contre 16,46 % pour les salariés du privé).

Des systèmes complexes, voire incompréhensibles

Sur les mêmes bases, le 14 janvier dernier, François Bayrou avait évalué le déficit réel pour 2025 à 55 milliards d’euros. S’il espérait que les magistrats de la rue Cambon confirmeraient ce chiffre, il s’est bercé d’illusions. Ceux-ci conviennent que « l’État cotise au régime de retraite de ses fonctionnaires avec des taux apparents bien plus élevés que les entreprises privées au régime général », qu’il « finance le régime de ses fonctionnaires civils et militaires au moyen d’une contribution de 45 Md€ en 2023 » et « participe à l’équilibre financier de 17 régimes spéciaux pour un peu moins de 8 Md€ » (soit 53 milliards d’euros si l’on additionne ces deux contributions). Mais, à les en croire, « les deux systèmes présentent de telles divergences qu’ils ne sont pas comparables ».

En outre, ajoutent-ils, « la contribution de l’État mélange, sans distinction possible, une cotisation employeur, le financement de dépenses de solidarité, non couvertes par des cotisations dans le régime général, et un éventuel apport pour équilibrer le régime. » (L’adjectif « éventuel » relève de l’euphémisme...) De sorte que « la comparaison des taux pour calculer une éventuelle surcotisation de l’État n’est pas possible. » En somme, le système de retraite des fonctionnaires est si complexe et confus qu’il est impossible d’en analyser les différentes composantes ! Circulez, il n’y a rien à voir…

Les syndicats satisfaits

Ayant ainsi fait l’impasse sur les contributions de l’Etat aux régimes spéciaux, à commencer par celui de sa fonction publique, la Cour des comptes publie un audit mi-chèvre, mi-chou, qui avalise peu ou prou les prévisions du Conseil d’orientation des retraites : le déficit de l’ensemble des régimes de retraite atteindrait 6,6 milliards d’euros en 2025, se stabiliserait autour de ce montant jusqu’en 2030, s’élèverait à 15 milliards (hors inflation) en 2035, puis atteindrait 30 milliards en 2045.

Ce calcul convient aux syndicats, qui menaçaient de pratiquer la politique de la chaise vide si l’estimation initiale de François Bayrou était retenue. Ainsi Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, avait-elle prévenu : « Le Premier ministre a évoqué un déficit plus important que 40 milliards, en intégrant le régime des agents de la fonction publique. (…) Ce serait un changement de nature profond de la discussion. Je veux parler de la réforme de 2023. Or, celle-ci n’a jamais eu pour objectif de traiter cette question du déficit de la fonction publique. À ce stade, je ne discuterai pas si on nous dit que le déficit est de 55 milliards et non de 15 milliards. » La patronne de la CFDT assignait ainsi une limite indépassable à la réalité pour sanctuariser le régime de la fonction publique.

Les retraites des fonctionnaires financées par les contribuables!

Pourtant, la Cour des comptes indique elle-même que les pensions des fonctionnaires sont largement financées par l’impôt. Ainsi, en 2023, année où le solde de l’ensemble des régimes de retraite aurait été prétendument positif de 8,5 milliards d’euros, les cotisations sociales acquittées par les actifs et leurs employeurs n’ont représenté que les deux tiers des ressources allouées au paiement des retraites (259,6 milliards d’euros). Le tiers restant provenait essentiellement d’impôts (57,8 milliards) et des fameuses contributions d’équilibre attribuées au régime des fonctionnaires de l’Etat (45,1 milliards) et aux autres régimes spéciaux (7,6 milliards). C’est grâce à ces apports de l’Etat que l’on aboutit à un solde « positif ».

Ce constat accrédite l’analyse de l’association Sauvegarde Retraites, selon laquelle les pensions de la fonction publique ne sont pas de véritables retraites, obéissant à une logique assurantielle, mais des rémunérations à vie qui s’inscrivent dans le prolongement de la carrière active et sont financées par les contribuables – et non par les cotisations des actifs, comme ce devrait être le cas dans un système par répartition.

En toute logique, elles devraient donc être prises en compte dans le budget de l’Etat, au même titre que les traitements des fonctionnaires actifs. C’est aussi à l’Etat qu’il revient de se réformer lui-même pour alléger son propre déficit et la dette publique. En effet, si, comme le souligne la Cour des comptes, les « différences structurelles » entre le régime de la fonction publique de l’Etat et le régime général sont telles qu’elles « ne permettent pas la comparaison », il est aberrant de leur appliquer indifféremment une réforme globale, en agissant sur les mêmes leviers (âge légal de départ, durée d’assurance requise, montant des cotisations prélevées sur les actifs et conditions d’indexation des pensions de retraite). De cette manière, les affiliés aux régimes de retraite du secteur privé, qui ont consentis de nombreux sacrifices depuis la réforme Balladur de 1993, assumeraient injustement les déficits de l’Etat.

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Éric Letty
Journaliste

Vos commentaires

86 commentaires

  1. Pourquoi ne pas nuancer ce diagnostic et en voir déjà les retombées, dont la nation se passerait sans aucun doute ? Vous donnez une raison supplémentaire de creuser l’antagonisme entre les retraités et le reste de la population (sus aux retraités si riches avec 2000 euros par mois !). Vous donnez un motif – très contestable – de dresser les Français contre TOUS leurs services publics, ce qui fera plaisir à tous ceux qui veulent leur anéantissement, déjà bien à l’œuvre.
    Pourquoi ne pas évoquer aussi les différences qu’il y a AUSSI dans la prise en compte des critères de calcul de la fonction publique et du privé ? Les femmes fonctionnaires notamment qui ont élevé des enfants sauront pointer notamment le point litigieux quand elles arrivent à la retraite…
    Sus aux vieux, sus aux retraités, sus à tous les fonctionnaires : c’est la morale induite par votre article.
    Et enfin, une information : savez-vous que la Fonction publique vous jette de vos activités de fonctionnaires dès que vous atteignez 67 ans ? Et l’Etat prône l’allongement des cotisations et du temps d’activité…
    Connaissez-vous ce qu’on appelle la « grey economy », tous ces secteurs économiques que font vivre les retraités, tous les retraités, y compris dans les secteurs tertiaires ?
    Renseignez-vous avant de donner de mauvaises raisons de jeter sans discernement tous ces actifs dans la paupérisation généralisée de l’ensemble de la population. Prenez-vous en plutôt à tous les nababs qui font travailler l’argent depuis 4 décennies sans mettre les mains dans le cambouis et à l’abri du fisc.

  2. Il est difficile de comparer les régimes de retraite du privé et du public , la plus grande inégalité règne dans le privé , entre les régimes des retraités des PME et les régimes des retraités des grandes entreprises .
    Si on est cadre ou cadre supérieur il vaut mieux être retraité d’un grand groupe les retraites sont bien meilleures , par contre si on est employé de base , il vaut mieux être retraité de la fonction publique que d’une PME .
    Pendant la durée de l’activité les cadres du privé rêvent de « pantoufler » dans le privé pour augmenter considérablement leurs revenus et leurs retraites futures .

  3. Je ne suis pas fonctionnaire mais écrire que les salaires et les pensions des fonctionnaires sont payés par l’impôt à du demander un long travail de recherche et un résultat journalistique fabuleux !!!
    De même, écrire que ce n’est pas les cotisations des fonctionnaires actifs qui financent les retraités est fort de café ! C’est simplement la même chose pour le privé. Sans cotisations patronales pas de retraites.
    Alors oui il y a dans un certain nombre d’administration trop de fonctionnaires eu égarai travail à réaliser mais faut-il s’en prendre aux fonctionnaires pour autant ? Tout au mieux on peut critiquer la mauvaise foi de certains qui ne reconnaissent pas le manque d’occupation au travail mais, une fois de plus, il faut s’en prendre au système pas aux personnes à qui on a donné un travail.

  4. Un fonctionnaire a une pension de retraite égale à 75% de son salaire indiciaire , les primes ne sont pas comprises dans le calcul de la pension .
    Et les salaires de cadres et de cadres supérieurs sont bien moins élevés que dans les grandes entreprise privées .
    
Un fonctionnaire ne bénéficie pas d’une prime de départ à la retraite comme dans les grandes entreprises du privé.
    
Un fonctionnaire n’a pas d’actions de son entreprise comme dans le privé .

    Un fonctionnaire ne bénéficie pas d’un contrat groupe subventionné par l’Etat pour sa mutuelle santé , contrat bien plus avantageux que les mutuelles de la fonction publique .
    Le scandale dans la retraite de la fonction publique , ce sont les régimes spéciaux .

  5. L’état à la diète C’est l’évidence même que la fonction publique est favorisée par les différents gouvernements puisque ce sont ses électeurs en majorité la socialisation des pertes à encore de beaux jours à venir Trop de fonctionnaires avec trop d’avantages pour un fonctionnement trop médiocre

    • Je réponds à votre remarque.
      Le salaire d ‘un fonctionnaire est linéaire et en croissance tout au long de sa carrière.La retraite est donc basée sur ses 7 derniers mois
      En revanche la retraite dans le privé est calculé sur les 25 dernières années car l » évolution de carrière dans le privé peut ne être linéaire et fonction des différents emplois occupés.
      Quelle serait la retraite d’un salarié qui aurait perdu son emploi la dernière année ou qui occuperait un poste avec un salaire bien moindre que les années précédentes si on se basait sur ses 6 derniers mois.

    • Vous avez raison : la Cour des Comptes… un repaire de courtisans qui nous coûtent cher, comme tous les hauts fonctionnaires retraités, dont les services passés devraient aussi faire l’objet de l’examen de la Cour des Comptes.

    • « Dégraisser le mammouth », vous êtes donc d’accord avec cette formule en l’appliquant à TOUTE la fonction publique ?
      Soyez rassuré : le « dégraissage » a déjà bien commencé. On commence même à voir les os et la peau de ce qui reste de la fonction publique aujourd’hui.
      Maintenant, si vous avez les moyens pour payer des services privés, préparez votre Carte bancaire !

  6. Excellent article qui montre encore (mais on le savait déjà) le vol opéré par les socialistes de tous poils.
    Comme pour tous les pans de la société française il est grand temps de purger tous ces systèmes qui engraissent les socialos -cocos et de s’en libérer définitivement et rapidement.

    • de fonctionnaire « inutiles ».
      Qui peut m’expliquer l’existence le but et l’utilité d’un commissariat au plan, dont le seul but, semble-t-il est de fournir un revenu conséquent à son commissaire, mais dont l’utilité reste à démontrer?
      Et ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.

    • Vous racontez n’importe quoi, sans savoir ! Oui il y a des abus comme les militaires en opérations « opex » à l’étranger trés couteuses alors qu’ils seraient plus utiles en France. Mais les fonctionnaires cotisent pour leur pensio, environ 0,5% de moins que le privé. Et si la situation est si confortable pourquoi ,ne pas entrer dans la fonction publique ?

      • Oui, si vous pensez que la Fonction publique est une sinécure confortable, passez les concours : l’hôpital recrute, l’Education nationale manque de recrues, les services à la personne des municipalités embauchent… Allez-y.

    • « Trop de fonctionnaires » sans distinction ? Trop d’infirmières, trop de médecins travaillant dans les hôpitaux, trop d’éboueurs ? Trop de « cabinets médicaux » financés par les communes pour pallier aux déserts médicaux ? Trop d’instituteurs dans les maternelles ? Trop de crèches ? Réfléchissez !
      Un pays à vous conseiller si vous ne voulez plus de fonctionnaires dans tous les services publics : les Etats-Unis. Mais avant de partir, soyez TRES riche…

  7. « fameuses contributions d’équilibre attribuées au régime des fonctionnaires de l’Etat (45,1 milliards) et aux autres régimes spéciaux (7,6 milliards) ».
    Vu que l’Etat est en déficit de plusieurs centaines de milliards par an, d’où viennent des « contributions » ?
    Et bien c’est tout simplement de la DETTE !!!
    Plus de 50 milliards de dettes annuellement pour payer les retraites des fonctionnaires !!!
    Un vrai scandale !

  8. Comment raisonner sainement le financement des retraites de l’Etat en imaginant qu’elles ne mettent pas en jeu les recettes de l’Etat?
    Dont les impôts…
    Cet article est une imposture influancée… par les syndicats cités?
    la question pertinente n’est pas qui paie, mais bien pourquoi. Si on veut des fonctionnaires il faut les payer correctement et bien sur contrôler leur fonctionnement, au besoin les virer s’ils fautent).
    Quant aux projections financières, elles dépendent de plusieurs hypothèses concernant le nombre d’agents concernés aujourd’hui et plis tard, leur niveau de rémunération actuel et futur, et bien sur en face, les recettes prévisibles de l’Etat…
    Tout ces articles manquent de transparence…

    • Vous avez raison, les fonctionnaires cotisent pour leur pension (environ 0,5% de moins que le privé, mais ils cotisent), paient comme tous les français des impôts, sur des traitements souvent inférieurs aux salaires du privés, ! Chacun peut entrer dans la fonction publique après un concours souvent sélectif, subiir des déménagements successifs (treize dans toute la France en ce qui me concerne) avec les désagréments pour toute la famille. Et pendant ce temps les salariés du privés tombent dans le panneau posé par l’état, on ne parle pas des rémunérations des professionnels de la politique (voir l’article sur la situaton financière moscovici, président de la cour des comptes) et sur les « niches fiscales de certaines professions) ou les avantages de certaines catégories (régime des gens du spectacle) ! Ouvrez lzq yeux et arrêtez de marcher dans la divisions des français, pensons plutot à ceux qui defiscalisent à l’étranger comme les artistes par ex.

    • Entièrement d’accord avec vous cher Monsieur. Plus que jamais aujourd’hui, ne pas hurler avec les loups comme le fait cet article, surtout quand les loups sont macronistes, ultra libéraux, européistes et minoritaires dans l’hémicycle.

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