Pourquoi la gauche a torpillé l’accord migratoire entre l’UE et la Tunisie ?

Ces fonds devaient, notamment, servir à payer les salaires des forces de l’ordre tunisiennes.
© Holapaco77-Wikimedia
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Le 16 juillet dernier était signé, à Tunis, un Memorendum d’entente sur un partenariat stratégique et global entre l’Union européenne et la Tunisie. En présence de Giorgia Meloni, à l’origine de cette initiative, et de Mark Rutte, le Premier ministre hollandais, cet accord concernait de nombreux domaines, mais était surtout concentré sur la coopération en matière migratoire.

À Giorgia Meloni on pouvait au moins reconnaître - et c’était le fruit d’une action diplomatique intense menée tous azimuts - la volonté de faire évoluer le dogme : l’Union européenne acceptait - certes, du bout des lèvres - de considérer le phénomène migratoire non pas exclusivement en termes de redistribution plus ou moins forcée des clandestins arrivés par les frontières sud de l’Europe mais en termes de contrôle externalisé des frontières. En effet, l’Union européenne – et non Giorgia Meloni – s’engageait à verser deux fonds, l’un de 105 millions d’euros, l’autre de 150 millions d’euros, pour accompagner la Tunisie dans de nombreux projets de soutien et de développement économique, participant ainsi à la stabilisation macroéconomique du pays.

La Tunisie aidée pour bloquer les bateaux de clandestins

Le cœur de ce pacte était évidemment le volet migratoire : la Tunisie, en échange de cette aide, devait agir pour empêcher les bateaux chargés de clandestins affrétés par les mafias de passeurs de partir de ses ports, et particulièrement de Sfax. D’une certaine façon, une forme de realpolitik [« politique réaliste », NDLR] ou tout au moins de pragmatisme prenait le pas sur l’idéologie immigrationniste qui régissait exclusivement la politique migratoire de l’Union européenne.

Las ! La gauche européenne et surtout italienne a vu très vite le risque, pour elle et pour le discours médiatique imposé par elle depuis des décennies, d’un éventuel succès de la diplomatie de Meloni. D’ailleurs, selon le gouvernement italien, près de 40.000 clandestins ont été empêchés d’embarquer, depuis l’établissement des contacts avec le président tunisien Kaïs Saïed.

La gauche torpille cet accord

Il s’agissait donc de torpiller cet accord : c’est ainsi que la Tunisie n’a pas encore reçu les fonds promis par l’Union européenne, selon les révélations apportées par le journaliste Gian Micalessin d’Il Giornale, reprises en boucle dans les médias italiens mais aussi dans la bouche de profils plus institutionnels. Ces fonds devaient, notamment, servir à payer les salaires des forces de l’ordre tunisiennes.

Ainsi Josep Borell, vice-président de la Commission européenne, socialiste, a-t-il tramé en coulisses la faillite de cet accord. Il a été en cela grandement appuyé par Laura Boldrini, députée du Parti démocrate (PD, gauche italienne) et, entre autres, ancienne porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

En effet, dans une lettre publiée par le quotidien La Stampa, adressée à Ursula von der Leyen, Laura Boldrini et le député Giuseppe Provenzano affirment à propos de ce Memorendum, que « dans ce contexte, il est impossible [d’y] donner suite » en demandant à la Commission de l'Union européenne « d’accueillir l’appel du Groupe des Socialistes & Démocrates au Parlement européen pour que, par un geste de dignité politique, l’Union européenne abandonne ce modèle raté d’externalisation des frontières et retrouve son inspiration humanitaire, démocratique et sociale ».

Rendre inéluctable l’immigration illégale

Sous quel prétexte ? Car on ne peut traiter avec un pays qui « viole les droits humains ». Argument balayé d’un revers de main pour son irréalisme par Giorgia Meloni lors de ses nombreuses prises de parole de ces derniers jours, où elle pointait d’ailleurs le jeu néfaste et anti-italien de la gauche à travers des actions qui vont dans le même sens, pour essayer de soutenir qu’aucun des pays d’Afrique du Nord n’est un État sûr avec lequel il est possible de s’entendre pour arrêter les départs ou pour rapatrier les immigrés illégaux. « En clair, poursuit-elle, la volonté de la gauche européenne est de rendre inéluctable l’immigration illégale de masse. »

Que ce soit bien clair, il est évident que cet argent promis à la Tunisie ne suffira pas, ce n’est qu’un des éléments propres à stopper le départ des bateaux. Et que Saïed, comme Erdoğan en son temps (avec qui l’Union européenne n’a pas hésité à traiter), pourrait exercer à l’avenir un chantage migratoire envers l’Union européenne. Mais quand on voit les rixes violentes qui éclatent en Tunisie, et notamment à Sfax, entre Tunisiens et migrants subsahariens, on voit que l’intérêt de Saïed n’est ni de les faire entrer dans son pays par sa frontière avec la Libye, ni de les laisser transiter chez lui avant d’aller en Europe.

Laissons la conclusion à Lorenzo Castellani, politologue et essayiste italien : « Selon les partis de gauche, il ne faudrait pas négocier avec les régimes autoritaires nord-africains pour réguler les flux migratoires. Ce qui revient à dire qu’en Afrique, on ne peut fondamentalement négocier avec presque personne sur rien. Il serait plus honnête de dire la vérité : nous sommes pour les frontières européennes ouvertes à tous. »

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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

36 commentaires

  1. MERCI DE NOUS AVOIR REVELE LE POT AU ROSE !!!

    Naivement nous étions prêts à penser qu’il s’agissait d’un simple retard dans l’envoi des fonds promis à la Tunisie !!!!

    Voilà qui laisse augurer de belles entourloupes manigancées par la gauche bruxelloise au moment des confrontations issues des élections du 9 juin 2024 …

  2. Réponse brève à la question : la gauche ne se plaît que dans le mal.
    Réponse étayée : la gauche n’a jamais été le parti du Peuple mais celui de la fausse opposition au pouvoir de l’argent proposée en sous main par le pouvoir de l’argent et financé par nos impôts (emplois de complaisances, subventions aux assoces et à la fausse culture…pour assurer le militantisme….)

  3. Simple à comprendre , d’une part pour dénoncer les politiques dans la gestion migratoire de leurs adversaires , comme celle menée par Mme Méloni en Italie, une façon de la décrédibiliser , montrer aussi à la face du monde qu’ils sont pour l’ouverture aux peuples , et ouvrir les vannes de l’immigration , la Tunisie n’ayant pas reçu les millions promis ils ont laissé partir ces milliers de migrants vers l’île de Lampedusa par mesure de rétorsion. Et quand j’entends nos dirigeants avancer que la distinction sera faite entre les demandeurs d’asile (politique ou de conflit ) de ceux pour des raisons purement économiques , permettez moi de sourire , hier un journaliste interrogeait un ressortissant sur l’île de Lampedusa pris au hasard qui disait venir du Burkina Faso , peut-être !!! mais qui nous prouve qu’il venait d’une part de ce pays , car pas de papiers le justifiant, et aussi selon lui pour échapper aux conflits dans ce pays , qui peut juger dans quel camp s’inscrivait cet exilé ? Et pour finir cette immense mascarade qui consiste à installer çà et là des centres de rétention afin d’étudier au plus près les cas de ces réfugiés , pas gagné !!!

  4. Peut-être arrivera-t-il un jour, le réveil des populations européennes…Peut-être certains gauchos auront-ils intérêt à « numéroter leurs abattis »…Peut-être a-t-on encore le droit de rêver…

  5. La seule solution efficace : Mette en place en Europe des mesures totalement décourageantes pour les migrants : Toute personne entrée illégalement ne sera jamais régularisée, suppression des droits du sol, aucune prestation sociale, pression sur les pays d’origine pour qu’ils reprennent leurs ressortissants, arrêt total des aides financières s’ils refusent, etc. Et que font la Hongrie et la Pologne ? Toutes seules dans leur coin, elles parviennent à neutraliser l’immigration. Quand on veut, on peut.

    • Dans tous problème de société l’immigration ou la drogue par exemple constater à longueur de journée des faits est une bonne chose mais en dénoncer et surtout en éradiquer la ou les raisons à savoir l’appât du gain serait bien plus constructif et résoudrait le problème irrémédiablement

  6. Consternant de voir combien le mensonge est devenu un des fondements de la politique européenne avec des habillages lénifiants et systématiquement « droits de l’hommiste » et de torpiller ainsi toute tentative de maîtriser une situation qui va devenir explosive à force de nier les réalités<.

  7. Bravo pour cet article ! Je me permets très modestement de rappeler que j’ai fait passer l’info sur BV (et à RENCONQUETE) dès que j’en ai pris connaissances sur IL GIORNALE. Merci à Marie d’Armagnac. Mais il faudrait vraiment donner tous les détails de la lettre de Borell et rappeler l’offensive au Parlement européen y compris des députés du PPE (eh oui !) pour torpiller l’accord ! Facile apès de répéter que Giorgia Meloni est nulle. A mes amis du RN, je dis ici : Soyez comme Matteo Salvini à Pontida. Soutenez Meloni « Ils ne nous diviserons pas ». Le menteur c’est Darmanin, les coupables ce sont les amis de Macron et de Mélenchon. Ne croyez pas servir la cause de la France en voyant ces attaques contre FdI (Ah Monsieur Chenu !) comme un moyen pertinent pour contrer le rivalité de RECONQUETE.

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