Pourquoi l’Algérie a fermé toutes ses églises protestantes
« Les 47 églises protestantes chrétiennes évangéliques d’Algérie sont fermées ou sous scellés », a confirmé Guillaume Guennec, responsable de l’ONG protestante Portes Ouvertes, a l’occasion de la présentation de la dernière mise à jour de son Index mondial de persécution des chrétiens.
«Le christianisme menacé en Algérie» : le billet de @Rdesarbres dans #LaMatinale pic.twitter.com/frB4urhOdy
— CNEWS (@CNEWS) January 15, 2025
La communauté protestante algérienne compte plus de 100.000 adeptes, dont 60.800 évangéliques et 42.900 pentecôtistes. L’offensive du pouvoir algérien a réellement commencé en 2017. Le 2 mai 2024, le pasteur Youssef Ourahmane, vice-président de l’Église protestante d’Algérie, a été condamné en appel à un an de prison ferme « pour « célébration d'un culte non autorisé » dans un « édifice non permis à cet effet », pour avoir organisé une retraite spirituelle sur un site abritant une chapelle fermée par les autorités », est-il précisé sur la page « Algérie » du site internet de Portes Ouvertes. Et les quatre dernières églises encore ouvertes en mai dernier ont été fermées depuis.
Criminalisation du prosélytisme
L’Église catholique d’Algérie compte de son côté 7.000 églises ouvertes, réparties en quatre diocèses. Le pouvoir algérien serait-il donc pro catholique et anti protestant ? La réalité est tout autre. Les protestants sont des Algériens, anciens musulmans convertis, et c’est bien là ce qui pose problème, puisque cette situation contrevient à une loi sur laquelle le pouvoir se montre intransigeant, même si en théorie « La liberté de culte est garantie dans le cadre du respect de la loi » dans la constitution algérienne. Le parlement d’Algérie, pays officiellement musulman, a adopté en 2006 une loi interdisant tout prosélytisme non musulman, et prévoit des peines de deux à cinq ans de prison pour les contrevenants. Faute de pouvoir condamner ceux qui se convertissent, le pouvoir poursuit donc pour prosélytisme ceux qui les accueillent.
La situation des catholiques est ici bien différente. Cette communauté, qui comptait encore près d’un million de fidèles à la fin des années 1950, a fondu avec la guerre d'Algérie et surtout après les accords d'Évian de 1962. Les catholiques qui n’ont pas été tués, ont quitté pour nombre d’entre eux l’Algérie où une vie paisible n’était plus possible. Les Algériens catholiques n’étaient plus que 60.000 en 1982. Durant la guerre civile algérienne des années 1990, 19 religieux et religieuses avaient été assassinés et parmi eux les sept moines de Tibhirine dont le martyr a été conté dans le film Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, avec Michaël Lonsdale et Lambert Wilson. Tous ont été béatifiés le 8 décembre 2018, mais à l’époque, l’exemple de ces victimes collatérales de la lutte de pouvoir entre le parti islamiste du FIS et le pouvoir FLN n’a fait qu’accélérer la fuite des Algériens catholiques, qui n’étaient à peine plus de 8.000 en 2016.
Aujourd’hui, les églises d’Algérie sont majoritairement fréquentées par des étrangers, expatriés, travaillant en Algérie ou catholiques subsahariens fuyant les salafistes de Boko Haram et autres organisations djihadistes locales. Elles ne doivent d’être encore ouvertes qu’aux accords plus ou moins officieux entre Alger et le Vatican, au prix de certaines conditions, dont et avant tout celle du non-prosélytisme.
Les catholiques instrumentalisés ?
L’Église catholique serait-elle maintenue artificiellement en Algérie pour être instrumentalisée par le pouvoir ? Questionné sur à ce sujet en juillet 2024 par le Centre européen pour le droit et la justice, Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, l’explique très clairement : « Monseigneur Lavigerie, Notre-Dame d'Afrique, Saint-Augustin, Charles de Foucauld… il y a des grandes figures chrétiennes, mais c'est l'héritage de la colonisation. Alors que l'Algérie est un pays musulman et revendique son islam : "l'islam est notre religion, notre foi et notre drapeau". […] Le gouvernement algérien fait tout pour maintenir l'Église […] comme l'héritage de la colonisation et liée à la France. Donc, pour eux, il ne peut pas y avoir d'Église d'Algérie. […] L'Église, c'est un phénomène qui est, j'emploie un peu le terme excessif, mais qui est anti-algérien, et qui ne s'intègre pas, qui ne doit pas s'intégrer dans l'héritage politique historique algérien. C'est une Église des catacombes. »
Mais pour Xavier Driencourt, la situation change aujourd’hui : « L'Algérie se classe mal dans le classement mondial sur la liberté religieuse, alors les autorités voulaient faire croire qu'ils sont un pays laïc, ouvert, démocrate, etc. Par exemple, pour l'inauguration de Notre-Dame d'Afrique il y a quelques années, le représentant spécial du gouvernement algérien, c'était le secrétaire général du FLN. Donc voilà, il y avait une espèce de récupération de Notre-Dame d'Afrique par le FLN [mais aujourd’hui] il y a un conservatisme religieux, une islamisation du pays qui est réelle. »
Nos gouvernants sont-ils capables d’une analyse fine de la situation algérienne ? De discours et d’actes à l’adresse d’Alger qui ne se limitent pas à quelques poncifs incantatoires sur la laïcité ? On guette un signe, mais vainement pour l’instant.
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Un commentaire
Les nazis aussi voulaient éliminer tout ce qui n était pas harien