Pourquoi le Président est implacablement condamné à décevoir
Parce que notre Constitution gaullienne l’a voulu omnipotent, laissant au Premier ministre les soucis d’intendance, ce qui le fait percevoir par le peuple comme une espèce de superviseur, le deus ex machina capable de pouvoir tout résoudre. La réalité est tout autre. De droite comme de gauche, pourtant de caractères et de personnalités différents, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, aujourd’hui Macron, tous les Présidents depuis la fin des Trente Glorieuses n’ont pas répondu aux attentes et ne pourront jamais y répondre. Pourquoi ? La cause tient à une cause externe et mondiale : l’inéluctable diminution de la croissance, problème partagé par tous les pays occidentaux. Et cette diminution tient à l’évolution démographique.
Mondialement, c'est la population des plus de 65 ans qui augmente le plus vite. Avec des variations d’un pays à l’autre. Or, la croissance est fondée d’abord sur la consommation des ménages. Le pic de la consommation est entre 40 et 55 ans. Après 55 ans, c’est l’épargne qui est privilégiée. Ensuite, les besoins de consommation baissent et ce sont les services, non producteurs de richesses ajoutées, qui se substituent à la production de biens. En France, en 2004, 22 % de la population avait 60 ans ou plus ; ce taux atteindra 35 % en 2040. La croissance s’effondrant avec le vieillissement de la population, comment compenser ? Côté État, sauf à abandonner les inactifs et à retirer toutes les aides sociales, trois possibilités : imprimer des billets de banque, dévaluer ou acheter de la dette sur les marchés. Coincée par la Banque centrale européenne, la France n’a pour choix que la dette mais, pour la freiner, augmente les impôts, ce qui va encore nuire à la consommation. En France, pour 1 euro de croissance, ce sont 3,50 euros de dette. En Espagne, ce sont 12 euros. L’Allemagne, profitant de sa sécurité économique qu’elle sait provisoire, tente un autre défi : combattre la diminution démographique en s’ouvrant aux immigrés.
En laissant provisoirement de côté l’enjeu démographique, du moins pourrait-on espérer l’arrivée de nouvelles opportunités industrielles. La révolution numérique en est une, mais elle produit de la richesse pour un tout petit nombre. Ici, pas de ruissellement ! C’est sa différence fondamentale avec la révolution industrielle du XIXe siècle. À cette époque, la société était inégalitaire, mais cette inégalité était compensée car, avec la pleine croissance, l’ascenseur social fonctionnait. Les gens peuvent accepter l’inégalité quand l’espérance ne leur est pas fermée. Mais aujourd’hui, la faillite de cet ascenseur social ajoute à l’impuissance l’humiliation de la dépendance permanente aux aides sociales. Reste une autre piste : la fameuse transition écologique. Mais qui achoppe sur trois difficultés : les idéologues qui dénoncent la croissance, le manque d’engagement du reste du monde, la maîtrise technique, majoritairement étrangère.
Côté entreprises, quand la demande diminue, elles répondent d’abord en incitant au superflu et lancent de nouveaux produits en persuadant les gens qu’ils sont indispensables. Mais le peu de production restante sera concurrencé par l’invasion des importations étrangères - le photovoltaïque en est un exemple. Les emplois créés sont en Chine. Autres solutions pour contracter leur coût de production : évidemment diminuer le personnel et, par ailleurs, se racheter. Le plus fort va racheter ses concurrents pour compenser la diminution de ses bénéfices en supprimant leur concurrence.
S’ajoute au tableau la césure entre la ville et la campagne. En France, les politiques territoriales ont privilégié les urbains sur les ruraux. La richesse et la croissance sont centrées sur les métropoles et les ruraux doivent se déplacer pour aller chercher les emplois tertiaires. Or, ces déplacements deviennent de plus en plus coûteux et difficiles. Paradoxalement, les voies rapides (TGV et autoroutes) ont mis à l’écart ceux qui n’y sont pas reliés avec, pour effet pervers, de renforcer leur isolement. Autant de difficultés qui alimentent la frustration et la haine des élites incapables d’apporter une réponse.
Ce tableau réduit considérablement les pouvoirs que le peuple prête au Président, qui n’a aucune main sur les véritables leviers capables de relancer la croissance. Une fois de plus, la déception sera au rendez-vous.
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