Mixité sociale à l’école : pour le bien des enfants, vraiment ?

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Cet article a été publié le 15/11/2022.

Retour sur le grand objectif de l'ancien ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye : la mixité scolaire. Avec lui c'était « Faites de que je dis, ne faites pas ce que je fais ». Que nous réservera Gabriel Attal pour la rentrée ?

Le ministre Pap Ndiaye a récemment déclaré qu'« il était temps de faire de la mixité scolaire une priorité de ce ministère ». Dans une note d'information de juillet 2022, le ministère de l'Éducation nationale soulignait déjà que « les écarts de composition sociale entre secteurs public et privé sont croissants, le secteur privé scolarisant de plus en plus d’élèves de milieu favorisé ». Le journal Le Parisien, après la publication de l'indice de position sociale (IPS) des familles, confirme que « les élèves de familles aisées se mélangent de moins en moins », privilégiant les établissements privés pour leurs enfants.

Ce constat pourrait conduire – et certains ne s'en privent pas – à dénoncer la fracture sociale, source d'inégalité et de ségrégation, et à imposer aux écoles privées de pratiquer, elles aussi, la mixité sociale. Le secrétaire général de l'enseignement catholique, interrogé par Le Parisien, nie toute sélection sociale volontaire, estimant que certaines familles pensent que ce type d'établissement n'est pas fait pour elles, ou qu'il puisse parfois y avoir un obstacle financier, même si les droits d'inscription sont généralement modestes ou adaptés aux revenus. Il faudrait sans doute nuancer cette analyse et ne pas confondre l'effet et la cause.

D'une part, il existe des familles de condition modeste qui se saignent aux quatre veines pour inscrire leurs enfants dans des écoles privées ; d'autre part, pour les familles aisées, tous les établissements privés ne sont pas également attractifs. Dans tous les cas, ces familles recherchent la meilleure scolarité possible pour leurs enfants. Elles pensent que, dans une école privée, ils seront mieux encadrés et mieux instruits. En fait, cette enquête, dont l'objectif est de montrer la ségrégation sociale qui s'opère entre public et privé, semble plutôt révéler la crise profonde, pour ne pas dire la faillite, de l'école publique.

Peut-on blâmer les parents auxquels la carte scolaire assigne un établissement qui a, souvent à juste titre, mauvaise réputation de vouloir inscrire leurs enfants dans des établissements où ils auront de meilleures conditions pour travailler et s'instruire ? N'est-ce pas, au contraire, leur devoir ? C'est une hypocrisie de prétendre que tous les élèves, par des pédagogies adaptées, peuvent réussir dans un établissement où les problèmes de discipline sont quotidiens, où l'hétérogénéité est telle qu'il est impossible, même pour le professeur le plus compétent, d'instruire ses élèves.

Pour remédier à cette situation, certains demandent que les familles aient une totale liberté de choisir l'école de leurs enfants, ce qui est compréhensible ; mais, dans cette hypothèse, les familles les moins informées seraient laissées pour compte. D'autres souhaitent, au contraire, modifier la carte scolaire pour imposer partout, dans le public comme dans le privé, la mixité sociale, estimant que la concentration dans un même établissement d'enfants issus de milieux défavorisés peut devenir un handicap – ce qui n'est pas faux, surtout pour les élèves méritants qui veulent progresser.

Le ministre Pap Ndiaye lui-même a placé ses enfants dans une école privée – et pas n'importe laquelle – pour qu'ils aient une « scolarité sereine ». On ne saurait lui reprocher d'avoir voulu le bien de ses enfants. Ce qu'on lui reproche, c'est de ne pas prendre des mesures pour que tous les enfants qui veulent apprendre puissent être, eux aussi, quelle que soit leur école, sereinement instruits.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:17.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

77 commentaires

  1. Oui pour la mixité à condition de mettre dans les classes des enfants de même niveau scolaire afin de ne pas freiner ceux qui avancent rapidement. Je suis pour le doublement ou triplement des classes et passages en douceur d’un niveau à un autre même si l’âge ne correspond plus avec la classe. Il vaut mieux un bon élève de 13 ans en 6ème qu’un cancre de 13 ans en 3ème. Mais ce tri ne plairait malheureusement pas à tout le monde. Le passage d’une classe d’un niveau au niveau supérieur pourrait se faire en cours d’année ce qui stimulerait les enfants faisant des efforts. Mais tout cela est un vaste programme qui demanderait beaucoup de travail…

  2. J’aime la photo qui illustre cet article. Tables normalement alignées, les élèves avec des blouses peut-être y-a-t -il même une estrade pour le prof. En ajoutant 25 ou 30 élèves, je pourrais penser qu’il s’agit d’une classe de mon époque scolaire.

    • Il ne manque que l’odeur de l’encre et des pupitres cirés le dernier jour « d’école ».

  3. Depuis environ quarante ans, même avec la « droite » au pouvoir, la « priorité » de l’école n’a plus jamais été ce qui est sa raison d’être : enseigner. On en voit les résultats, qui sont de pire en pire chaque année, mais volontairement ignorés par les responsables politiques. Aucune raison, hélas, pour que cela change, le déni des réalités les plus évidentes étant la caractéristique majeure du pouvoir actuel.

    • Et malgré tout, le nombre de réussite au BAC est hallucinant. Le diplôme français n’a plus aucune valeur.

  4. La mixité était de rigueur dans le pays où je suis né, l’Algérie. À cette époque, cette mixité, obligatoire réunissait sur les bancs de l’école publique les petits musulmans, les petits juifs et les petits chrétiens, 35 à 40 par classe, avec une majorité de musulmans dont les parents parlaient difficilement le Français, tous unis sous un uniforme : la blouse grise ou noire. Mais cette mixité a été possible grâce aux Hussards de la République qui faisaient régner l’ordre et la discipline en classe comme en cours de récréation. Et lorsque l’on était puni, nous n’allions pas pleurnicher dans les jupes e nos mères ou espérer l’indulgence de nos pères ! Bien au contraire on prenait une deuxième punition. Autre chose encore : L’instruction prodiguée par les maîtres, bien que durement expliquée, était si bien expliquée que tous ou presque entrions en classe de 6iéme en sachant parfaitement lire écrire, compter et ce qui ne gâche rien, on comprenait les textes que l’on nous soumettait. Ceci est révolu, le désastre de mai 68 étant passé par là. Et la distribution « gratuite » du baccalauréat n’arrange en rien le niveau de cancres de notre jeunesse.

  5. Mixité sociale dans les écoles privées ? Trois freins à ce développement . Le « qu’en dira-t-on ? », la pression du quartier. Un « à priori ». Dans ces écoles, oblige-t-on à la prière ? Enfin, les ressources. L’appauvrissement de notre société ne conduit pas à placer ses enfants dans une école privée, malgré une solidarité existante non mise en évidence, les plus riches venant à contribuer au budget de l’école.

  6. Il n’y a jamais vraiment eu de mixité, il y avait les cours complémentaires dans les villes et les départements ouvriers où on ne faisait ni grec, ni latin et les lycées, ce qui quand même permettait aux enfants d’ouvriers n’ayant pas une éducation culturelle aussi poussée que ceux des familles bourgeoises de progresser à leur rythme, certains même particulièrement doués rejoignaient le lycée, et encore il y avait un concours pour entrer en classe de 6ème. Bon élève j’avais été surpris d’apprendre que j’avais échoué et dirigé vers le certif, j’ai eu la réponse une quinzaine d’années après, il fallait une place pour le fils de la secrétaire de mairie (mairie communiste) alors on a falsifié les résultats et on m’a même dit que j’avais été choisi parce que pour un fils d’ouvrier ça ne servait à rien de passer le bac (bravo les communistes) cependant ça ne m’a pas empêché d’avoir une équivalence et de faire une douzaine d’années d’études, d’avoir une profession libérale et de réussir ma vie professionnelle.

  7. À l’école, au collège, à l’université, libres et catholiques (à l’étranger), j’ai connu la mixité sociale, et même religieuse, voire éthique, où les parents des plus riches payaient pour les enfants des plus pauvres.
    Nous étions tous à pied d’égalité, nous portions fièrement l’uniforme.
    On nous inculquait le sens des valeurs, en complément de celles acquises à la maison.
    Mais je suis vieux…

  8. La mixité sociale … le mot « sociale » est inapproprié ! la réalité de la baisse du niveau scolaire s’impose à nos yeux et nos oreilles , le déclin est abyssal et va continuer , tout est fait pour .

  9. Mixité de cultures :oui, sous réserves d’inventaire ;mixité de civilisations, non.
    Deux civilisations n’ont jamais pu cohabiter à égalité et en paix sur un même territoire… c’est valable dès l’école.

  10. Y compris celles dites de « gôche » et même venant de la diversité. Mais pour ce qui concerne les « sans dents » les mêmes trouvent beaucoup de qualités à l’école publique et à la mixité. Quand à Gabriel Atal, il fera comme son prédécesseur, ce que lui dira de faire macron, avec peut-être une approche différente mais tendant au même résultat. Faire une école à deux vitesses, une pour la bourgeoisie, afin de garder le pouvoir et une pour la « populace », afin qu’ils ne soient pas trop instruits, pour qu’ils ne leur contestent pas ce pouvoir.

    • Faire une école à deux vitesses pour permettre aux plus défavorisés de progresser à leur rythme et avoir un bon niveau de connaissances, si c’est bien fait, ça peut être vertueux parce que forcément certains sortiront du lot et rejoindront les plus savants, mais cela n’est possible que si il y a un homogénéité de niveau dans les classes, si la moitié de la classe ne parle pas français ou parle une espèce de sabir ça ne peut pas marcher. Les gens de ma génération en majorité n’avaient que le certificat d’études, certains ont fait des études par les cours du soir sont devenus ingénieurs, ont exercé des professions libérales et beaucoup ont très bien réussi et sont devenus même des bourgeois, mais tout ça dépend des objectifs de chacun, si votre objectif est de devenir dealer alors l’école ne sert à rien.

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