Pourquoi l’ONU pousse la France à recourir aux statistiques ethniques
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L'ONU, ce « machin », comme l'appelait le général de Gaulle, vient d'appeler plusieurs pays, dont la France, à recourir aux statistiques ethniques. Dans un rapport publié le 28 juin, le Commissariat aux droits de l'homme déclare que les États « devraient recueillir et publier des données complètes ventilées selon la race ou l'origine » pour lutter contre « le racisme systémique ». L'emploi de cette expression est déjà significatif.
Jusqu'à présent, en France, les statistiques ethno-raciales étaient le plus souvent rejetées. Un rapport parlementaire, consacré à « l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter », en date du 9 mars 2021, pose clairement les données du problème : si l'instauration de telles statistiques peut sembler utile pour mesurer des discriminations et y remédier, elle risque aussi de conduire à une reconnaissance et un renforcement du communautarisme.
On devine les intentions de l'ONU, quand elle considère que « le fait de reconnaître expressément les personnes d'ascendance africaine dans les statistiques est également un pas vers la reconnaissance de leur identité et de leur héritage, qui va de pair avec leur droit à la dignité ». Une façon de mettre, une fois de plus, la France en accusation, comme si son Histoire s'apparentait à celle des États-Unis ou de l'Afrique du Sud. Avec le risque d'une exacerbation des tensions communautaires.
Le clivage entre partisans et opposants de cette pratique transcende la droite et la gauche. En 2015, l'écologiste Esther Benbassa proposait de l'instaurer pour lutter contre « l'apartheid territorial, social et ethnique ». Plus récemment, dans Le Figaro du 12 juin 2020, Julien Aubert, député LR du Vaucluse, estimait qu'un système auto-déclaratif « serait un bon thermomètre » pour « apaiser le débat [sur l'immigration] en objectivant la réalité ». Il apparaît donc qu'une même pratique peut être motivée par des intentions différentes.
On ne peut compter sur l'ondoyant Macron pour arbitrer ce débat. Il n'a pas coutume de se mouiller sur les sujets délicats. En 2020, il semblait repousser le principe de ces statistiques. Récemment, dans un entretien au magazine Elle, il fait mine de s'inquiéter de voir la société « se racialiser progressivement », évoquant la cancel culture et le phénomène woke. Comme les sophistes, il adapte ses propos aux circonstances et, dans une autre occasion, pourrait dire tout le contraire. Faut-il rappeler que, le 8 avril 2017, en fin de campagne, il écrivait, dans un tweet : « Je ne crois pas au modèle d’assimilation ; je crois à l’intégration, à une République forte qui sait assumer sa diversité. » C'est tout dire.
Les statistiques ethniques ne s'inscrivent pas dans la tradition française, fondée sur une citoyenneté indivisible. Il faut les manier avec précaution si l'on ne veut pas qu'elles soient instrumentalisées pour justifier le communautarisme et le séparatisme. Sans compter que les ténors de la bien-pensance pratiquent une indignation sélective. Ils pousseraient des cris d'orfraie si l'on démontrait, chiffres à l'appui, que la délinquance provient principalement d'une catégorie de la population. Rappelez-vous comment Robert Ménard fut inquiété, en mai 2015, pour avoir osé dire qu'il y avait, à Béziers, « 64,6 % des enfants qui sont musulmans dans les écoles primaires et maternelles ». C'était pourtant une vérité utile !
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