Pourquoi Michaël Benayoun s’appelle Youn ? À cause des « quartiers »…

Capture écran France Inter
Capture écran France Inter

On connaît désormais bien Michaël Youn, immortel présentateur du Morning Live au début des années 2000, non moins mémorable acteur des Onze Commandements. Chanteur sous les traits d’Alphonse Brown ou de Fatal Bazooka, il a acquis une notoriété bien méritée dans le domaine de l’humour potache et de la parodie. On objectera que ce n’est probablement pas le comique le plus léger que la Terre ait porté, mais après tout, chacun son mauvais goût, et l’esprit bourgeois fait rarement recette sur les planches…

Bref, Michaël Youn était, cette semaine, l’invité du grand David Castello-Lopes sur Konbini. Il faudra que l’on reparle de David Castello-Lopes, d’ailleurs, car c’est un humoriste lui aussi, d’un talent vraiment remarquable (allez voir sur YouTube), et auteur-compositeur-interprète avec ça. Bref, on était certain de ne pas s’ennuyer lors de cette interview. Et non seulement on n’a pas été déçu, mais on a entendu une révélation assez drôle, quoiqu’en fait, pas tant que ça. Interrogé par David Castello-Lopes sur le choix de son pseudonyme, puisqu’il s’appelle en fait Michaël Benayoun, le comédien a expliqué qu’il ne l’avait pas choisi.

« Ton nom de pied-noir, c’est pas possible ! »

Alors qu’il était tout jeune intervenant sur la station de radio Skyrock (« premier sur le rap », comme le dit son slogan historique), il a été annoncé d’une façon qu’il raconte lui-même avec humour : « Et tout de suite on retrouve… [accent à la Enrico Macias]…Michaël Benayoun ! » Il n’y voyait pas malice jusqu’à ce que son patron de l’époque, Laurent Bouneau, lui dise : « Écoute,on est écoutés dans les quartiers, ton nom de [il marque un temps] pied-noir, c’est pas possible ! » Et il lui a laissé le choix entre Michaël Bena et Michaël Youn. Pris de court, Michaël Benayoun a choisi de s’appeler Michaël Youn. Et l’affaire était entendue.

Reprenons. Michaël Youn a officié sur Sky, m’apprend sa fiche Wikipédia, de 1998 à 2000. Dommage car, à quelques années près, il aurait pu y croiser Guillaume Faye, théoricien de l’archéofuturisme, électron libre de la Nouvelle Droite et pilier du GRECE, qui réalisa pour Skyrock des canulars téléphoniques de haute volée sous le nom de Skyman. En tous les cas, en 1998 déjà, il ne faisait pas bon s’appeler Benayoun quand on bossait pour une radio écoutée « dans les quartiers ». À la même époque, il y avait aussi, sur Skyrock, un certain Jacques Essebag, dit Arthur. On ne sait pas si le pseudo était un choix de sa part, mais on constate en tout cas que les noms à certaines consonances n’étaient pas les bienvenus, sur la fréquence préférée des cités. Ça alors...

Le syndrome des quartiers

C’est curieux, tout de même, parce que quand on pose la question, à la télévision, aux gens qui avaient vingt ans dans les années 80 et 90, ils semblent tous regretter le bon vieux temps où il n’y avait pas de différences, où tout le monde était copain, dans des barres d’immeubles multiculturelles où les gamins de toutes les couleurs riaient aux éclats entre deux parties de football et partageaient leur goûter. Ce cliché lénifiant (et particulièrement exaspérant) semble tout droit sorti d’un épisode de Plus belle la vie. Et il ne correspond, en tout cas, à aucune réalité – bien au contraire, apparemment. Ça fait presque trente ans qu’on n’a pas l’oreille des quartiers si on porte un nom juif. Michaël Youn passe à autre chose immédiatement, mais reconnaissons que cette anecdote n’est pas anecdotique. Et explique deux ou trois choses.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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