Pourquoi tant de haine contre le vin français ?

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Vigneron et ancien porte-parole du projet rural et agricole de François Fillon, Yves d’Amécourt, par ailleurs contributeur de ce site, est plus qu’à son aise, dès lors qu’il s’agit d’évoquer le vin et la culture y afférente. D’où cette tribune poignante, publiée dans Le Figaro de ce 17 mai et intitulée : « Huit mille hectares de vignes arrachées, c’est la France qu’on déracine. »

Le spectacle qu’il décrit fait froid dans le dos tout en serrant le cœur ; soit ces dizaines de milliers de ceps livrés aux flammes par les vignerons, faute de pouvoir en écouler le fruit. Et notre homme de nous en dire plus : « On est en train d’attaquer tout ce qui est constitutif de la France, notre gastronomie, nos fromages, nos vins. Et ce, au nom d’un hygiénisme radical, mais qui, étrange paradoxe, tendrait à promouvoir la drogue en vente libre. » Comme on dit à la campagne, il est toujours plus facile de se procurer du shit auprès d’un dealer que de trouver un bar-tabac ouvert dans lequel, par ailleurs, il est interdit de fumer…

Le vin, boisson christique par excellence…

La galanterie, autre spécificité française, serait-elle aussi en ligne de mire, sachant que la carte du Tendre peut aussi se confondre avec celle des vins ? Yves d’Amécourt en convient : « Récemment, l’un de mes amis qui s’effaçait pour ouvrir la porte à une demoiselle n’a eu droit, en retour, qu’à une volée de noms d’oiseaux que je n’ose vous répéter… » Et le même de poursuivre : « Le vin est pourtant symbole de notre civilisation, française et chrétienne. » Il est vrai que le premier miracle, accompli et homologué, de Notre Seigneur Jésus-Christ demeure celui des noces de Cana. Soit l’art de remettre une tournée à des fêtards n’en ayant manifestement pas besoin et de rappeler que le Sauveur est des nôtres, ayant bu son verre comme les autres !

À l’instar du pain, chair christique, le vin est aussi son sang ; celui que les enfants de chœur lichaient chaque dimanche, dès potron-minet, quitte à s’en remettre un coup en fourbe dans la sacristie, loin des regards d’un curé pas trop regardant, n’a jamais tué personne ; autrement, l’auteur de ces lignes ne serait pas là pour en parler. D’ailleurs, les mots de « spirituels » et de « spiritueux » ne sont-ils pas issus de la même famille sémantique ?

Comme toujours, dans ces questions données pour être sociétales, celles de l’économie et des « eaux glacées du calcul égoïste », si bien définies par Karl Marx, ne sont jamais loin. Ce qui explique mieux cette évolution d’une culture du vin désormais indexée sur les évolutions de notre société et n’en finissant plus de creuser un fossé entre deux France, celle d’en haut et celle d’en bas.

Yves d’Amécourt, toujours : « En Gironde, derrière la réussite des grands crus, une autre viticulture se meurt, celle des milliers d’exploitations viticoles familiales, des caves coopératives. Elle entraîne avec elle tout un écosystème : des pépinières, des œnologues, des formations viticoles d’excellence et une filière complète de fournisseurs de la vigne et du vin. Du fabricant de barriques de chêne à ceux de machines en tous genres pour aider l’homme dans ses tâches. »

Le vin des riches et le vin des pauvres…

Un tableau d’autant plus inquiétant qu’il souligne : « Avec 750. 000 hectares (un million de moins que sous l’Ancien Régime), la vigne française emploie 500.000 personnes de manière directe ou indirecte. Ces jours-ci avait lieu, à Bordeaux, la semaine des primeurs, "Fashion Week" où les vins de "haute couture" se dévoilent aux palais. Avec un milliard d’euros de chiffre d’affaires, ils représentent plus de la moitié des bordeaux exportés en valeur (deux milliards d’euros), mais seulement 3 % du vignoble bordelais. » Bref, mieux vaut faire du vin pour des milliardaires, façon famille Kardashian qui met des glaçons dans son château pétrus, que pour ces Français n’ayant jamais rien contre un bon « vin de soif » à l’heure du barbecue.

Hormis l’acharnement quasi pathologique de nos gouvernements successifs à lutter contre ce qui demeure d’art de vivre à la française, il y a encore l’invasion des mœurs anglo-saxonnes. Soit l’art du binge drinking consistant à se mettre la tête à l’envers au maximum et en un minimum de temps. Ce qu’Yves d’Amécourt nous résume fort bien : « C’est la fin de la convivialité à la française, de cet art consistant à échanger des opinions, politiques ou non, autour d’une bonne bouteille, à éventuellement se disputer sans jamais s’engueuler. »

Vers la fin de l’art de vivre à la française ?

Et notre vigneron d’exception de conclure : « C’est notre civilisation et notre identité que l’on brûle. "Le vin est ce qu’il y a de plus civilisé au monde", écrivait Rabelais. »

« Après un demi-siècle d’hygiénisme qui a détourné les moins de quarante ans du vin pour des paradis artificiels souvent très toxiques, sans passé ni convivialité, ne serait-il pas temps de rétablir avec mesure et raison cette part de notre fierté et de notre hHstoire ? »

Poser la question équivaut à y répondre.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Le vin actuel est trop titré. Beaucoup sont à 14 degrés. Le vin rouge est noir. Beaucoup de sulfites. Sans compter le prix. Je ne peux donc plus en acheter.

  2. je bois tous les jours, un demi verre de rouge, mais je trouve que les prix (et même les degrés)
    sont un peu exagérés ! baissez vos prix et vous en vendrez davantage…….

  3. Un soir, l’esprit du vin chantait dans les bouteilles,
    Homme, vers toi je pousse,
    ö cher déshérité, sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
    Un chant plein de de lumière et de fraternité.

  4. Petite précision, la semaine des primeurs ne concerne pas que les grands châteaux, loin de la. On y trouve aussi une grande quantité de « petit vins », comme des castillons. Par ailleurs, la plupart des grands domaines ont aussi des vins moins onéreux (second ou troisièmes vins, ou domaines affiliés)

  5. Faudrait demander à Claude Evin, auteur de la Loi éponyme, et certainement pas amateur de bon vin.

  6. Un bon verre de vin, de la charcutaille et pour finir du camembert DE normandie. Elle est pas belle la vie…En France! « Pourvu que ça dure » disait la mère de Napoléon.

  7. je ne saurais rajouter un mot à votre article monsieur Gauthier tellement il résume ce qui ne va plus en France . Sinon que madame Rousseau qui s’attaquait au barbecue et le symbole qu’il représente s’en prenait aussi aux vins qui accompagnent ces agapes q’elle trouve tellement machistes . Elle préfère peut être le shit au coin de l’immeuble avec ses dealers inquiétants encagoulés ? Je préfère le bistrot de quartier avec ses pochetrons souvent sympathiques qui trouvaient là un lieu de convivialité qu’il leurs manquaient à la maison, tout cela autour d’une petite côte . L’alcool créait des drames familiaux mais que dire de la drogue ? Le vin c’est une culture , j’ai remarqué souvent dans les magasins des gens autour de la quarantaine et même cinquantenaires peu habitués aux crus qui restent interloqués devant un rayon de vin. Cela peut entrainer chez eux un désintérêt par la complexité de saveurs et des curs proposés parce que notre société privilégie la facilité et la praticité à la réflexion . Une bière c’est une bière , un whisky c’est un whisky surtout quand on le coupe avec du coca et Il est vrai que le vin demande un minimum de culture ne serait ce que pour l’accorder avec un repas . Ma femme fait de la cuisine et quand elle fait un bon plat il faut savoir l’honorer avec le vin qui lui convient et le boire dans le verre adéquat; parce que la vue participe du plaisir de déguster du vin et un gobelet n’est pas le meilleur contenant pour mettre en valeur un nectar . J’ai gardé d’une grand mère les derniers verres de baccarat ou de st louis qui ont survécu parce que cela participe du plaisir de la dégustation . Quand au côté hygiénisme , dans les campagnes on ne comptait plus les nonagénaires qui buvaient tous les jours leurs petits rouges , et la gente féminine n’était pas en reste à travers une de ses représentantes les plus libres de son époque en la personne de Colette qui glorifiait les crus de France à travers ses écrits, et a vécu tout de même 81 ans .

    • Bravo pour vos propos de fin connaisseur. Vous rappelez-vous de la chanson : « Boire un petit coup c’est agréable ». À plus de 80 ans, et aimant cuisiner, je ne manque pas de boire mon petit vin quotidien choisi pour accompagner mes repas. À votre santé.

      • BRAVO @ Maria William
        A votre santé ! Honorons la bonne cuisine, soyons fiers de notre gastronomie et de nos excellents vins que le monde entier nous envie !

  8. Dommage que le degré d’alcool monte autant tous les ans.
    Quel plat peut on apprécier avec un vin du bordelais ou un Saumur Champigny à 14° ou 14,5°?

    • Alors achetez-en d’autres. Perso, j’adore le Bourgogne et les vins d’Alsace. Et pour Noël faites-vous offrir : « Le Nez du Vin ».

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