Pourquoi tant de médias à République et si peu pont Alexandre-III ?

Pont Alexandre III

La journée de mardi a été marquée par deux « hommages » : pour un héros et une « victime ». Les collisions d'agenda sont parfois plus parlantes que de longues démonstrations.

Le premier, silencieux, digne, marqué par la retenue, a eu lieu pont Alexandre-III. Le convoi funéraire du sergent Nicolas Mazier, « commando parachutiste de l’air qui a donné sa vie au combat en appui de nos partenaires irakiens contre la menace terroriste », selon les mots du chef d’état-major des armées, est passé lentement, solennellement, entre la haie de drapeaux français, d’anciens combattants, de militaires mais aussi d’anonymes venus pour l’occasion, de passants et de touristes soudain à l’arrêt, saisis et émus par ce spectacle. Les médias l’ont fort peu relayé. La discrétion, c’était déjà le choix de Nicolas Mazier en embrassant la carrières des force spéciales. Il est le troisième soldat de l’été tombé en Irak, les Français ont déjà oublié son nom. Sa famille restera dans l’anonymat, pas de produis dérivés à son effigie ni de people pour lui tresser des couronnes de lauriers. Son sacrifice pour la nation fait l’objet d’une médiatisation ultra-minimale, son héroïsme reste humble, son souvenir ne sera cultivé que dans l’intimité du cercle de ses proches et de ses frères d’armes. Même la partie de la population la plus à droite de l’échiquier, se prenant à douter du bien-fondé de ces missions extérieures, ne l’honore toujours pas aussi bien qu'elle le devrait. Roland, un ancien des forces spéciales, le déplorait à juste titre dans ces colonnes, ces jours derniers.

L’autre manifestation de la journée, place de la République, prétendait rendre justice à Adama Traoré : le (maigre) rassemblement est bruyant, vociférant, revendicatif, refusant le non-lieu rendu par le tribunal qui éteint de facto, du défunt de Beaumont-sur-Oise, la qualité de victime de l’État français. Tout l’échafaudage politico-médiatique savamment bâti depuis sept ans s’effondre comme un château de cartes. Qu’importe. On fait mine d’y voir un nouveau scandale. Quel jeune - ou moins jeune - ne connaît pas le nom de Traoré ? Tous les médias étaient là pour couvrir l’événement. Les micros se pressaient, les journalistes se bousculaient. Puisqu’il est question de justice, où est l’équité dans cette outrageuse asymétrie de traitement ?

Le « en même temps » ne peut tenir

Puisque entre interdiction de l’abaya, expérimentation de l’uniforme, réduction des grandes vacances et plantation d’arbres, le gouvernement a lancé, à l’occasion de la rentrée, le concours Lépine de l’Éducation nationale, on pourrait suggérer qu’à chaque fois qu’un soldat tombe au champ d’honneur soit convoquée, pour l’hommage pont Alexandre-III, au moins une classe de collège ou de lycée. On conviendrait, pour l’occasion, de lui apprendre à se tenir et à se vêtir. Tiens, par exemple, à l’instar de cette école hors contrat catholique que BV avait interrogée lors d’un hommage, en 2019, de ce fameux uniforme qui, au-delà des abayas, pourrait être, par-dessus les croc-tops et les tee-shirts ACAB, le cache-misère bien utile d’une éducation - nationale et familiale - non dispensée.

Entre deux exemples pour nos enfants, il va falloir choisir. Dans ce domaine encore moins que dans les autres, le « en même temps » ne peut tenir.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Il y a un principe qui s’enfuit : soit qu’il passe pour archaïque, soit qu’il s’agisse désormais d’une prise de risque de le manifester, soit encore qu’il y ait deux poids, deux mesures. Un jeune soldat mort au service de la France – que ce soit en Afrique ou pas – démontre (pauvre homme) qu’il a perdu la vie dans l’indifférence ou bien couvert de vindicte. Je ne voudrais pas écrire ce qui suis mais… j’aimerais savoir ce que feront les indifférents et baveurs le jour où ils auront besoin d’être défendus…

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