Poursuivi pour séquestration de personnes, Matteo Salvini fait le buzz

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"C’est un peu comme si, pour quelqu’un arrivé en Amérique sans visa à bord d’un navire et interdit de descendre par les autorités, on mettait en accusation Donald Trump", explique le quotidien Libero du 27 août. Une analogie parfaitement seyante des récents événements qui se sont produits en Italie.

En effet, le parquet d’Agrigente (Sicile) a ouvert une enquête judiciaire pour "séquestration de personnes, abus de pouvoir et arrestations illégales" contre le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini pour avoir interdit le débarquement des clandestins retenus à bord du navire garde-côtier Diciotti, avant que ne soit trouvée une solution - non italienne - à leur prise en charge. Seuls les mineurs, les malades et les quelques femmes présentes avaient été autorisés à descendre et le personnel médical à monter à bord.

Libero - qui titre sans équivoque "Face à la magistrature et à la gauche, que Dieu sauve Salvini" - a accordé une large entrevue à l’homme politique, qui dit renoncer à l’immunité parlementaire, désireux qu’il est de "voir comment cette affaire finira". Fort du consensus populaire (trois millions de followers en plus sur son compte Facebook dans la seule nuit suivant les accusations), il tonne : "J’ai agi pour défendre les frontières de mon pays. Aucun magistrat ne doit penser pouvoir m’arrêter avec une enquête." Et le journaliste de dénoncer "la confusion entre le pouvoir exécutif et celui judiciaire... une pathologie de la démocratie". Car c’est bien la séparation des pouvoirs qui est ainsi compromise. Tout comme la volonté des citoyens, qui avaient démocratiquement et massivement choisi leur gouvernant sur la base d’un holà au chaos migratoire.

Cette fourberie judiciaire n’ira cependant pas bien loin – Salvini le sait -, son renvoi en justice nécessitant l'autorisation du Sénat, où il dispose de la majorité. Elle repose, de plus, sur des bases obscures qui seront difficiles à soutenir : s’il s’agissait véritablement d’un séquestre de personnes, pourquoi les forces de l’ordre ne sont-elles pas intervenues pour libérer les captifs ? À l’heure où nous écrivons, nous apprenons que la décision du procureur aurait été motivée par le défaut de documentation officielle, les ordres ayant été donnés par téléphone. Un peu mince pour se permettre de qualifier quelqu’un de séquestreur…

Bref, cette affaire est un parfait exemple d’hétérotélie car elle n’a fait qu’augmenter la cote de popularité du gouvernement montée en flèche dans les sondages, et à part d’infimes voix discordantes provenant de l’aile gauche du Mouvement 5 étoiles, l’exécutif prouve qu’il est solide et soutient la ligne dure contre l’immigration de son ministre.

Les migrants concernés ont maintenant été autorisés à descendre du navire, des accords ayant été passés – pour la première fois - avec le Vatican et l’Albanie, issue dont se félicite le leader de la Ligue qui précise que, depuis le blocage du Diciotti, aucune embarcation n’a quitté les côtes libyennes et que "l’objectif n’est pas de trouver des accords pour la redistribution mais plutôt de s’accorder pour le contrôle extérieur des frontières".

Ce qui est quand même, bien plus que la dispute pour la répartition des migrants, tout le nœud du problème.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:39.
Audrey D’Aguanno
Audrey D’Aguanno
Journaliste - résidant en Italie

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