Poutine à Versailles : j’y étais, je vous raconte
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Hier, Emmanuel Macron a reçu Vladimir Poutine à Versailles. Ils y ont tous deux donné une conférence de presse dans l’après-midi. J’ai eu la joie et le privilège d’y participer pour Boulevard Voltaire.
Un journaliste de la presse alternative dans ce genre de rassemblement, c’est un peu Proust chez la duchesse de Guermantes. "C’est pour quel média ?", claironne, à l’entrée, la dame qui compulse ses listes d’un doigt mouillé, telle l’aboyeur à l’entrée du bal. "Boulevard Voltaire", chuchoté-je, en regardant à droite et à gauche comme si j’avouais être vendeuse dans un sex-shop. Non, tout va bien. Le cameraman, devant, me tient encore la porte. Il n’a pas dû entendre.
Mais oui, j’ai pu rentrer. Mais non, on ne m’a pas refusé mon accréditation. Dites donc, on ne vit pas en Union soviétique, quand même… pour rester dans le registre géographique de la journée.
Les journalistes sont invités à attendre dans la galerie des Batailles. Le cadre est somptueux, les murs sont couverts d’immenses tableaux chantant l’épopée militaire française sous l’Ancien Régime. Ils sont virils, guerriers, figuratifs, regorgent d’étendards dorés, d’uniformes chamarrés et de fierté française glorifiée : tout ce que déteste la gauche, mais on n’a rien trouvé de mieux pour en imposer au dirigeant d’une grande puissance avec lequel on souhaite négocier.
"Il n’y a pas une culture française, mais des cultures françaises", a dit Emmanuel Macron, mais c’est pourtant celle-là - la grande, l’éternelle, la belle, la seule qui incarne notre pays dans l’imaginaire étranger, à défaut de peupler encore celui des Français - qu’il a choisie. Eh pardi ! Je le comprends : le premier qui réussit à inspirer le respect à qui que ce soit à l’ombre d’un plug anal vert pomme, assis dans l’entonnoir du vagin de la reine, me prévient.
Si la ponctualité est la politesse des rois, on se souvient vite qu’en dépit du cadre, on est en république. Les journalistes poireautent, poireautent, poireautent. Les plus à plaindre sont les chaînes d’information continue. Elles se refilent le micro pour commenter, sur l’air d’une pièce de Beckett En attendant Macron. "Les deux présidents ont passé une heure à discuter ensemble, ils avaient beaucoup de choses à se dire." Certes. Ils ont aussi passé une heure à table. Ils devaient avoir très faim, hein ?
Les présidents arrivent enfin.
Macron évoque dès le début Pierre le Grand, et Poutine Anne de Kiev. Tous deux une amitié franco-russe qui n’a jamais cessé. Hollande, devant sa télé, doit s’étrangler. Poutine avoue être très impressionné par Versailles, qu’il n’avait jamais visité. Macron cite son ministre de la Culture, éditeur, qui a publié Tchekhov et Dostoïevski. L’un et l’autre annoncent un partenariat culturel, dans lequel les jeunesses des deux pays auront grande part.
Puis vient le tour de la Syrie : la priorité absolue est la lutte contre Daech, et elle passe par la coopération des deux pays. Ils parlent même - à l’initiative d’un journaliste de l’AFP - de la rencontre entre Poutine et Marine Le Pen. Poutine ne renie rien, bien au contraire - "Marine Le Pen a toujours œuvré pour le rapprochement avec la Russie". Macron ne lui en fait pas grief puisque, finalement, c’est lui qui a gagné.
Le parcours d’Emmanuel Macron aurait été d’ailleurs presque sans faute… sans la question d’une journaliste de Russia Today : celle-ci s’étonne de l’ostracisme dont son média a fait l’objet durant sa campagne. « RT et Sputnik sont des organes d’influence, pas des journalistes », s’emporte-t-il, se prenant de ce fait légèrement les pieds dans le tapis : parce que tous ces braves gens de la presse française ici présents ont toujours été, peut-être, à l’endroit de Vladimir Poutine, d’une parfaite neutralité ?
On retiendra cependant un mot de son discours : "Je suis un pragmatique", qui laisse enfin espérer un retour salvateur à un peu de realpolitik. On peut être de la presse alternative et constater les évolutions positives, non ?
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