Prélèvement à la source : Darmanin, vendeur de cravates
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Dans un article récent, nous écrivions que si Gérald Darmanin était un animal, il serait un chat car il retombe toujours sur ses pattes. S’il n’était pas politicien et avait vécu à une autre époque, il aurait pu être vendeur de cravates sur les marchés ou d’encyclopédies dans les cages d’escalier de la France pompidolienne. Mais Darmanin est bien de notre époque. C’est un fait, c’est comme ça et on n’y peut rien.
Et il faut le voir faire la réclame du prélèvement à la source. On n’apprend pas ça dans les écoles de commerce, c’est sûr. Il a toujours l’argument qui vous laisse coi, le petit plus commercial qui vous dit que ce serait dommage de ne pas acheter sa camelote. Un que j’aime bien (d’argument), que Gérald Darmanin vous offre comme un porte-clés ou un service de verres à whisky : "C’est comme le téléphone portable. On se dira, dans un mois, mais comment on faisait avant !" C’est vrai, ça. Il y a beaucoup de choses, dans la vie, comme ça. Comment on faisait avant, quand il fallait aller au fond du jardin ? Comment on faisait avant, sans les chaînes d’information continue ? Comment on faisait sans Emmanuel Macron ?
Autre argument qui sent son marchand de verroterie : cette réforme est une "avancée". Un mot magique. Et pourquoi c’est une avancée ? Je vais vous le dire, ma bonne dame. Parce que cela va éviter les "problèmes de trésorerie". Eh oui, suivez bien mon raisonnement : les Français payaient leurs impôts le 17 du mois et recevaient leur paie dix jours après. "Désormais, le 17 du mois, ils ne seront plus prélevés et ils paieront leur impôt sur le revenu comme ils paient leurs cotisations sociales." C’est vrai, vu comme ça… Personne pour lui dire, à Darmanin, que les Français recevaient leur paie quinze jours avant le 17 du mois ? Finalement, si on comprend bien, les finances publiques sont là pour nous aider à mieux gérer notre budget. C’est gratuit ? Pour l’instant, oui. Un autre petit plus commercial. La maison ne recule devant aucun sacrifice. Et d’ajouter : "Les Français ne sont pas idiots, ils savent qu’il faut payer l’impôt sur le revenu." Cela s’appelle une antiphrase, je crois.
Un autre argument, encore, qui n’est pas mal du tout : c'est "une réforme… qui profite aux gens modestes". C’est quoi, les "gens modestes" quand on sait qu’à peine 43 % des foyers fiscaux payent l’impôt sur le revenu ?
Enfin, un dernier argument qui finit de me convaincre d’acheter tout le lot de cravates (même la rayée en marron et vert sur fond jaune) ainsi que cette magnifique encyclopédie en 52 volumes sur les maladies vénériennes. Partout en Europe, souligne Gérald Darmanin, ce système du prélèvement à la source a été adopté. Ça, c’est l’argument chic et choc. Bande de ringards, regardez donc ce que font nos voisins ! "Cela fait un siècle qu’on aurait dû faire cette réforme", s’emballe notre colporteur. Nous sommes, comme qui dirait, les acteurs d’un truc historique qui nous dépasse. Quinze cents ans de fiscalité royale, seigneuriale, ecclésiastique, républicaine, impériale nous contemplent. Et enfin Darmanin vint !
Du coup, je pense à un truc. Cet argument d'aller voir ailleurs, ne pourrait-on pas l'utiliser dans d’autres domaines ? Tiens, par exemple, le mode de scrutin. Pour l’élection des députés, la proportionnelle est majoritaire en Europe. Certes, avec des nuances, des mécanismes correcteurs, notamment une prime à la formation politique arrivée en tête. Mais c'est un fait, ça marche. Alors banco, Gérald ! Prenons donc exemple sur nos voisins européens et adoptons le scrutin proportionnel. C'est comme le téléphone portable, vous verrez, une fois adopté, on se dira : mais comment on faisait avant !
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