Le Président baisse dans les sondages : et alors ?
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Il paraît que le président de la République et le Premier ministre, après une courte embellie, déclinent à nouveau.
En réalité je suis moins réservé qu'amusé. En effet, tout démontre - dans quelque domaine que ce soit, du grave au futile, du médiatique au populaire - que l'alternative n'est pas entre le meilleur ou le pire mais oppose le risque de l'être au confort du néant.
Les vertus qui permettent d'admirer courage, sincérité, absence de démagogie, refus de l'infantilisme démocratique, liberté, vérité, sont en effet aux antipodes des dispositions qui sont de nature, dans notre monde, à recueillir les suffrages de ces consultations, qu'elles aient un tour officiel ou non.
Il suffit, pour s'en convaincre, de constater l'aura, la réputation, voire la gloire qui s'attachent inéluctablement au silence, à l'effacement, à l'immobilisme. Quand le sort ou son propre tempérament vous font échapper à la tentation de l'action, à cette irrépressible envie d'accomplir et de transformer, qui crée immédiatement et durablement des hostilités, des fractures et des dissidences, on est à peu près assuré de demeurer dans un panthéon qui vous distinguera à proportion de votre inexistence.
Sur un plan artistique, pour démontrer que l'affirmation de soi est préjudiciable partout à une adhésion majoritaire, je n'ai pas l'ombre d'un doute de ce qui adviendrait à Catherine Deneuve si elle n'avait pas le cran qu'on lui connaît. Quand elle met en cause l'utilité du hashtaglesporcs et qu'elle dénonce "un déferlement ignoble" à ce sujet, elle serait vraisemblablement en queue de la sélection.
Nous connaissons l'extraordinaire popularité d'un Jacques Chirac sympathique, chaleureux, affaibli, éloigné du pouvoir, d'autant plus intense qu'il avait déjà présidé sur un mode tranquille et consensuel. Aucune vague ne troublait la surface étale de sa gestion.
Le jour où on n'entendra plus parler de Nicolas Sarkozy, où il se contentera dans la discrétion d'être grassement rémunéré pour ses conférences, lui aussi parviendra au zénith.
Lorsque François Hollande se taira, devenu lucide sur son absence totale de légitimité post-présidentielle pour conseiller, enjoindre ou s'agiter encore, il touchera le sommet dans l'opinion.
Qu'on se souvienne des splendides apothéoses d'hommes ou de femmes sublimées par le fait qu'ils avaient en réalité, avant l'heure, quitté le territoire agité et contesté de la vraie vie, du souffle puissant de l'emprise sur les choses et les êtres.
Je n'irai pas jusqu'à soutenir que la baisse dans les sondages est la rançon bienfaisante d'une politique et d'une personnalité qui n'ont pas décidé de mourir de leur belle mort, de leur vivant. Mais je n'en suis pas loin.
Je songe à Georges Clemenceau qui, questionné sur son vote, affirmait "toujours voter pour le plus bête".
Je me souviens du mot si drôle et si terrible de Philippe Séguin au sujet d'Édouard Balladur quand il s'opposait à Jacques Chirac dans la campagne présidentielle : "Je suis persuadé que Balladur baisserait dans les sondages même s'il faisait quelque chose de bien."
Ces deux saillies très conscientes qu'en politique, comme dans toutes les autres activités de lumière et d'éclat, il ne faut pas faire peur mais rassembler autour du plus petit dénominateur commun, surtout ne pas bousculer. À la rigueur, faire illusion, donner l'apparence de l'énergie et du mouvement mais en réalité bien se garder d'engendrer la moindre contradiction. Surtout ne pas affronter, assumer le risque de l'être.
Mais confortablement jouer la comédie du néant qui pour certains n'est pas un rôle à contre-emploi.
Je me rappelle la magistrature. L'élection aurait été chargée de départager les remarquables et la masse des autres. C'est au sein de cette dernière que l'élu aurait été choisi.
Sondages ou non, aucune hésitation à avoir. Dès lors qu'on a la volonté de vivre - j'aime énormément "exister, c'est insister" - et de justifier sa présence sur Terre, tenter d'être intensément, le moins médiocrement possible, et fuir tout ce qui de près ou de loin pourrait ressembler, par anticipation, à sa disparition.
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