Présidentielle : Christiane Taubira joue la coquette et se fait désirer

La gauche est dans un tel état de décomposition qu'elle se cherche le candidat introuvable, susceptible de rassembler ses restes et de faire bonne figure au premier tour de la présidentielle. Il paraît que François Hollande, en partie responsable du déclin du Parti socialiste, serait prêt à entrer en lice, en passant par un trou de souris. Mais, si l'on en croit la presse, il aurait une sérieuse concurrente en la personne de son ancien garde des Sceaux, Christiane Taubira.

On la croyait en préretraite, mais elle est toujours courtisée : elle joue la coquette et se fait désirer. Dernièrement, au festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne, elle a rencontré plusieurs membres du collectif Taubira pour 2022 et aurait posé ses conditions. Pas question, pour elle, d'être une simple figurante : « Si je mène campagne, c’est pour gagner », aurait-elle confié à ses proches, ajoutant qu'« [elle n'avait] pas peur de Marine Le Pen ».

En décembre dernier, elle a donné son feu vert au lancement d'une pétition destinée à jauger sa popularité. Le 26 septembre 2019, elle avait déjà déclaré, sur France Inter : « S’il se dégage que c’est à moi qu’il reviendra de tenir le gouvernail, de prendre les rênes, de me bander les muscles […] et de tenir pour qu’on avance ensemble, […] oui, je serai là. » Madame Muscle, c'est elle, qui va vous nettoyer le paysage politique en deux coups de cuillère à pot ! Elle admet toutefois, lucide, que « les conditions du rassemblement ne sont pas là ».

Les principaux partis de gauche – le Parti socialiste, Europe Écologie Les Verts, La France insoumise et le Parti communiste français – devraient, en effet, chacun présenter leur candidat. Mais avec Taubira, la pasionaria de la gauche, des miracles sont toujours possibles. « Elle sait que les citoyens sont derrière elle », confie l’un de ses soutiens. Audrey Pulvar, la brillante tête de liste du PS en Île-de-France, estime qu'elle a « la capacité de convaincre les abstentionnistes de gauche » et « l’électorat populaire ».

Il est vrai que son parcours offre de quoi plaire à chacun des courants de la gauche. Elle a commencé sa carrière comme militante indépendantiste, ce qui peut lui attirer les faveurs des insoumis et des communistes, voire de l'extrême gauche. La « loi Taubira » de mai 2001, qui reconnaît la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité, lui apporte forcément un grand capital de sympathie. Cerise sur le gâteau, le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, qu'elle a fait adopter, lui ouvre les portes d'un électorat qui dépasse la gauche. Enfin, elle a le privilège d'être femme, noire, et de savoir rouler à vélo.

Elle peut se targuer d'avoir Macron dans le collimateur. Elle l'a toujours trouvé trop flou dans son positionnement politique. Sous le mandat de François Hollande, elle lui reprochait déjà, dans Le Monde, de méconnaître le clivage entre la droite et la gauche, de se prétendre « antisystème » alors que c'est « un pur produit du système ». Elle se disait aussi « mal à l’aise avec les calculs électoraux sur des sujets aussi lourds » que la colonisation et lui en veut beaucoup de ne pas avoir dit un mot à l'occasion de la commémoration de l'abolition de l'esclavage, alors qu'il a fini par célébrer Napoléon.

Il est peu probable, cependant, que les autres prétendants lui laissent la place. Chacun – peut-être devant une défaite assurée – veut défendre son pré carré et se prend, à défaut de la France, pour le sauveur de la gauche. Mais tous se rejoignent sur un point : face à Marine Le Pen, ils appelleraient à voter Macron.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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